L’un des poissons emblématiques du Marais Poitevin, l’anguille, est menacé d’extinction. La faute au braconnage, à la surpêche autorisée par l’État, à la destruction de son habitat, aux obstacles à la migration, aux turbines hydroélectriques, à la pollution, au changement climatique, aux maladies et blessures diverses… Face à cette menace, qui plus est pour le monde animal, la Fédération de Pêche des Deux-Sèvres a rejoint un collectif composé de nombreuses structures, toutes unies pour peser dans le débat (1).
Président de la Fédération départementale de pêche et de protection des milieux aquatiques des Deux-Sèvres, Jean-Michel Grignon tire la sonnette d’alarme. « L’anguille est classée en danger critique d’extinction sur les listes rouges mondiale et française de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Les causes sont multiples et on fait n’importe quoi. Nous autorisons les prélèvements sur des individus qui ne se sont pas reproduits, c’est une surpêche des civelles. La Sèvre Niortaise est une rivière référence pour le suivi des anguilles. Il existe plus de 30 stations de surveillance dans le Marais Poitevin. Des données sont collectées et en même temps nous changeons la réglementation avec des dérogations accordées pour la pêche aux civelles… Il faut savoir que le cycle de reproduction des anguilles est de dix à quinze ans. Il faut faire de l’éducation car la reproduction de l’anguille, qui est complexe, est peu ou pas connue. »
Une pêche très réglementée
Tout commence en janvier-février-mars, avec les premières crues avec un débit nécessaire de 1 000 m3/s. Lors de ce mouvement vers l’aval, les anguilles du Marais Poitevin rejoignent la mer via la baie de L’Aiguillon. S’ensuit un voyage vers la mer des Sargasses où ils se reproduisent et meurent après avoir donné naissance à des larves. En fonction des courants, ces larves, longues de quelques millimètres, trouvent les côtes françaises et remontent les rivières pour trouver un habitat. A cette époque, elles mesurent moins de 12 cm et sont appelées civelles. Dès qu’elles mesurent plus de 12 cm, elles deviennent anguilles puis anguilles jaunes et argentées lors de leur grand départ après une transformation morphologique qui leur permettra de nager dans l’eau salée.
« Au cours de leur voyage de retour, qui peut durer d’un à deux ans, les dangers sont nombreux, poursuit Christophe Bordes, responsable technique à la Fédération. Le changement climatique modifie les courants marins, la terre ferme les empêche d’accéder à leurs lieux de vie, il en est de même pour les travaux effectués dans les bassins versants sans oublier la main de l’homme qui braconne les civelles. »
Pour tenter d’arrêter cette lente agonie, la Fédération interdit la pêche des civelles et des anguilles argentées et n’autorise la pêche de l’anguille jaune que pendant cinq mois de l’année entre avril et août. Toutefois, la pêche à la vermée, si populaire dans le Marais Poitevin, est interdite la nuit et autorisée uniquement le jour. Chaque pêcheur doit également enregistrer sa capture dans un journal de capture qui doit ensuite être remis à la DDT, la Direction Départementale des Territoires.
Enfin, David Seguin, chef du restaurant L’Adress à Niort, sensibilisé à la cause animale tout comme son homologue et ami rochelais, Christopher Coutanceau, a décidé de ne plus inscrire de plats à base d’anguilles à sa carte. La mobilisation dans les Deux-Sèvres s’organise.
.(1) LPO, Marais Poitevin Park, Fishing Federations of Charente-Maritime, Loire-Atlantique, Pyrénées-Atlantiques and Vendée, Regional Association of the Fishing Federation of Nouvelle-Aquitaine, river unions, Loire Basin Union- Brittany.
