Très tôt, François Bayrou s’avance dans l’hémicycle. Il n’est pas venu à l’Assemblée nationale depuis des années. Il a été député, ministre et très éphémère ministre de la Justice en 2017. Il se sait attendu. Ce mardi, le nouveau Premier ministre a accepté de participer à l’exercice des « questions au gouvernement », rebaptisé « questions au Premier ministre » car le gouvernement a démissionné et ne peut donc pas être sur le banc.
Il siège face à la présidente Yaël Braun-Pivet. Derrière lui, son chef de cabinet et un conseiller. Sur son bureau, quelques notes et son téléphone. Il sourit, mais il est probablement un peu tendu. Sa jambe tremble.
« Pau c’est la France »
Les 11 groupes poseront chacun une question. Dès le premier, interrogé par la députée du Rassemblement national du Var Laure Lavalette sur ses priorités, il se lève lentement, boutonne sa veste et prend le micro à deux mains. Il connaît la chorégraphie. D’abord, il exprime son émotion. « Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris la parole dans cette Assemblée qui m’a beaucoup plu. » Puis il dévoile sa méthode. “Je ne cacherai rien, je ne laisserai rien sans traitement ni sans réponse”, assure-t-il et ajoute qu’il prendra en compte “chacun des groupes”.
Tout le monde ou presque lui a reproché de s’être rendu lundi soir à Pau pour présider le conseil municipal de la commune des Pyrénées-Atlantiques dont il entend rester maire, alors même qu’un désastre endeuille le département de Mayotte. Pour la gauche, c’est une erreur. La première à le critiquer est Mathilde Panot, la présidente du groupe insoumis. Elle n’est pas du tout vindicative. En la regardant, il suppose. Oui, il a assisté par visio à la réunion de crise avec le président de la République Emmanuel Macron. « Pau est en France. Il y a une rupture que l’on ne sent peut-être pas entre la vie en province et les cercles du pouvoir à Paris. L’attaque agace le rebelle, qui le lui fait savoir. « Vous pouvez crier. J’étais aussi à ma place de citoyen. La citoyenneté n’est pas divisée entre être à Paris et être en province. »
« Un chemin de compréhension »
Le nouveau Premier ministre ne convainc pas grand monde. Il est affaibli. Comme tous les politiques au cœur d’une polémique, il reste discret et sait que ça va passer. Il préfère insister sur sa méthode pour trouver « le chemin de la compréhension et de toutes les sensibilités ».
Au PS, on fait tic-tac. Boris Vallaud, le patron des députés socialistes, lui pose clairement la question de gouverner selon le RN ou pas. La réponse n’est pas claire, le nouveau chef du gouvernement essayant de n’offenser personne et de composer avec toutes les oppositions. Même chose sur une question sur une éventuelle loi sur l’immigration : François Bayrou évacue, rappelle qu’il ne s’agit pas de sa déclaration de politique générale (prévue le 14 janvier) mais que son gouvernement arrivera rapidement. « Dans les prochains jours. » Il ajoute : « Je défendrai un point de vue de bonne foi et il peut être analysé comme tel. » Nous avons eu une réponse plus claire.
Sur les bancs, on reste affamés. Prudent, François Bayrou n’a rien révélé. Il multiplie les mots difficiles (« compatriotisme », « citoyenneté », « immémoriale »), mais sans séduire son public, qui s’en lasse vite. Marine Le Pen quitte l’hémicycle après 25 minutes. A gauche, on moque : “Rendez-nous Barnier !” », dit-on dans les boucles de discussion.
Les prétendants attendent
Dans le bloc central, certains, attendus pour rejoindre le gouvernement, se montrent très attentifs. C’est le cas de Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord, Roland Lescure, élu des Français de l’étranger, Harold Huwart, porte-parole du groupe centriste Liot, ou encore Jean-René Cazeneuve, député du Gers.
Des anciens ministres sont aussi souvent cités : François Rebsamen, ancien maire de Dijon ou l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne. François Bayrou discute ce mardi de cette « architecture » gouvernementale avec Emmanuel Macron. Gérald Darmanin était également attendu et est venu le saluer à l’issue de cette séance de questions sans beaucoup de réponses. “Il faut y aller étape par étape”, a déclaré le chef du futur gouvernement, mais sans préciser la date d’arrivée.