la réforme de la réforme, continuation et jamais fin ? – .

la réforme de la réforme, continuation et jamais fin ? – .
la réforme de la réforme, continuation et jamais fin ? – .

Par Sébastien Pellé, Professeur agrégé de droit privé et sciences criminelles, Professeur à l’Université Toulouse Capitole

Pourquoi une nouvelle réforme de la garde à vue ?

La loi du 22 avril 2024 n’est pas spécifique à la garde à vue ni à la matière pénale. Il s’agit d’une loi « fourre-tout » dont le titre à lui seul dit le programme, « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, des finances, de la transition écologique, du droit pénal, du droit social et des matières agricoles ». S’agissant de la garde à vue, elle est destinée à remédier à certaines imperfections de la transposition de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales. Une procédure précontentieuse a été engagée contre la France et la Commission européenne a émis un avis motivé le 28 septembre 2023 concluant à une « mauvaise » transposition de certaines dispositions, nécessitant une réponse sous peine de s’exposer, cette fois, à la phase contentieuse de la procédure d’infraction. Dans cette logique de conformité, deux points du régime de la garde à vue sont, une fois encore, modifiés dans une logique de conformité formelle.

Le droit français pourrait-il limiter les tiers qui pourraient être informés de la mesure et communiquer avec la personne gardée à vue ?

Une réponse négative découle du texte de la directive qui ne tolère aucune restriction à l’égard des tiers qui peuvent être informés de la mesure, et avec lesquels la personne gardée à vue est alors susceptible de communiquer (voir art. 5 § 3 de la Directive 2013/48). / UE). Ce premier motif de non-respect justifie une modification des articles 63-2 et 63-3 du code de procédure pénale (art. 32, I, 1° et 2°, L. 22 avril 2024). Ce droit était jusqu’à présent réservé à une personne avec laquelle elle vit habituellement, à l’un de ses parents directs ou à l’un de ses frères et sœurs et à son employeur. Logiquement, elle est désormais ouverte à « toute autre personne désignée » (formule qui sera utilisée dans les textes connexes, notamment en ce qui concerne les personnes pouvant demander une visite médicale, art. 63-3 CPP). Cette évolution n’empêche pas la possibilité de différer ou de ne pas délivrer la mise en demeure au tiers en cas de risque de perte de preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne (avertissement d’un complice ou coauteur éventuel, nécessité de procéder à une recherche préalable, etc.). Néanmoins, l’élargissement du cercle des tiers invitera les enquêteurs à procéder à une appréciation de plus en plus cruciale, dès les premiers stades de l’enquête, sur la nécessité ou non de différer l’exercice de ces droits, avec un risque accru de contentieux de la part des tiers. raisons justifiant l’exonération. C’est sans doute le sens de la directive d’application, adressée au moyen d’une circulaire, et qui consacre des évolutions significatives au rappel de ces appareils tant pour information que pour communication avec un tiers (voir Circulaire du 14 juin 2024, Crim 2024 – JUSD2416353C , p. La question est loin d’être anodine et révèle les tensions soulevées par ce droit d’information/communication avec un tiers au cours de l’enquête, expliquant sans doute les réticences initiales à transposer la directive.

La loi française pourrait-elle introduire un délai de carence de deux heures avec une dérogation générale en fonction des besoins de l’enquête ?

Une nouvelle réponse négative s’impose et invite à revisiter plus largement les termes du droit à l’assistance d’un avocat, avec plusieurs modifications en cascade (art. 32, I, 3° à 6°, L. 22 avril 2024). Le cœur du débat a porté sur le délai de carence, tel qu’il est organisé depuis la réforme du 14 avril 2011. Dans son esprit, ce délai de deux heures visait à concilier l’efficacité des enquêtes avec l’effectivité du droit à l’assistance. Il prévoyait un certain temps (raisonnable ?) d’attente avant de commencer les audiences au fond, pour permettre à l’avocat d’arriver sur les lieux. Ce n’est pas tant le principe d’un tel délai que ses termes concrets qui sont remis en cause, en ce qu’ils permettaient de commencer les audiences au fond dès son expiration, et en autorisant une annulation du délai en fonction des « nécessités » de l’enquête ».

Pour y remédier, l’article 63-4-2 du code de procédure pénale prévoit désormais que les audiences sur les faits ne peuvent avoir lieu « sans la présence de l’avocat, choisi ou désigné d’office, sauf renonciation expresse de sa part mentionnée au procès-verbal ». Toutefois, le délai de deux heures ne disparaît pas, mais il ne produit plus un effet paralysant sur l’exercice du droit à l’assistance. S’il est impossible de contacter l’avocat ou de se déplacer sur les lieux dans ce délai, l’officier de police judiciaire doit s’adresser au bâtonnier « sans délai et par tous moyens en vue de désigner un avocat commis d’office ». » (art. 63-3-1 RPC). De plus, une dérogation est toujours envisagée, de manière particulière et concrète. Le système devient alors assez complexe puisqu’un nouvel article 63-4-2-1 a été spécialement créé pour débuter exceptionnellement les audiences au fond, sans attendre l’arrivée de l’avocat. Cette possibilité n’est pas exclusive du report, déjà admis, de la présence de l’avocat aux audiences et aux confrontations. Dans les deux cas, la dérogation doit être justifiée, selon une formule quasiment identique, inspirée de la directive, pour éviter de « compromettre gravement une procédure pénale », ou pour empêcher « une atteinte grave (et imminente) à la vie, à la liberté ou à la l’intégrité physique d’une personne » (comp. art. 63-4-2 al. 2 et art. 63-4-2-1 al. 1 CPP). Il n’est pas sûr que la réforme gagne en efficacité ce qu’elle perd en intelligibilité, d’autant que le délai d’attente a donné lieu à une pratique plutôt consensuelle.

Par ailleurs, afin de transposer « correctement » la directive 2013/48/UE, il aurait été souhaitable que le législateur corrige enfin les scories de l’article 706-88 du code de procédure pénale qui, en matière exceptionnelle, ne renvoie toujours pas à l’article 61-3 du même code, pour autoriser l’assistance de l’avocat dans les reconstitutions et les séances d’identification. La réforme de la réforme va-t-elle enfin s’arrêter ?

 
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