« Contrairement à ce que pensent les blocs extrêmes, la France n’est pas une île »

« Contrairement à ce que pensent les blocs extrêmes, la France n’est pas une île »
« Contrairement à ce que pensent les blocs extrêmes, la France n’est pas une île »

FIGAROVOX/Tribune – Notre modèle est à bout de souffle, estime le président de Weinberg Capital Partners, Serge Weinberg. Mais les programmes du Rassemblement national, comme celui du Nouveau Front populaire, ne feront qu’augmenter les dépenses publiques et créer de nouveaux impôts, ajoute-t-il.

Serge Weinberg est président de Weinberg Capital Partners.


Après des élections européennes qui n’ont réuni que 50% des électeurs où l’on a discuté de tout, mais peu d’Europe, après la « nationalisation » d’un débat presque exclusivement centré sur des sujets intérieurs, nous voilà confrontés à des programmes économiques et sociaux qui, malgré leurs différences, ont tous un socle commun : la France est une île, ou peut ou doit le devenir. Cette perspective ignore complètement les réalités dans lesquelles nous vivons.

Tout d’abord, le fameux modèle social français dont on ne cesse de se vanter et qui, semble-t-il, fait l’envie du monde entier, est en train de s’essouffler. Non seulement la France est devenue la championne de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, mais surtout l’efficacité des services publics n’a cessé de se dégrader, entraînant de nouvelles inégalités faute de réformes de leur fonctionnement. Dans de nombreux domaines, notamment la santé et l’éducation, de nouvelles dépenses ont été engagées sans que l’on puisse les conditionner par des exigences de plus grande efficacité. Souvent, l’engagement réel des personnels sur le terrain a été écrasé par la superposition d’administrations intermédiaires voulant contrôler, mesurer, avoir du pouvoir, sans autre effet que de décourager, de ralentir et de diluer les responsabilités.

Or, voilà qu’on nous dit que, grâce à de nouveaux programmes « financés », nous parviendrons à trouver le bonheur : revenir à la réforme des retraites. Contrairement à tout ce que les pays européens ont été obligés de faire parce que les perspectives démographiques l’exigeaient, nous reviendrions à une réforme qui, certes, n’était pas parfaite mais qui a le mérite d’exister. Et il ne faut pas se voiler la face, il en faudra probablement davantage si le taux d’emploi ne s’améliore pas.

Le pays deviendra plus pauvre et, comme d’habitude, ceux qui resteront, notamment les plus pauvres, devront payer la facture, aggravant encore les inégalités.

Serge Weinberg

Les programmes des blocs extrêmes prévoient une forte augmentation des dépenses publiques : entre 100 et 200 milliards, alors même que la note de la dette du pays a été abaissée, et que depuis l’annonce de la dissolution, le coût de la dette à dix ans a augmenté de près de 0,5 %. Les moyens mis en œuvre par la France pour compenser la crise de 2008 et la pandémie ont été extraordinaires et ont permis de limiter les dégâts énormes qu’auraient eu ces deux chocs sans action proactive. Mais ces dépenses ont été financées par la dette : plus de la moitié de la dette publique française est financée par des prêteurs étrangers ! Comment espérer qu’ils ne s’inquiètent pas de voir la France prendre le virage d’une politique économique qui ignore les réalités : le coût de notre dette va augmenter et peser sur tout le monde, car il va se répartir sur tous les canaux, financement du logement, investissements, consommation, etc.

Depuis plusieurs années, la France est à la pointe des investissements étrangers en Europe ; chaque année, des dizaines de milliers d’emplois sont créés grâce à cela. Peut-on sérieusement imaginer que les incertitudes créées par les projets qui nous sont présentés permettront à cette tendance de perdurer ? Déjà, de nombreuses initiatives sont mises en suspens. Et ce qui est vrai pour les investisseurs étrangers l’est aussi pour les investisseurs français qui, comme tout le monde, ont besoin de visibilité et de stabilité.

Finalement, tous ces programmes seraient autofinancés : globalement, la méthode est simple : faire payer les riches et emporter l’argent là où il est. Ce n’est pas nouveau : mais là encore, la France n’est ni une île ni une prison, rien n’est plus mobile que le capital. Trop d’impôts tue l’impôt ! Cette vieille formule n’est pas appropriée. Le pays va s’appauvrir et, comme d’habitude, ceux qui restent, et notamment les plus modestes, devront payer la note, aggravant encore les inégalités. Et quel modèle pour retenir et attirer les talents qu’une société paralysée par ses divisions ! Les jeunes entrepreneurs qui, avec leurs salariés, créent de la richesse, ne seront plus incités à créer leur entreprise en France. Nous avons déjà beaucoup de difficultés, faute de capitaux disponibles suffisants, à les conserver !

Soyons conscients que la démagogie et le bouclage ne feront qu’engendrer des difficultés bien plus grandes que celles que nous connaissons aujourd’hui.

Serge Weinberg

Le capital de la plupart des grandes entreprises françaises est de plus en plus détenu par des investisseurs anglo-saxons. Comment réagiront-ils lorsqu’ils découvriront que l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur leurs dirigeants, va augmenter de telle manière que nos entreprises seront désavantagées face à leurs concurrents ? Ces propos ne prônent pas le statu quo, mais plutôt rappellent certaines réalités fondamentales qu’il est irresponsable d’ignorer.

Bien entendu, cette campagne ne portera pas exclusivement sur l’économie mais aussi sur une vision de notre société. Mais quel que soit le choix, soyons conscients que la démagogie et le bouclage ne mèneront qu’à des difficultés bien plus grandes que celles que nous connaissons aujourd’hui. Nous, qui sommes à la fois si attachés à notre pays, mais si prompts à le dénigrer, souhaitons-nous devenir durablement le pays le plus malade d’Europe, au moment précis où l’Europe a besoin de notre force ?

 
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