La Suisse rejette le projet d’extension des autoroutes du Conseil fédéral et du Parlement. Une fois de plus, les autorités sont perdantes aux élections. Martina Mousson, politologue à gfs.bern, fait le point.
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24 novembre 2024 – 18h23
swissinfo.ch: Que retenez-vous de ce dimanche de votations fédérales?
Martina Mousson : J’ai été impressionnée par la bataille autour des deux projets d’amendements au droit du bail, qui sont restés très longtemps très proches. Des résultats aussi serrés indiquent une forte polarisation, et nous le voyons dans trois des quatre repêchages de ce dimanche.
Des résultats serrés comportent le risque que nous les discutions et les interprétions encore après coup.
Oui, c’est précisément ce qui se dessine avec l’extension des autoroutes, car des fonds destinés au trafic routier sont engagés. La question se pose déjà aujourd’hui : que fait-on de ces milliards ? La polémique a commencé et va continuer.
Martina Mousson de l’Institut gfs.bern
zVg
Pourquoi le projet d’autoroute, gagnant dans les sondages, n’a-t-il pas abouti ? Ne peut-on plus gagner les suffrages des automobilistes en Suisse ?
Je ne dirais pas ça. La majorité des Suisses possèdent une voiture et la majorité des habitants du pays utilisent également les transports publics. A cela s’ajoute le fait que : l’argent est là, il est engagé dans un fonds. Il faut donc l’utiliser, mais peut-être pas de la manière prévue par ce projet. Pour les électeurs, une politique de transport plus durable semble plus importante.
Se pourrait-il que les extensions d’autoroutes prévues ne soient pas suffisamment réparties dans toute la Suisse ?
Le projet est le fruit d’un débat parlementaire. Nous avons délibérément inclus un projet en Suisse romande. La faiblesse résidait plutôt dans le fait que, aux yeux des électeurs, la solution proposée ne résolvait pas le problème dans son ensemble, mais le déplaçait simplement vers le prochain point chaud.
Le ministre des Transports Albert Rösti a défendu le projet. Jusqu’à présent, il avait tout réussi. A quel point cette défaite est-elle délicate pour lui ?
Il ne faut pas le sous-estimer. Cela s’est produit dans un domaine dans lequel il avait été fortement et significativement engagé dans le passé. Le ministre des Transports doit donc tirer des conclusions critiques.
Avec les autoroutes, le 13e AVS et la réforme de la LPP, le Conseil fédéral a perdu cette année trois voix importantes. La confiance du peuple manque-t-elle ?
Dans nos enquêtes, nous mesurons en effet que le Conseil fédéral perd la confiance de la population. Pour la première fois, nous avons même une majorité relative qui indique ne pas faire confiance au gouvernement. Mais la question est : que s’est-il passé en premier ? Les défaites du Conseil fédéral sur des dossiers importants ont-elles conduit à cette perte de confiance ? Ou bien la perte de confiance a-t-elle conduit aux défaites ? En tout cas, c’est un cercle vicieux. Le Conseil fédéral est perçu comme faible parce qu’il perd, ce qui l’affaiblit.
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Sept choses à retenir des votes de ce dimanche 24 novembre
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Avec le non au prolongement des autoroutes, le Conseil fédéral a subi cette année une troisième défaite majeure lors de la votation populaire. Notre analyse.
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Les questions écologiques ont connu des difficultés ces derniers temps et les Verts ont perdu beaucoup de terrain lors des élections. Le non aux élargissements d’autoroutes est-il aussi une victoire pour les écologistes ?
Oui, c’est une position contraire à l’esprit anti-vert, qui règne également au-delà des frontières suisses. On peut dire qu’après le virage à droite lors des élections de 2023, le balancier penche désormais en sens inverse lors des votes. La gauche et les syndicats ont également démontré de manière impressionnante leur pouvoir référendaire cette année.
Même si cette dernière a gagné de justesse sur les questions liées au droit du bail, la domination de la gauche dans les campagnes perdure. Quelle est la clé du succès ?
Ils ne choisissent clairement pas la voie traditionnelle. Si l’on regarde les publicités dans la presse écrite, on remarque qu’elles n’y étaient pas très présentes. Ils ont exploré d’autres pistes et sont surtout très présents sur les réseaux sociaux. Ils adoptent également un nouveau ton. Certains parlent d’un populisme de gauche qui s’opposerait au populisme de droite.
Le camp de l’opposition a attaqué les deux objets du droit du bail dans son ensemble. Mais l’électorat a clairement porté un jugement plus nuancé. Quelle est votre analyse ?
La tactique des opposants, qui consistait à qualifier les deux objets d’une seule et même « attaque contre la protection des locataires », a été couronnée de succès. La différence réside dans les intérêts individuels des électeurs.
Le sujet relatif à la sous-location a également ciblé la sous-location commerciale, considérée comme un problème et un facteur d’augmentation des prix, notamment dans les villes. Cet objet était donc probablement un peu plus proche du monde des locataires que celui des besoins spécifiques des propriétaires.
Le projet EFAS a été considéré comme une petite étape vers la réforme du secteur de la santé. Cela semble avoir fonctionné. Faut-il y voir une recette pour une réforme en Suisse ? Plus les étapes sont petites, plus les chances de succès sont grandes ?
Je dirais plutôt : plus l’alliance derrière un projet est large, plus il est probable qu’une réforme soit encore possible. Ce qui est vrai, c’est qu’il n’y a pas eu de grand succès ces derniers temps en Suisse.
La complexité du projet EFAS n’a pas conduit à son rejet, comme c’est généralement le cas pour les projets complexes. Quel argument a convaincu ?
L’argument le plus utilisé a été celui de l’augmentation des primes d’assurance maladie, dans les deux camps.
La ville de Zurich a voté en faveur de l’utilisation de «l’étoile du genre» par les autorités, ce qui est considéré comme le premier vote au monde sur ce sujet. Est-ce typiquement suisse ?
Très typiquement suisse. D’une manière générale, le fait que les opposants perdent aux urnes contribue à ancrer les changements dans la société. On l’a d’ailleurs bien vu lors des votes sur la loi Covid. Plus nous votions sur ce sujet, moins les opposants avaient le vent en poupe. Au bout d’un moment, on ne peut plus dire que c’est une recommandation d’en haut.
Dans la ville de Bâle, des milieux conservateurs voulaient empêcher l’organisation du concours Eurovision de la chanson par référendum. De tels scrutins peuvent permettre de débattre de questions controversées. Mais dans ce cas le calme régnait, pourquoi ?
L’opposition était limitée à un cercle restreint. Il était néanmoins important que cette discussion puisse avoir lieu. C’est l’effet intégrateur de la démocratie directe. Dans les cercles critiques, l’ambiance ne changera pas, mais ils constatent qu’ils ne bénéficient pas d’un soutien plus large.
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Relu et vérifié par Mark Livingston / traduit de l’allemand avec l’aide de Deepl / kro