QQue se passe-t-il dans les églises de Gironde ? Ces derniers mois, plusieurs lieux de culte catholique ont subi des effractions, en Sud Gironde, autour du bassin d’Arcachon, dans le Médoc et dans la métropole bordelaise.
Une série de faits divers, dont certains voudraient tirer une interprétation politique – Reconquête Gironde évoque ainsi, dans un récent communiqué, des « actes de christianophobie », en résumant la litanie des lieux visés : en un mois, les églises de Brouqueyran , Saint-Aubin-de Médoc, La Réole et plus récemment, l’église Saint-Éloi de Bordeaux. En août, l’église de la Trinité de Bordeaux, Saint-Vincent de Mérignac et Lège-bourg. A quoi on peut ajouter Gajac, pour une affaire remontant à Noël dernier et dans laquelle un suspect a été interpellé en septembre.
Mais l’effet nombre recouvre-t-il la même réalité ? Selon le père Samuel Volta, vicaire général du diocèse de Bordeaux, les événements récents « portent sur des registres différents d’un lieu à l’autre ». Parmi eux, une seule profanation avérée. « C’était cet été à Lège, paroisse dont je suis l’administrateur. Le tabernacle a été brisé et le Saint-Sacrement a été pris pour cible. Pour nous, c’est le plus grave. »
Vols et revente
Le reste sont des cas de vols, et encore avec « des typologies différentes », analyse le Père Volta. « Il y a eu notamment une concentration de cambriolages dans des églises du Sud-Gironde » : Brouqueyran, La Réole, Gajac… Concernant ces effractions, pas de profanations, ni de saccages « mais des vols d’objets religieux. Par exemple, à La Réole, une croix a été emportée. A Brouqueyran, c’est une table de baptême de 50 kilos. A Gajac, un bougeoir en laiton, un grand bougeoir en bronze et des couronnes de lustre, d’une valeur de 1.500 euros, selon le maire de la commune.
« A Lège, le tabernacle a été brisé et le Saint-Sacrement a été pris pour cible. Pour nous, c’est le plus grave”
Troisième typologie distinguée par le Père Volta, après la profanation et le vol d’objets en milieu rural : le vol d’argent liquide en milieu urbain. Dernier exemple en date : l’église Saint-Éloi de Bordeaux, où, dans la nuit du 30 au 1er novembreest En décembre, un malfaiteur a volé l’argent contenu dans les malles et dans le coffre de la sacristie. « Il a dû se laisser enfermer là car il a cassé un vitrail pour sortir », suppose le vicaire général.
“Pas d’attaque contre les valeurs”
Pour lui, « les motivations sont différentes. Les cambriolages du Sud-Gironde suggèrent que les auteurs disposent d’un réseau de revente d’objets. D’ailleurs, on est parfois surpris de retrouver, sur les stands des brocantes, des statues et des croix, dont il peut être difficile de discerner si elles proviennent de vols d’objets de culte ou de piété populaire, ou de « donations » datant d’une époque où beaucoup de gens du XIXe les pièces du siècle ont été venduese siècle, car nous n’avions pas encore pris conscience de leur valeur patrimoniale. L’homme d’Église le reconnaît : « Ces objets sont difficiles à retracer, car ils sont loin d’être parfaitement inventoriés. »
Le vol d’argent en ville, c’est autre chose, estime-t-il. « Le quartier Saint-Éloi est très difficile, avec beaucoup de précarité. » C’est donc l’argent en tant que tel qui est visé, « sans aucune volonté de porter atteinte aux valeurs chrétiennes ». Fin novembre, la malle d’offrandes a également disparu dans une chapelle de Libourne.
« On est parfois surpris de retrouver, sur les stands des brocantes, des statues et des croix »
Que dire des alertes à la « christianophobie » dans ce contexte ? « Est-ce juste une coïncidence ? En tout cas, ces différentes situations n’ont rien à voir avec des attaques contre des églises avec des tags ou des processions en plein air », estime le Père Volta. « Même dans le cas de profanation à Lège-Cap-Ferret, l’enquête semble montrer que nous ne sommes pas du tout face à un réseau antichrétien ou à une association sataniste, mais à quelqu’un qui a « pété le plomb ». » De quoi exorciser les peurs de ceux qui tirent la sonnette d’alarme ?
Le casse-tête de la protection
Un élément complique la question de la protection des églises et des objets qu’elles contiennent : quelle institution est compétente ? La loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905 distingue en effet entre propriétaires (les communes) et cessionnaires (la religion). Avant cette date, c’est donc la collectivité qui est compétente. « Cela représente environ les trois quarts des 650 lieux de culte catholiques du département », précise le père Samuel Volta. « Mais dans tous les cas, nous travaillons en bonne harmonie avec les communes et la police. Sachant qu’on parle de bâtiments nombreux, difficiles à sécuriser et parfois très isolés géographiquement. »
Le vicaire général ajoute cependant qu’à la différence du petit patrimoine, mal inventorié, « les objets de grande valeur sont bien entendu dûment inventoriés et protégés. Par exemple les albâtres de Saint-Michel. Ceux-ci ont fait leur retour dans la basilique de Bordeaux en 2019… 35 ans après avoir été volés et remplacés par des faux en 1984.
La série girondine est d’autant plus notable qu’au niveau national, le ministère de la Culture a enregistré une forte baisse des vols dans les églises : entre 50 et 180 par an, contre 600 dans les années 2000.