ENTRETIEN. « En votant RN et LFI, Marseille est représentative du vote populaire »

ENTRETIEN. « En votant RN et LFI, Marseille est représentative du vote populaire »
ENTRETIEN. « En votant RN et LFI, Marseille est représentative du vote populaire »

Marseille se démarque des autres métropoles françaises. Le premier tour des élections législatives a confirmé la domination de la France Insoumise, qui a fait élire deux députés dans le centre et le nord de la ville, ainsi que du Rassemblement national, dont le candidat est arrivé en tête dans toutes les autres circonscriptions.

Déjà, aux élections européennes du 9 juin, Marseille avait placé le Rassemblement national en tête (30,1%), suivi par la France Insoumise (21,5%), qui enregistrait plus du double de son score national. Tandis que les autres grandes villes avaient davantage voté pour le camp d’Emmanuel Macron et pour la liste de Raphaël Glucksmann (PS-Place publique).

Comment comprendre ce paysage électoral contrasté à Marseille ? Nous avons interrogé le sociologue et anthropologue Michel Peraldi, directeur de recherche émérite au CNRS et co-auteur de Sociologie de Marseille (La Découverte, 2015).

Comment expliquer que des partis aussi antagonistes que le RN et LFI dominent à Marseille ?

Tout simplement parce que Marseille est une ville ouvrière, représentative de l’électorat populaire et de ses divisions. D’un côté, notamment dans le centre-ville, vous avez un vote d’extrême gauche, notamment chez les étudiants, les jeunes, les créatifs… Ils sont à peu près les mêmes qu’à Paris, mais plus précaires. Pour le reste, on voit que le Rassemblement national a siphonné le vote des classes populaires. Ceux qui ont voté à droite votent désormais pour le RN.

Sur un plan plus politique, le grand magma qui constituait le centre gauche et le centre droit a été siphonné. On a un centre droit qui bascule vers le RN – avec une énorme responsabilité pour la droite marseillaise – et un centre gauche absorbé par l’extrême gauche. C’est différent de ce qu’on voit à Paris, Lyon ou Toulouse, mais c’est caractéristique du vote populaire. Marseille ne fait pas exception, même si les choses y deviennent un peu plus radicales.

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« En votant RN et LFI, Marseille est représentative du vote populaire » – Sociologue et anthropologue, Michel Peraldi est directeur de recherche émérite au CNRS et co-auteur de Sociologie de Marseille (La Découverte, 2015). | ANTOINE LANNUZEL
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« En votant RN et LFI, Marseille est représentative du vote populaire » – Sociologue et anthropologue, Michel Peraldi est directeur de recherche émérite au CNRS et co-auteur de Sociologie de Marseille (La Découverte, 2015). | ANTOINE LANNUZEL

Marseille est une ville millénaire où se sont installées des populations d’origines diverses. Est-ce la fin d’une cohabitation parfois présentée comme un modèle ?

Le mythe cosmopolite de Marseille n’est plus une réalité. Cette ville fut cosmopolite pendant une très courte période de son histoire, dans l’entre-deux-guerres. Dans les années 1930, 900 000 voyageurs transitaient par Marseille. Grande ville industrielle, elle accueillait les mouvements migratoires et était un point d’arrivée pour les personnes mises sur les routes par les guerres d’Europe. Tout cela s’est arrêté dans les années 1950. Le port de Marseille n’a plus jamais connu une telle diversité de déplacements. Aujourd’hui, on compte encore des voyageurs vers la Corse, l’Algérie ou la Tunisie, mais cela reste faible par rapport aux lignes maritimes d’antan.

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Pourtant, le mythe est resté, notamment parce qu’il sert une petite bourgeoisie intellectuelle qui prend plaisir à raconter ce cosmopolitisme. La réalité est que Marseille est la 18e ville de France pour la présence d’étrangers. Il y en a davantage à Toulouse ou à Grenoble. Le cosmopolitisme sans étrangers est un peu étrange. Aujourd’hui, les migrations sont anciennes et installées. La migration comorienne, la dernière arrivée, a commencé dans les années 1930. La grande migration algérienne a commencé en 1907… Ce n’est plus une migration, ce sont les Marseillais d’aujourd’hui !

Comment vivre ensemble dans cette ville aux contrastes sociaux très forts ?

Comme dans de nombreuses villes, Marseille est très fortement concentrée en quartiers. Ce sont les conséquences des énormes disparités économiques et sociologiques qui le traversent. 200 000 à 250 000 personnes y vivent sous le seuil de pauvreté, quand une poignée de très riches ont colonisé son front de mer. C’est ce que nous appelons aux États-Unis le communauté ferméedes gens qui s’enferment dans leur petit lotissement, leur premier cercle urbain. Marseille est une caricature de ce point de vue. Le vivre ensemble prend la forme d’une juxtaposition en mosaïque de petits mondes urbains qui se regardent comme des chiens de porcelaine, s’épient…

 
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