Le Parlement européen s’apprête à approuver mercredi à Strasbourg la nouvelle équipe de la Commission européenne, qui veut se mettre rapidement en ordre de bataille sur fond de fortes turbulences économiques et géopolitiques.
“Notre liberté et notre souveraineté dépendent plus que jamais de notre puissance économique”, a lancé, quelques heures avant le vote, sa présidente Ursula von der Leyen qui a promis que sa première “initiative majeure” porterait sur la compétitivité.
Un peu plus tard, elle insiste sur la défense européenne et la nécessité de faire davantage pour concurrencer les dépenses militaires russes, en pleine guerre en Ukraine.
« Nos dépenses doivent augmenter », a-t-elle insisté. « La Russie consacre jusqu’à 9 % de son PIB à la défense. L’Europe dépense en moyenne 1,9%. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette équation», a-t-elle insisté.
Le nouvel exécutif européen doit prendre ses fonctions début décembre, soit une cinquantaine de jours avant l’investiture de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Et un sentiment d’urgence prévaut.
Entre le retour du milliardaire à Washington, les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient et la bataille commerciale avec la Chine, « l’environnement a radicalement changé » par rapport à 2019, souligne la Suédoise Ylva Johansson, qui va quitter son poste de présidente. Commissaire européen à l’Immigration.
Le nouvel exécutif européen fait face à « davantage de menaces » Mais « la Commission est bien plus opérationnelle qu’il y a cinq ans », assure-t-elle, mettant en avant la réponse européenne lors de la crise du Covid-19 ou la mobilisation face à la guerre en Ukraine.
Préparer le retour de M. Trump est « le défi le plus urgent » du deuxième mandat d’Ursula von der Leyen, estime Luigi Scazzieri, analyste au Centre pour la réforme européenne. Sur « deux fronts » : commercial avec la promesse du président élu républicain d’augmenter les droits de douane sur les produits européens et « sécuritaire » avec le risque d’un désengagement des Etats-Unis en Ukraine.
Malgré ces défis, le Parlement européen aura eu du mal à approuver la nouvelle Commission.
Les groupes se sont affrontés sur la vice-présidence accordée à l’Italien Raffaele Fitto (Cohésion territoriale), membre du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, tandis que la gauche réclamait le maintien d’un « cordon sanitaire ».
Von der Leyen a assumé cette vice-présidence, ce qui lui permet d’entretenir ses relations avec Mme Meloni. « C’est un choix que j’ai fait », a-t-elle déclaré aux députés.
Après plusieurs jours de bras de fer, le PPE (droite), les centristes de Renew et les sociaux-démocrates ont fini par sceller péniblement un accord pour approuver l’ensemble des commissaires proposés, une première depuis vingt ans.
Parmi les nouveaux visages, l’ancienne Première ministre estonienne Kaja Kallas devient la nouvelle chef de la diplomatie européenne, le centriste français Stéphane Séjourné obtient une vice-présidence avec un large portefeuille sur la stratégie industrielle et la socialiste espagnole Teresa Ribera sera vice-présidente pour la transition écologique et la concurrence. .
– « Besoin de stabilité » –
Cette nouvelle Commission penche à droite avec une quinzaine de portefeuilles, sur 27, attribués au PPE (à droite), principale force politique du Parlement.
Le leader du PPE, Manfred Weber, n’a pas caché sa satisfaction. Il s’agit d’une Commission “très équilibrée”, a-t-il lancé, évoquant une possible majorité parlementaire allant de l’ECR (extrême droite), où siègent les eurodéputés italiens de Giorgia Meloni, à certains Verts.
Au passage, le responsable allemand a une nouvelle fois balayé les accusations de la gauche sur ses ambiguïtés avec l’extrême droite.
“Il y a des lignes rouges” et aucune coopération possible avec ceux qui ne sont pas “pro-européens, pro-Ukraine et pro-Etat de droit”, a-t-il réaffirmé, en distinguant les troupes de Giorgia Meloni et les deux autres groupes d’extrême droite.
A la tête des sociaux-démocrates, l’Espagnole Iratxe Garcia-Pérez a mis en avant le « besoin de stabilité » en Europe pour expliquer son soutien à la nouvelle équipe.
Mais l’octroi d’une vice-présidence à Raffaele Fitto continue de diviser le groupe, et des défections sont attendues lors du vote des députés.
“Nous franchissons une ligne rouge, et nous ne repartirons jamais en sens inverse, donc ce ne sera pas notre cas”, a grincé le Français Raphaël Glucksmann. “Nous devrions avoir une commission de combat, capable de défendre l’intérêt général européen, et je ne crois pas que Fratelli d’Italia soit sur cette ligne.”
Même divergence chez les écologistes. “La désignation d’un vice-président d’extrême droite crée un précédent tragique qui ouvre la voie au pire”, a dénoncé la Française Marie Toussaint. “L’Europe recule à chaque fois que l’extrême droite progresse.”