Le président de la Chambre d’agriculture de Vienne le reconnaît volontiers : le monde agricole est habitué aux situations difficiles et les agriculteurs savent attirer l’attention du grand public sur leurs difficultés. Nous en avons eu un bon exemple en janvier et février 2024, avec les impressionnants barrages routiers.
Mais là, depuis le début du printemps, et particulièrement à Vienne, nous avons changé de dimension : au fil des mois, nous sommes passés de la colère au désespoir : « Nous avons des agriculteurs qui pleurent au téléphone. Ils ont tout perdu. Et plus d’un m’a dit : « C’est fini ! » »
La moitié des récoltes ont été noyées
Jamais, de mémoire d’agriculteur, on n’a connu une telle accumulation de déboires climatiques dans la Vienne. « Depuis le début de l’année, les précipitations dans le sud du département sont deux fois plus élevées que la normale. »
Les semis d’automne n’ont pas supporté. Dans le sud de Vienne (le nord bénéficie de terres un peu plus drainantes), on estime que la moitié des semis de blé, d’orge, de colza ou encore de fourrages ont été noyés, l’autre moitié ayant beaucoup de mal à pousser.
Aucune réponse à l’appel à l’aide des agriculteurs
Les agriculteurs connaissent les semis perdus en hiver : ils sont généralement prêts à reprendre leur travail. C’est cher, mais au moins on peut espérer avoir un peu d’argent à la fin. Mais en 2024, les semis de printemps ont encore une fois été noyés par la pluie. Même chose pour ceux qui, obstinés, ont tenté de planter du maïs, du tournesol, du soja ou du sorgho entre avril et juin.
Quelques-uns, plus chanceux, ont réussi à sauver leurs champs. Mais dans le sud, notamment autour de La Ferrière-Airoux, les voisins de Philippe Tabarin, qui pensaient avoir de beaux tournesols et de beaux colzas, ont vu leurs espoirs une nouvelle fois ruinés par la grêle. Et beaucoup, faute de moyens financiers, n’ont pas pu sécuriser leurs récoltes.
Foin non comestible
Dans son bilan catastrophique, Philippe Tabarin n’oublie pas les agriculteurs positionnés sur des productions de niche : les melons seront en retard cet été, les viticulteurs craignent le mildiou.
Quant aux éleveurs, leur situation n’est pas plus enviable que celle des céréaliers. En raison de la pluie, ils n’ont souvent pas pu récolter leur foin à temps. Quand ils l’ont fait, les graines avaient germé, ce qui signifie un effondrement de la valeur nutritionnelle du foin, parfois seulement bon pour la litière !
Risque de parasites
A cela s’ajoute la peur des maladies du bétail, transmises par des parasites qui ont tendance à pulluler lorsque l’humidité et la chaleur coïncident trop longtemps.
«Il faut absolument déclencher quelque chose de toute urgence», plaide Philippe Tabarin. Mais du côté de la préfecture ou de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), on oriente les victimes vers un ministère de l’Agriculture où, comme partout depuis le 9 juin, on s’occupe surtout de faire ses cartons.
Philippe Tabarin interpelle le préfet
A l’initiative de la Chambre d’agriculture de la Vienne, une manifestation d’agriculteurs en difficulté devait avoir lieu lundi 24 juin 2024 devant la préfecture. Cette manifestation a été interdite par le préfet.
Président de la chambre, Philippe Tabarin s’est conformé à cette injonction mais a repris sa plus belle plume pour interpeller le préfet, soulignant que les manifestations prévues cet été par le collectif Bassines non merci, dans la Vienne et les Deux-Sèvres, ne font pas l’objet d’une telle injonction. interdire.
Dénonçant un « double standard », Philippe Tabarin demande : « M. Préfet, qui protégez-vous ? » En conclusion de sa lettre, le président de la chambre indique qu’il « comprend et soutient tous les agriculteurs qui prendront leurs responsabilités et [auront] le courage de se défendre.
