A l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, lundi 25 novembre, Isabelle Fouillot, la mère d’Alexia Daval tuée par son mari il y a sept ans, a confié à ELLE : “Chaque année, les chiffres des féminicides défilent : 100, 120, 140”. des femmes tuées… On oublie leurs prénoms, on ne sait plus qui est qui. » Et d’appeler à raconter les destins brisés de ces femmes tuées chaque année parce qu’elles sont compagnes, mères, filles. ELLE vous propose l’histoire de dix d’entre eux, dix symboles qui, au-delà des drames, démontrent la diversité des féminicides et des histoires qui ne peuvent se résumer en chiffres.
Un fait divers donne souvent lieu à des rumeurs, surtout si l’affaire n’est pas résolue rapidement et que la politique s’en mêle. L’affaire du meurtre de Christelle Jean-François a pris une telle ampleur que le procureur de la République de Saint-Denis de La Réunion, en charge du dossier, a dû publier un communiqué pour rappeler à chacun l’obligation de respecter le secret des affaires. l’enquête et la présomption d’innocence. Mais l’horreur du drame a créé un véritable traumatisme local.
Quelles sont les circonstances de ce fémicide ?
Jeudi 25 janvier 2024, des ouvriers agricoles découvrent sous un petit pont en béton, sur la commune de Saint-Benoît, le tronc et la tête d’une femme, tous deux enveloppés dans un drap noué. La police a rapidement bouclé le quartier et les enquêteurs ont fait le lien avec un appel téléphonique, reçu deux jours plus tôt, d’un habitant affirmant avoir vu le corps d’une femme sans vie transporté par deux hommes. Un signalement qui n’a alors pas été pris au sérieux car émanant d’un homme « psychologiquement instable » selon les autorités.
Très vite, et même si l’identité du corps n’est pas confirmée, un suspect, un mécanicien de 33 ans, est identifié et des traces de sang effacées dans sa salle de bain sont mises au jour. Le mécanicien finit par avouer et donne un nom : la victime s’appelle Christelle Jean-François. Elle s’est présentée au domicile du suspect pour réclamer entre 50 et 100 euros. Le suspect a expliqué avoir eu des relations sexuelles avec la victime en échange de certaines sommes d’argent. Une dispute a éclaté et des coups ont été échangés, jusqu’à ce que le suspect poignarde la victime.
Dès lors, l’histoire devient plus floue et l’enquête, toujours en cours, n’a pas encore permis d’éclaircir les détails. Le trentenaire aurait tenté de se débarrasser du corps. Après avoir découpé le corps dans sa baignoire, il aurait demandé à un voisin de l’aider. Ce complice présumé, âgé de 20 ans, a été arrêté et mis en examen.
Who was Christelle Jean-François?
Le drame a suscité une vive émotion dès sa diffusion. Mais, si de nombreux habitants se sont rendus aux funérailles de Christelle Jean-François, peu semblaient la connaître. Les informations sur la victime sont en effet fragmentaires. Elle était mère de deux enfants, une fille et un garçon nés en 2019 et 2020. Sur son compte Facebook, toujours accessible aujourd’hui, elle n’a publié que des photos de ses jeunes enfants ainsi que des selfies. La dernière date de février 2023.
Retrouvez les histoires de ces féminicides symboliques :
- Philippine, 19 ans, retrouvée morte au Bois de Boulogne : la politisation du fémicide
- Shanon, 13 ans, violée, tuée et brisée par le poison de la « réputation »
- Alicia, 28 ans, tuée par son compagnon à cause d’une maîtresse qui n’existe pas
- Marie-Pierre, 66 ans, exécutée devant un tribunal : un féminicide qui impose la justice à témoin
- Meurtre de Corinne Bray, 60 ans, dans le Gers : l’ombre du matricide
Les médias locaux font état d’une jeune femme au chômage, connue pour déambuler devant la gare routière de sa ville où elle se prostituait occasionnellement. Mais, dans un podcast publié sur le drame par le site d’information local FreeDom, de rares témoins refusent de la qualifier de « prostituée », appelant au respect de la mémoire d’une victime en situation de détresse sociale.
Pourquoi ce féminicide est symbolique
Si le meurtre de Christelle Jean-François a tant choqué La Réunion, c’est d’abord parce qu’il symbolise à lui seul le tabou qui pèse sur les féminicides dans le département d’outre-mer. En 2023, la Réunion était le quatrième département français le plus violent envers les femmes. Les statistiques sont particulièrement inquiétantes pour les violences conjugales, avec une moyenne de 17,3 interventions des forces de l’ordre enregistrées chaque jour. Pour les violences domestiques, la moyenne est de 10 plaintes par jour.
Aussi, la mort de Christelle Jean-François, qualifiée de « mère » – même si le père de ses enfants est absent de ce dossier – a fait l’effet d’un électrochoc. Et les autorités locales l’ont très vite compris : Patrice Selly, le maire de Saint-Benoît, a réagi très vite en se rendant sur les lieux du drame et en dénonçant, sur Facebook, une « terrible tragédie ». Cependant, neuf mois plus tard, aucune annonce précise n’a été faite pour le département d’outre-mer et les chiffres des violences ne semblent pas orientés à la baisse.