« Tu as gâché ma vie ! » :

« Tu as gâché ma vie ! » :
« Tu as gâché ma vie ! » :

«Je ne pleure pas… je n’en peux plus. » Après deux jours de débats, le libraire de Lanester a enfin pu s’exprimer devant la cour d’assises du Morbihan. En ce matin du mercredi 27 novembre 2024, la victime s’avance vers le micro, petit gilet rouge sur le dos. Son regard parcourt la cour et s’attarde sur le box des accusés où figurent ses agresseurs, Isaia Bardan, Dylan Berquin et Axel Gallot.

“Tu es un pauvre gars.”

Après quelques mots, sa voix devient rauque… pas pour longtemps. D’emblée, son regard se fixe sur Dylan Berquin. Elle accuse : « Je suis sûre à 98 % que vous étiez chez moi. On peut avoir 72 ans et ne pas être sénile. Une présence que l’accusé conteste, même si Isaia Bardan affirme le contraire. «Je pense à toi tous les jours depuis trois ans», poursuit-elle. Tu as ruiné ma vie. Tu me donnes envie de vomir. Décrite comme une femme « travailleuse et généreuse » par sa fille, la libraire raconte cette nuit d’horreur du 1er octobre 2021. Réveillée par un grand bruit, elle est agressée par deux individus masqués. Elle se débat. En vain. Bombes lacrymogènes, gifles, coups, insultes… Tout change. Elle appelle à l’aide. Rien. Traînée sur son tapis, elle est ligotée, les jambes en l’air, les yeux bandés, avec un bâillon pour la faire taire.

Malgré l’adrénaline et le choc, elle reconnaît néanmoins la voix d’un des agresseurs. Elle ne le sait pas encore mais il s’agit d’Isaiah Barban, qu’elle a rencontré quelques semaines plus tôt. « Il est passé à ma librairie pour m’offrir des bijoux. Puis il est revenu, nous avons parlé, nous nous sommes fait des amis. J’ai proposé de cueillir des poires chez moi. Il a déjeuné à ma table », se souvient-elle, puis s’adresse à lui : « Tu es un pauvre type. »

“Je suis détruit”

Malgré une histoire glaçante, la victime se montre telle qu’elle est : pleine d’humour. Ses tacles acerbes contre l’accusé font sourire la salle. Dans la boîte, ils ne bronchent pas. « Quand Isaia m’a conduit à Inzinzac, il a essayé de me toucher entre les jambes. J’ai serré de toutes mes forces. Il m’a dit que j’étais belle mais as-tu vu mon visage ? Je ne ressemble pas à Marilyn Monroe. Pauvre gars. Elle continue sur le viol, détaille l’impuissance de son bourreau, raconte sa peur de mourir. « Quand j’ai entendu l’eau, je me suis dit : soit il me jette à l’eau, soit il me viole puis me jette à l’eau. Je ne sais pas nager. J’avais vraiment peur.

Vient ensuite. Ne pouvant rentrer chez elle, elle a passé plus de trois mois avec sa fille. « J’ai toujours peur de tout. Je ne peux pas bouger dans le noir. Je fais encore des cauchemars. » A ses côtés, son avocate, Me Élodie Grelot, l’aide à parler de son passé. « J’ai vécu de graves violences domestiques. Je suis parti avec mes trois enfants sous le bras. J’ai toujours réussi dans la vie en travaillant honnêtement. » Aujourd’hui, sa vie sociale est « brisée », confirme sa fille. « J’ai dû arrêter de travailler, changer d’appartement, je ne vois plus mes petits-enfants et arrière-petits-enfants comme avant. J’ai peur d’être suivi. Je suis détruit. » Son avocat lui demande alors ce qu’elle attend de la justice. « Des années de prison », murmure-t-elle, avant de glisser malicieusement : « J’espère que le tribunal leur accordera le droit de récupérer quelques neurones. »

 
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