Le baromètre annuel exclusif de l’Usine Nouvelle confirme l’arrêt de la réindustrialisation. Entre janvier et le 22 novembre 2024, nous avons dénombré 71 sites industriels condamnés ou menacés de fermeture.
Ce décompte n’est pas exhaustif. Il s’appuie sur des articles publiés sur notre site et notre base de données alimentée par l’ensemble de nos journalistes, à Paris et en région. Il comprend les sites soumis à redressement ou liquidation, ainsi que ceux dont la fermeture a été annoncée, même si elle n’interviendra qu’en 2025 ou 2026. Par rapport aux 42 fermetures annoncées ou menacées, l’année précédente, la dégradation est incontestable, même si certains sites peuvent encore espérer trouver un repreneur (comme l’ont fait Ascométal ou le verrier Duralex, finalement repris par ses salariés, plus tôt dans l’année). En un an, cela marque une augmentation de près de 60 % du nombre de sites menacés sur tout le territoire.
Parallèlement, L’Usine Nouvelle a enregistré cette année 61 inaugurations de nouvelles usines et 43 extensions de sites existants. Il peut s’agir de nouvelles lignes, de capacités logistiques ou de centres de R&D. Dans tous les cas, nous ne les prenons en compte qu’au démarrage de la production et non au moment de l’annonce du projet d’investissement. En soi, le nombre d’inaugurations n’est pas si faible. Il reste au même niveau – plutôt élevé – que l’année précédente, qui avait enregistré 106 nouveaux sites ou extensions. Mais en raison de l’augmentation du nombre de sites menacés, la France devrait cette année encore détruire plus d’usines qu’elle n’en a ouvert pour la première fois depuis 2020, selon notre décompte exclusif.
L’énergie continue de tirer les créations d’usines
La tendance est moins positive que le rapport publié début novembre par la Direction générale des entreprises de Bercy, qui faisait état d’une légère augmentation du nombre d’usines. Mais outre le fait que la méthodologie n’est pas la même que celle de L’Usine Nouvelle (elle prend notamment en compte les fermetures au moment où l’activité s’arrête effectivement), elle s’arrête au premier semestre, avant l’automne. de l’automne.
La réindustrialisation ne se résume pas à une simple arithmétique entre ouvertures et fermetures d’usines. Mais parmi les nouvelles usines recensées, dix ont mobilisé moins de trois millions d’euros d’investissement au total, que ce soit pour produire des petits avions d’Elixir Aircraft près de La Rochelle ou la production de volets roulants de la start-up. Section française en Vendée. Plus généralement, le soutien ces dernières années aux start-up industrielles, notamment via l’appel à projets « Premières usines » lancé par Bpifrance, a permis à ces jeunes entreprises de créer leurs propres sites de production. De quoi contribuer au nécessaire renouvellement du tissu productif.
Au-delà, l’énergie reste, comme les années précédentes, le principal moteur de la réindustrialisation, qu’elle soit nucléaire, avec l’inauguration du site de production de conditionnement de combustible nucléaire Orano au niveau du port. de Cherbourg, ou les technologies vertes avec le lancement cet été de la production de la gigafactory d’électrolyseurs McPhy à Belfort et la production de panneaux solaires par Reden.
9.800 emplois menacés dans l’industrie
A l’inverse, comme depuis plusieurs années, les équipementiers automobiles restent les premiers touchés, aux côtés des fabricants de papier et de meubles. Mais les procédures collectives et les fermetures ont rattrapé les entreprises industrielles de taille significative. Avec autant de risques d’échec qui se répercutent sur leur chaîne de sous-traitance. Au total, plus de 9.800 emplois directs sont menacés sur les onze derniers mois, selon notre décompte. À Cholet et Vannes, la fermeture des deux usines Michelin prévue d’ici 2026 devrait laisser sur place 1 200 salariés. Quelques mois plus tôt, ExxonMobil avait annoncé l’arrêt des activités chimiques sur sa plateforme de Port-Jérôme, qui employait 670 salariés. Et les pouvoirs publics peinent à trouver une solution de reprise satisfaisante pour la pharmacie Vencorex et ses 450 salariés isérois.
Rien n’indique un renversement de tendance. « L’économie a vécu dans une bulle après la pandémie. Les flux de trésorerie des entreprises étaient abondants. Jusqu’à mi-2023, l’investissement en France était sur la même dynamique qu’aux Etats-Unis »rembobine Anthony Morlet-Lavidalie, économiste chez Rexecode. C’est maintenant terminé. La marge de manœuvre financière a disparu. « Les investissements ont chuté et les entreprises réduisent désormais leurs dépenses de recrutement »remarque encore l’économiste. Au troisième trimestre, l’effectif du secteur est resté stable. Mais le nombre de déclarations d’embauche à plus d’un mois a baissé de 7% depuis le début de l’année, selon l’Urssaf.
Un risque de reporter les futurs projets d’usines
En même temps, « les perspectives de demandes sont mal orientées »mis sous pression par la concurrence des importations chinoises, souligne l’économiste. Le moral des entreprises dans l’industrie mesuré par l’INSEE reflète les incertitudes des industriels. Depuis la rentrée, il joue au yo-yo. Il reprend 4 points en novembre, après une baisse en octobre, mais reste inférieur à la moyenne de longue période. Une volatilité qui risque d’entretenir un attentisme des chefs d’entreprise, comme l’indique déjà l’enquête EY auprès des investisseurs étrangers, et de pousser le report des investissements majeurs, qui feront les usines de demain. Eramet et Stellantis ont déjà jeté l’éponge sur leurs projets respectifs de recyclage de batteries, tout comme le recycleur de plastique Loop en Moselle. Et d’autres pourraient suivre.