Une nouvelle fois mobilisés sur le terrain contre l’accord de libre-échange UE-Mercosur ou pour garantir un revenu décent aux agriculteurs, les trois grands syndicats agricoles français, la FNSEA, la Coordination rurale (CR) et la Confédération paysanne se livrent une concurrence acharnée. avant leurs élections professionnelles de janvier. La FNSEA organise des actions symboliques partout en France, tandis que le CR privilégie les actions à forte intensité, comme le blocus du port de Bordeaux.
La FNSEA largement majoritaire
Le nombre d’adhérents de la FNSEA, son hégémonie au sein des chambres d’agriculture et une forme de « cogestion » avec l’exécutif en font le syndicat le plus influent. Il est également l’interlocuteur privilégié du gouvernement depuis des décennies.
Le mouvement, fondé en 1946, était alors la seule organisation syndicale et regroupait la quasi-totalité des agriculteurs. L’objectif est de relancer la production dans la France affamée d’après-guerre, avec l’aide des premiers tracteurs américains et de la révolution chimique.
Cette année-là, « Réunis en congrès, ils prêtent tous le « Serment d’unité paysanne », dans une forme de corporatisme mêlé de christianisme social »souligne Bertrand Hervieu, sociologue des questions rurales.
La Fédération nationale des syndicats d’agriculteurs compte aujourd’hui 212 000 adhérents et s’appuie sur 31 associations spécialisées. Elle est alliée aux Jeunes Agriculteurs (JA), qui regroupent depuis 1957 des agriculteurs de moins de 38 ans.
L’alliance FNSEA-JA a remporté plus de 55% des voix aux élections professionnelles de 2019. Il gère 97 chambres d’agriculture, presque toutes, grâce au mode de vote qui offre une prime à la liste arrivée en tête. .
Seul syndicat agricole également considéré comme une organisation patronale, la FNSEA est dirigée par le grand producteur céréalier et président du conseil d’administration du géant pétrolier Avril, Arnaud Rousseau.
Le syndicat réclame « moyens de production » (accès à l’eau, moratoire sur les pesticides), simplification administrative et concurrence plus juste. Pour « agriculture ouverte », alors que la France exporte son blé et son cognac, la FNSEA a pris position contre l’accord UE-Mercosur, qu’elle juge trop déséquilibré.
Coordination rurale, le coup de poing permanent
Deuxième syndicat agricole avec 21,5 % des voix, la Coordination rurale, devenue officiellement syndicat en 1995, est née fin 1991 d’une scission de la FNSEA. Elle l’accuse de « double jeu » sur la Politique Agricole Commune, considérée comme le bras armé d’une mondialisation malheureuse qui ne fait que le jeu des grands céréaliers de la Beauce.
A la fois libéral et conservateur, dirigé par Véronique Le Floc’h, agricultrice laitière bio, le CR défend une « exception agricole » Française dans un pays de traditions, avec une majorité de petits agriculteurs qu’elle estime écrasés par le libre-échange.
Il est majoritaire dans la Vienne, en Haute-Vienne et surtout dans son fief du Lot-et-Garonne. Le président emblématique de la Chambre d’agriculture, Serge Bousquet-Cassagne, affirme « 18 procès en trente ans », l’organisation de multiples actions coup de poing et sa proximité avec l’extrême droite, comme plusieurs cadres syndicaux.
Le CR, dont les chapeaux jaunes ont gagné en visibilité depuis l’hiver dernier, espère régaler en janvier « 15 à 20 chambres » à la FNSEA, qu’ils accusent de favoriser les intérêts de l’agro-industrie. Le syndicat milite pour le stockage de l’eau, souhaite voir disparaître l’Office français de la biodiversité et réduire encore les coûts pour les agriculteurs. Pour se faire entendre, ses militants, notamment dans le Sud-Ouest, se sont dits prêts à « provoquer le chaos ».
La Confédération Paysanne, une autre agriculture
Troisième syndicat agricole avec 20 % des voix, la Confédération paysanne (CP) est chronologiquement le premier mouvement représentatif à contester l’hégémonie de la FNSEA.
Soutenu par des mouvements écologistes et des agriculteurs altermondialistes, le CP est né en 1987, avec José Bové comme co-fondateur. Elle critique le modèle dominant de « productivisme » selon elle, seul bénéfice “l’agro-industrie” et qui épuise la terre et les hommes.
Son opposition au libre-échange est alimentée par un plaidoyer en faveur d’un développement agricole durable dans le monde. Elle plaide pour un soutien massif à la transition agroécologique et dénonce un recul du gouvernement sur les normes environnementales sous la pression de la FNSEA et du CR.
Très mobilisé sur le terrain contre l’accord UE-Mercosur mais aussi contre des grands groupes comme Lactalis ou Avril, le PC défend « un revenu équitable » pour les agriculteurs dans un contexte de crise sanitaire et climatique.