Par
Raphaël Lardeur
Publié le
17 décembre 2024 à 16h53
Voir mon actualité
Suivre l’actualité
Trois jours. C’est le - qu’il a fallu à François Bayrou pour faire face aux premières critiques. A l’heure où la crise s’aggrave à Mayotte, après le passage dévastateur du cyclone Chido, et les premières consultations pour former un gouvernement avant Noël, le locataire de Matignon s’est rendu à Pau.
L’homme de 73 ans a décidé de rester maire de la capitale des Pyrénées-Atlantiques et donc, lundi 16 décembre, de présider le dernier conseil municipal de l’année. Un choix discutable face aux circonstances humaines et politiques, qu’il a tenté de justifier ce mardi 17 décembre devant l’Assemblée nationale.
« Pau est en France », se défend-il. “Nous n’avons pas le droit de séparer la province et le cercle du pouvoir à Paris.” Dans les textes, rien n’interdit à François Bayrou d’exercer ses fonctions de maire et de Premier ministre. La question est plus politique et morale. Décryptage.
Que dit la loi ?
“Les règles juridiques indiquent que cette situation est tout à fait possible”, établit Julien Bonnet, professeur de droit public à l’Université de Montpellier, à -. Maire et Premier ministre : c’est légal.
Pourtant, en France, plusieurs lois régissent la vie de nos politiques. Après l’affaire Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget sous la présidence de François Hollande, les citoyens réclament plus de transparence sous la Ve République. « Une culture de l’éthique qui s’est infusée dans notre système »continues Julien Bonnet.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dont le but est de contrôler et promouvoir la probité des agents publics, a ensuite été créée en 2013. Et une loi organique a été votée en 2014. Cette norme restreint le cumul des mandats de députés et de sénateurs. Ils ne peuvent plus exercer d’autres fonctions locales.
Il en va de même pour les membres du gouvernement, note Anne-Laure Youhnovski Sagon pour -. L’article 23 de la Constitution prévoit que « les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire », explique l’enseignant en droit public à l’université Lyon 3.
Et pourquoi pas le Premier ministre alors ? “Je ne veux pas de rupture entre la base de la société française et le pouvoir”, a réagi François Bayrou lors du conseil municipal de Pau. Il a même qualifié d’« erreur » la volonté de François Hollande d’inverser le cumul des mandats de députés.
En 2012, la « commission Jospin », sur le thème de la rénovation et de l’éthique de la vie publique, a opté pour le remplacement définitif du ministre et du Premier ministre dans ses fonctions locales. « Ce projet de loi avait été rejeté », indique Anne-Laure Youhnovski Sagon.
L’esprit du poste de Premier ministre
François Bayrou roule-t-il à contresens sur l’autoroute de l’esprit du poste de Premier ministre ? Un peu. Dans l’histoire de la Ve République, de nombreux chefs de gouvernement ont démissionné de leurs fonctions de maire après leur prise de fonction à Matignon.
En 2012, Jean-Marc Ayrault démissionne de son poste de maire de Nantes. En 2017, Édouard Philippe rend son écharpe de maire du Havre lors de sa prise de fonction de Premier ministre, comme le rapporte notre rédaction 76actu.
« La pratique n’est pas récente », souligne Anne-Laure Youhnovski Sagon. Le respect du non-cumul des mandats des dirigeants politiques de l’exécutif a également été observé au XXee siècle. ” Donc, Lionel Jospinalors Premier ministre de la « gauche plurielle » entre 1997 et 2002, a imposé à ses ministres de quitter leurs fonctions locales. Idem pour Jean-Pierre Raffarinentre 2002 et 2005, voire Dominique de Villepin entre 2005 et 2007.
« A gauche comme à droite, c’est une règle tacite entre le président de la République, le Premier ministre et ses ministresquitter son poste d’élu local en vue d’une récente nomination au gouvernement, c’est normal », explique le professeur de droit public.
Démissionner est donc une habitude. S’accrocher à sa position de maire, comme semble le faire François Bayrou, soulève d’autres questions. «Sur le plan de séparation des pouvoirsil y a un risque de mettre le Premier ministre en porte-à-faux avec ses fonctions de maire », constate Julien Bonnet.
En effet, le conseil municipal de Pau pourrait prendre des décisions contestées par le préfet devant le tribunal administratif. Encore, et la mairie de Pau et le préfet sont tous deux soumis à l’autorité de François Bayrou. « Rien que pour cette raison, il serait judicieux de suspendre ses fonctions de maire », conclut le professeur de droit constitutionnel.
« L’homme fort de l’exécutif »
Celui qui est maire de Pau, président de l’agglomération de Pau Béarn Pyrénées, Haut-commissaire au Plan et président du Modem et du Parti Démocrate Européen, affirme son indépendance.
«C’est son caractère, celui de ne pas céder à la doxa dominante», estime Pierre Egéa, professeur de droit public à l’université de Toulouse. François Bayrou ne quittera pas son poste à la mairie de Pau.
Il exprime sa totale liberté par rapport à l’exécutif et à Emmanuel Macron.
Avant d’ajouter : « C’est l’homme fort de l’exécutif, il n’est pas soumis. »
Autre point : peut-être que son aventure de Premier ministre se terminera plus tôt que prévu ? “Il est très enraciné à Pau et dans le Béarn, il ne veut pas tout quitter pour une mission qui pourrait ne durer que quelques mois”, argumente Pierre Egéa, évoquant l’instabilité politique dans laquelle se trouve la France après la dissolution du chef d’état.
On verra si, d’ores et déjà, François Bayrou parvient à constituer un gouvernement. « Avant la fin de la semaine », a-t-il promis ce mardi 17 décembre.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon Actu.