Chers automobilistes, cela coûte-t-il trop cher ? – .

Avertissement : ceci n’est pas une chronique contre vous, chers automobilistes.


Publié à 2h30

Mis à jour à 6h00

Vous aimez votre voiture. Vous n’êtes pas seul : les Montréalais effectuent 56 % de leurs déplacements en voiture, ce puissant symbole de liberté dans l’imaginaire collectif nord-américain depuis les années 1950.

Sauf que ce sentiment de liberté a un coût énorme. Pour le portefeuille de l’automobiliste. Pour les finances de l’État. Pour la société en général.

Un professeur d’économie, David Benatia, et deux étudiantes de HEC Montréal, Muriel Julien et Gabrielle Beaudin, ont voulu savoir exactement combien coûte chaque mode de transport à la société de l’île de Montréal.⁠1. C’est la première fois qu’un tel exercice est réalisé de manière aussi exhaustive au Québec.⁠2.

Leur conclusion : quand on fait tout le calcul, l’automobiliste montréalais coûte à la société environ trois fois plus cher que l’usager des transports en commun. L’écart est encore plus grand avec le vélo et la marche.

Commençons par les coûts publics pour les gouvernements.

Lorsqu’on lui parle de transport collectif, pour justifier le fait qu’il n’a autorisé aucun nouveau projet majeur depuis 2018 (le tramway de Québec a été autorisé par le gouvernement Couillard), le gouvernement Legault répond souvent que les projets coûtent très cher.

Or, par usager, les routes coûtent à l’État presque autant que les transports publics. Un automobiliste montréalais coûte à l’État 2 595 $ par année, un usager du transport en commun, 2 543 $.

Ces montants incluent toutes les dépenses directes du gouvernement (amortissements sur la construction des routes et des réseaux de transport, frais annuels d’entretien, de déneigement, frais d’exploitation des transports en commun, etc.)⁠3.

Un cycliste ne coûte presque rien en dépenses gouvernementales directes : 786 $ par an. Un piéton, seulement 210 $.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Un cycliste ne coûte que 786 $ par an en dépenses gouvernementales directes.

Mais les dépenses publiques directes ne constituent qu’une partie de l’équation.

Il faut aussi considérer le coût social externe de chacun de ces modes de déplacement, c’est-à-dire le coût de la pollution⁠4congestion (temps perdu et pollution supplémentaire), accidents, bénéfices pour la santé et valeur des terrains consacrés à chaque mode de transport⁠5.

Le coût social externe de la voiture est énorme : 6 419 dollars par automobiliste et par an.

Un usager des transports publics n’a pas de coût social externe, mais plutôt des avantages sociaux externes. Le vélo est particulièrement bénéfique pour la santé.

Conclusion ?

Au total, le coût social total d’un automobiliste est d’environ 9 014 $ par année pour la société.

C’est énorme comparé à un usager du transport en commun, qui coûte à la société 2 449 $ par année.

Pour les cyclistes et les piétons, les avantages pour la santé dépassent tous les autres coûts. Un cycliste rapporte 338 $ par année à la société et un piéton, 28 $.

Pensez-vous qu’il serait plus juste de ne pas prendre en compte la valeur de l’espace consacré aux routes ? Dans ce cas, le coût social total de la voiture est d’environ 7 000 $.

La voiture est utilisée plus souvent

Oui mais on ne peut pas faire 100% de ses déplacements à pied et à vélo ! C’est un excellent point.

En termes de kilomètres, les Montréalais effectuent environ 56 % de leurs déplacements en voiture, 40 % en transport en commun, 2,3 % en vélo et 1,8 % à pied.

Par personne-kilomètre, l’État consacre un peu plus de dépenses publiques aux transports publics (0,53 $ par personne-kilomètre) qu’aux routes (0,43 $ par personne-kilomètre). Mais le coût social externe de la voiture est immense. Résultat : même en tenant compte du nombre de kilomètres parcourus, le coût social total de la voiture est environ trois fois supérieur à celui des transports en commun.

Le coût pour vous

La voiture est également très chère pour son utilisateur : environ 3 550 dollars par personne et par an. L’usager du transport en commun paie 580 $ par année.

La voiture permet-elle de se déplacer plus rapidement à Montréal ? Parfois c’est vrai. Parfois non. Cela dépend de la congestion et de l’offre de transports publics. Une F1 prise dans les embouteillages est plus lente qu’un bus sur une voie réservée.

Et nous payons extrêmement cher cette vitesse relative de la voiture en tant que société.

En incluant les dépenses des usagers, les dépenses gouvernementales et les dépenses sociales, un automobiliste montréalais coûte environ 14 730 $ par année, un usager du transport en commun, 7 440 $, un cycliste, 2 430 $ et un piéton, 2 050 $.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

En incluant les dépenses des usagers, les dépenses gouvernementales et les dépenses sociales, un piéton coûte 2 050 $ par an, le coût le plus bas.

La voiture n’est donc pas un moyen très efficace pour se déplacer sur l’île de Montréal. Il vaudrait mieux avoir des politiques publiques visant à encourager les transports collectifs et actifs.

Cela ne veut pas dire obliger les gens à enfourcher leur vélo de Sainte-Anne-de-Bellevue au centre-ville de Montréal en février. Nous ne sommes pas fous à plein temps.

Cela signifie investir davantage dans les transports publics et actifs, afin d’offrir aux citoyens des options attractives, efficaces et économiques. En prime, ces investissements réduiraient la congestion dans la métropole.

Rappel : dans son budget d’infrastructures pour les 10 prochaines années, le gouvernement du Québec prévoit investir 2,5 fois plus d’argent dans les routes (34,5 milliards) que dans les transports collectifs (13,8 milliards).

« Nous décidons de mettre de l’argent sur la voiture, même si ce n’est pas une bonne idée. Une bonne gestion budgétaire, ce serait d’offrir des choix de transport aux personnes», estime Muriel Julien, l’une des coauteures de l’étude.

L’étude de HEC Montréal s’est limitée à l’île de Montréal, la seule ville du Québec où les données sont suffisamment précises pour faire de tels calculs. C’est également la ville québécoise la plus densément peuplée et celle dotée du réseau de transport en commun le plus développé.

Ce qui fonctionne à Montréal ne fonctionnera pas à Sept-Îles, c’est évident.

Mais les conclusions de cette étude sont si claires qu’elles s’appliquent sans aucun doute à la plupart des villes comme Québec, Laval, Longueuil, Gatineau, Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay. «Si nous avions des transports en commun efficaces, nous aurions probablement à peu près les mêmes résultats», estime la co-auteure Gabrielle Beaudin.

1. Consultez l’étude « Mobilité Montréal » de David Benatia, Muriel Julien et Gabrielle Beaudin

2. Il y a eu une étude pour Québec en 2021, mais avec une méthodologie différente et moins précise.

3. J’ai ajusté les chiffres officiels de l’étude pour supprimer le coût des routes payé par les frais d’immatriculation des véhicules (255 $ par automobiliste par an).

4. Les auteurs de l’étude ont utilisé le coût social du carbone déterminé par le gouvernement fédéral, à 473 $ par tonne de CO2. Le prix sur le marché du carbone québécois est actuellement de 53 $. Si l’on utilise ce dernier chiffre, le coût social externe de la voiture est réduit d’environ 500 dollars par an.

5. Nous utilisons la valeur dépréciée sur 25 ans, et les chercheurs ont soustrait la valeur des routes imputable au transport de marchandises (3 % des déplacements).

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