Emmanuel Macron a reconnu que les forces coloniales françaises avaient commis un « massacre » contre des tirailleurs africains en 1944 près de Dakar, a déclaré le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye.
Un « pas important » vers la vérité. Dans un entretien à l’AFP, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué que son homologue français, Emmanuel Macron, avait reconnu ce jeudi que les forces coloniales françaises avaient commis un « massacre » contre des tirailleurs africains près de Dakar en 1944.
« J’ai reçu (jeudi) du président Emmanuel Macron une lettre dans laquelle il reconnaît qu’il s’agissait d’un massacre, très clairement, sans ambiguïté sur les termes. La France a reconnu ce massacre comme elle ne l’a jamais fait », a déclaré Bassirou Diomaye Faye, trois jours avant les commémorations auxquelles les nouvelles autorités sénégalaises entendent accorder une importance particulière.
En effet, à l’approche du 80e anniversaire des événements de Thiaroye, on a vu se multiplier les griefs contre l’ancienne puissance coloniale, les accusations de dissimulation de l’histoire et les demandes de reconnaissance. Dans sa lettre, Emmanuel Macron a évoqué les relations « d’amitié et de fraternité » entre les deux pays, et le devoir réciproque de « vérité et justice ».
« Il faut donc regarder les événements survenus à Thiaroye le 1er décembre 1944. De ce point de vue, la France doit reconnaître que ce jour-là, l’affrontement entre militaires et tirailleurs qui réclamaient que la totalité de l’argent lui soit versée à leur juste titre payer, a déclenché un enchaînement d’événements menant à un massacre”, écrit-il, regrettant de ne pouvoir participer aux commémorations du dimanche 1er décembre, où la France sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Des zones grises persistent
Fin 1944, plus de 1 600 tirailleurs – anciens prisonniers de guerre des Allemands ayant participé aux combats de 1940 – étaient regroupés à Thiaroye. Il ne s’agissait pas seulement de Sénégalais, mais d’hommes originaires d’autres possessions françaises d’Afrique.
Le 1er décembre 1944, deux semaines après leur arrivée au camp, alors qu’ils réclament le paiement de leurs arriérés de soldes et de diverses primes et indemnités de combat, les forces coloniales leur tirent dessus. Les autorités françaises de l’époque avaient reconnu la mort d’au moins 35 personnes. Plusieurs historiens avancent un nombre de victimes beaucoup plus élevé, pouvant atteindre plusieurs centaines.
Aujourd’hui encore, de nombreuses zones d’ombre subsistent quant aux circonstances de la tuerie, au nombre de morts ou encore à la localisation des corps.
Le président sénégalais a envisagé la possibilité d’une future demande d’excuses de la part de la France. « Reconnaître que nous avons perpétré un massacre doit évidemment avoir pour effet de réparer les torts causés. Sans vouloir se livrer à une surenchère, nous pensons que c’est naturellement ce qui devrait suivre », a-t-il déclaré.
Avec ces commémorations, les nouvelles autorités sénégalaises rompent avec les précédentes. Ils sortent “le Sénégal du silence coupable et complice, fermement imposé par la France aux régimes successifs”, a déclaré à l’AFP l’historien et président du comité de commémoration Mamadou Diouf.
« Ces hommes courageux ont été massacrés alors qu’ils n’étaient pas armés. Leur seule erreur a été d’exiger des compensations, comme ils en avaient le droit, comme leurs frères d’armes français », a déclaré Bassirou Diomaye Faye. « Ils n’ont reçu aucun pécule. Ils ont été abattus. Ce n’est pas parce qu’ils ont reçu des balles que ces versements ne sont plus dus. Ils restent dus à ces hommes de Tiaroye, comme ils ont été payés à leurs frères d’armes français”, a ajouté le président sénégalais.
“Nous faisons des pas de géant pour révéler la vérité sur les circonstances de ce massacre”, s’est-il également félicité, soulignant que “la France collabore parfaitement avec le comité envoyé (en France par le Sénégal). ) pour l’exploitation des archives non encore ouvertes.