Le président du Nigeria, Bola Tinubu, est attendu jeudi 28 novembre pour une visite d’État de deux jours à Paris, la première depuis près d’un quart de siècle.
Cette visite de « retour », six ans après celle du chef de l’Etat français à Abuja, incarne la volonté de la France de diversifier ses partenariats économiques en Afrique, au-delà des pays francophones d’Afrique de l’Ouest, et de s’éloigner du « tout-sûr ».
« La France veut échapper au poids de l’histoire coloniale et aux difficultés rencontrées dans sa zone d’influence privilégiée »estime Jonathan Guiffard, chercheur à l’Institut français de géopolitique et à l’Institut Montaigne. « Notre relation avec l’Afrique ne se limite pas au Sahelexplique une Source proche du dossier. Aujourd’hui, nos relations avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger sont quasi inexistantes. Nous essayons de circonscrire et d’agir ailleurs. »
« Des partenariats tous azimuts »
Depuis son premier mandat, Emmanuel Macron s’est rendu dans une vingtaine de pays africains, dont de nombreux territoires non francophones comme le Ghana (2017), le Nigeria (2018), l’Éthiopie (2019) ou encore l’Afrique du Sud (2021). « Depuis dix ans, nous développons des partenariats tous azimuts, en phase avec le « renouveau » des relations avec l’Afrique »affirme une Source diplomatique française. En effet, les premiers partenaires commerciaux de la France en Afrique, le Nigeria et l’Afrique du Sud, ne sont pas francophones.
Pays le plus peuplé d’Afrique, 3ème PIB du continent, le Nigeria attire 65% des investissements directs étrangers (IDE) de la France en Afrique de l’Ouest. Outre le secteur pétrolier, où le groupe TotalEnergies est bien implanté, la centaine d’entreprises françaises investissent dans l’industrie agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique, l’assurance, ainsi que les industries du cinéma et de la musique, vecteurs de dialogue.
Dans un pays où 70 % de la population a moins de 30 ans, les entreprises françaises, qui emploient quelque 20 000 Nigérians, misent sur la jeunesse. Ainsi, Danone a créé des établissements de formation professionnelle.
Plus timides, les Nigérians commencent aussi à investir en France. Quatre banques nigérianes sont déjà implantées à Paris.
” En même temps “
Si le partenariat avec le Nigeria met l’économie et la culture au premier plan, l’aspect politique et stratégique demeure. « Abuja et Paris partagent des intérêts, notamment en ce qui concerne la stabilité de la sous-région, marquée par une situation politique dégradée au Sahel et l’entrisme russe.explique Jonathan Guiffard. Après le coup d’État au Niger et la confrontation avec la CEDEAO qui a suivi, le Nigeria est devenu un partenaire incontournable dans le positionnement vis-à-vis des juntes. Par ailleurs, le pays, face à Boko Haram au Nord, répond aux problématiques antiterroristes. »
Et « La coopération politique avec le Nigeria est ainsi plus importante qu’avec les autres pays anglophones d’Afrique de l’Est »le chercheur voit « un début d’expansion vers les pays africains non francophones ».
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a choisi l’Ethiopie pour sa première visite en Afrique subsaharienne. Il sera à Addis-Abeba vendredi. Emmanuel Macron doit se rendre en Angola début 2025, sans que la date n’ait encore été fixée. Toujours dans cette optique, le prochain sommet Afrique-France aura lieu à Nairobi en 2026, une première dans un pays non francophone.
Toutefois, si cette relation avec le Nigeria incarne le « de nouvelles approches de partenariat » souhaité par Paris, le chemin est encore long.
« L’envie est là, mais la majorité des intérêts français, qu’ils soient politiques, économiques ou même intrapersonnels, restent en Afrique de l’Ouest »observe Jonathan Guiffard. « Nous explorons d’autres géographies tout en renouvelant nos relations avec les pays francophones » explique la Source proche du dossier.