La plupart des familles suisses ont des armoiries. Cette pratique peut surprendre à l’étranger, où l’art de l’héraldique est souvent l’apanage des familles nobles. Cet engouement suisse pour les armoiries s’explique par la tradition, mais aussi par la mode.
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10 décembre 2024 – 13h34
En Suisse, la grande majorité des familles locales possèdent leurs propres armoiries. «La part des familles qui en sont dotées peut varier selon les cantons, mais elle est toujours importante; cela concerne par exemple 80 à 90% des familles originaires du canton de Fribourg», indique Heribert Bielmann, président de l’Institut fribourgeois d’héraldique et de généalogie.Lien externe.
Du chevalier au peuple
L’héraldique trouve ses origines au Moyen Âge, à une époque où les armoiries étaient devenues nécessaires « comme signe distinctif des chevaliers devenus méconnaissables sous leur armure », noteLien externe le Dictionnaire historique de la Suisse. Mais au fil des siècles, cette pratique s’est étendue à d’autres couches de la société, jusqu’à atteindre le peuple.
Pendant longtemps, avoir des armoiries permettait à des personnes ou à des communautés de démontrer leur importance ou leur autonomie. Cela concernait particulièrement les familles patriciennes, les riches familles paysannes ou bourgeoises, ou encore les membres de corporations. “Avoir un blason permettait de montrer qu’on était quelqu’un”, souligne Heribert Bielmann.
« Mais c’est surtout au 20e siècle que l’héraldique est devenue un phénomène de mode qui s’est largement répandu, poursuit-il. Au milieu du siècle par exemple, on voyait toujours des héraldistes venir proposer leurs services dans les brocantes. Et les gens ont volontiers accepté de créer des armoiries, parce que c’était à la mode et qu’ils trouvaient cela important pour le sentiment d’appartenance familiale.
Aucune valeur officielle
Les armoiries familiales peuvent être enregistrées auprès des armoiries. Dans la plupart des cas, celles-ci sont détenues par les services d’archives des différents cantons, mais aussi des villes, communes ou régions.
Ce dépôt ne leur confère cependant pas de statut officiel, puisqu’en Suisse, les armoiries ne sont pas accordées par une autorité. “Ils constituent une marque personnelle, sans valeur officielle”, rappelleLien externe la Ville de Genève.
Les armures ayant depuis longtemps disparu de l’arsenal suisse, les armoiries n’ont pas non plus une grande utilité pratique. On pourrait éventuellement imaginer les graver sur un anneau, pour sceller le courrier, mais encore une fois, cet usage semble quelque peu dépassé.
Pendant longtemps, les armoiries ont eu avant tout une fonction décorative. Le champ d’application est très large : porte d’entrée, canne en étain, vitrail, carte de visite, papier à lettres, ou encore fer à bibelots. Encore une fois, c’est aussi une question de mode.
Une utilisation pour le moins originale avec ce bibelot portant un blason.
Institut fribourgeois d’héraldique et de généalogie.
Des règles strictes et un langage spécifique
Pour les familles qui ne possèdent pas d’armoiries, rien n’est perdu : il est encore tout à fait possible d’en créer un. Vous pouvez bien sûr le faire vous-même, mais il est toujours conseillé de se tourner vers des spécialistes car l’héraldique suit un langage et des règles spécifiques.
De nombreuses règles et interdictions doivent être prises en compte. La règle principale concerne la superposition des couleurs. Les armoiries sont également traduites dans une langue spécifique (les armoiries).
A titre d’exemple, les armoiries de l’auteur de cet article sont « d’argent au sautoir de gueules accompagné en chef d’une colombe d’azur, en pointe d’une rose de gueules et flanqué aux côtés dextre et senestre d’un demi-vol de sable ».
Mais peut-être que dans ce cas précis, un dessin vaut plus que des mots…
Les règles ayant été établies, le thème reste à déterminer. On peut alors rechercher des éléments symboliques pouvant illustrer le nom, l’origine ou encore l’activité de la personne à qui les nouvelles armoiries sont destinées. Et parfois, il ne faut pas chercher bien loin. « La couleur rouge pour une famille Roth ou un bras tenant une hachette (Cloche en allemand) pour une famille Bielmann », cite Heribert Bielmann.
Une tradition en danger
En Suisse, l’héraldique a traversé les siècles avec succès. Mais cette tradition est désormais en danger.
Tout d’abord, il y a un manque de spécialistes connaissant encore cet art. En Suisse romande, par exemple, il ne reste qu’un seul héraldiste.Lien externe qui fabrique encore des armoiries à la main.
Extrait des archives RTS : rencontre avec le dernier peintre de Suisse romande (2015) :
Peut-être plus grave encore, l’intérêt est en baisse. « Les jeunes ne semblent plus intéressés par l’héraldique », regrette Heribert Bielmann. C’est quelque chose qui touche désormais principalement les personnes âgées. Comme en philatélie, il y a un manque de succession.
Mais comme dit précédemment, l’héraldique fonctionne par mode. La mode étant souvent cyclique, rien n’est peut-être encore perdu pour cette tradition du Moyen Âge.
Retrouvez les armoiries de votre famille sur le site heraldicaLien externe
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg
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