C’est presque un marronnier dans la sphère industrielle : après des années de frénésie, la « bulle de l’hydrogène » a enfin éclaté en Europe. Aux difficultés rencontrées par de nombreux projets, s’ajoutent des retards, voire une forme d’inertie de la part de certains gouvernements qui tardent à prendre des décisions budgétaires pour soutenir le secteur.
La France n’est pas épargnée, bien au contraire : la « Global Hydrogen Review » récemment publiée par l’Agence internationale de l’énergie montre que seuls 15 % des projets de production français annoncés d’ici 2030 sont au stade de production. étude de faisabilité (contre 68% en Espagne et 49% en Allemagne).
Face à ce constat, on serait donc tenté de conclure que les ambitions européennes de transition par le vecteur hydrogène ont été « tuées dans l’œuf ». Cependant, en élargissant le champ d’action, un paysage complètement différent apparaît. Celui d’une demande qui se dessine et qui se consolide dans certaines branches de l’économie : le secteur du transport maritime notamment, dans lequel les accords fermes pour la fourniture d’hydrogène décarboné sont aujourd’hui les plus nombreux, mais aussi le secteur du raffinage.
2024 a été une année charnière, avec la signature d’accords majeurs, comme celui entre Air Products et TotalEnergies portant sur la fourniture de 70 000 tonnes par an d’hydrogène renouvelable pour décarboner les raffineries du nord de l’Europe. société énergétique depuis quinze ans.
“Effet cliquet”. Ces filières pionnières de l’hydrogène renouvelable et décarboné ont deux points communs : elles sont déjà capables d’absorber les surcoûts liés au recours à l’énergie décarbonée ou renouvelable. Pour d’autres secteurs, le surcoût de l’hydrogène décarboné peut néanmoins être maîtrisé grâce à des mécanismes ciblés de soutien à la demande. C’est tout l’enjeu de la mise en œuvre des objectifs de la directive européenne sur les énergies renouvelables : tendre la main aux secteurs prêts à franchir le pas et aux acteurs prêts à produire de l’hydrogène renouvelable dès aujourd’hui, pour créer un « effet cliquet », catalyseur du déploiement. d’hydrogène.
La France est à la traîne de ses voisins européens. Elle doit d’abord remplir sa part des « contrats de transition écologique », signés avec chacun des cinquante sites industriels les plus émetteurs. Cela passe notamment par le déblocage de soutiens financiers pour réduire l’écart de prix entre l’hydrogène « gris » et ses alternatives bas carbone. Cette aide ciblée est essentielle et doit être accompagnée d’un cadre favorisant davantage de changements structurels. Dans le transport lourd, les opportunités pour l’hydrogène sont conséquentes et des mesures sont très attendues, comme l’intégration dans la taxe incitative relative à l’utilisation des énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT) d’une obligation de consommation d’hydrogène renouvelable.
Le secteur maritime ne doit pas non plus être oublié : là aussi, la France dispose d’un énorme potentiel de réduction des émissions, qu’elle doit exploiter. Qu’il soit intégré à TIRUERT ou qu’il bénéficie d’un dispositif spécifique, le maritime doit être pris en compte dans les ambitions françaises en matière d’hydrogène.
La France doit s’appuyer sur ses atouts : une communauté industrielle volontaire, un secteur maritime important et une ouverture énergétique sur le monde. Ces atouts lui permettront de trouver rapidement sa place dans un marché de l’hydrogène décarboné déjà mondialisé.
David Martin est Vice-Président France d’Air Products