Et si le théâtre, art de la parole par excellence, perdait sa parole pour faire revivre un chef-d’œuvre du cinéma muet ? Il y a près d’un siècle, Chaplin réalisait Les Lumières de la Ville, un mélodrame de l’eau la plus fine, un film tendre et émouvant. C’est désormais sur scène que ce film a été transposé sans parole ; mais l’art de Chaplin était assez éloquent pour pouvoir se passer de mots.
On retrouve donc les scènes immortalisées par la caméra de Chaplin, ainsi que tout l’univers créé par le cinéaste. La troupe de comédiens incarne les différents personnages et on reconnaît avec bonheur la silhouette familière du tendre vagabond. L’immortel Charlot revient hanter le théâtre, après avoir conquis le monde du septième art.
Le résultat est assez étonnant, tant le pari était risqué. Redonner vie à Charlot et à ses compagnons fut un pari assez brillamment réussi. Malgré quelques longueurs, la mise en scène parvient à créer une ambiance de film muet. Le spectateur, qu’il soit familier ou non du film original, parvient à suivre l’histoire sans accroc, sans un mot ni le moindre son. Seul un pianiste accompagne l’ensemble du spectacle. On avoue qu’on attendait avec impatience la scène finale, tant Chaplin lui avait donné tellement d’émotion. Eh bien, nous n’avons pas été déçus ; Si le spectacle à l’écran vous a fait monter les larmes aux yeux, il n’y a pas de honte à en écraser une ici.
Jean-Noël Grando
