« Nous ne manipulons pas de pièces en plastique, nous prenons soin des êtres humains » – .

« Nous ne manipulons pas de pièces en plastique, nous prenons soin des êtres humains » – .
« Nous ne manipulons pas de pièces en plastique, nous prenons soin des êtres humains » – .

Les mots de la base

La dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, au soir des élections européennes, a envoyé le pays dans une nouvelle échéance : les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet. En attendant le premier tour, « Sud Ouest » donne la parole aux citoyens du Pays Basque. Ils parlent de leur quotidien, partagent leurs points de vue sur la politique, leurs attentes.

Cn vendredi du mois de mai, Fabrice Foucault se tient devant les banderoles, avec d’autres soignants de l’unité de soins de longue durée (USLD) Arrayade, à Bayonne. Désengagement simple. Nous n’arrêtons jamais vraiment de travailler dans ces structures où des patients souvent âgés et très dépendants nécessitent des soins et une attention régulière de la part d’un personnel trop restreint. C’est la raison des banderoles. « On ne demande pas ici de l’argent, on demande de pouvoir bien faire notre travail », résume l’aide-soignante.

« Nous sommes confrontés à la réalité d’établissements déficitaires, où les postes ne sont pas renouvelés, où les gens sont fatigués, physiquement et psychologiquement »

Un petit mois plus tard, dans l’incertitude du contexte politique post-dissolution, Frédéric Foucault « espère que les gens voteront » aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet. « Et que chacun se souvienne qu’il aura sans doute un jour besoin de soins… » » L’agent de la fonction publique, tenu à un devoir de réserve, s’en tient à ce souhait général. Mais l’aide-soignant de 43 ans, syndicaliste CGT, peut témoigner de la santé publique telle qu’il la vit. « Je suis originaire de Normandie, je travaille à l’hôpital de Bayonne depuis 4 ans. Nous sommes confrontés à la réalité d’établissements déficitaires, où les postes ne sont pas renouvelés, où les gens sont fatigués, physiquement et psychologiquement. Ce n’est pas seulement ici, c’est partout. »

Pas le temps

La grande vulnérabilité des patients âgés exacerbe la difficulté des soignants qui souhaiteraient faire plus et mieux. « J’ai un centenaire dans mon département. Sa peau est du papier à cigarette. Vous ne pouvez pas la prendre comme ça, la gérer à la va-vite parce que vous manquez de temps. Et pourtant, vous manquez de temps. » Le professionnel ne soutient pas l’idée de soignants abusifs. «Je n’en connais pas», dit-il. « Mais encore faut-il avoir les moyens de bien traiter les gens. »

C’est les toilettes chronométrées, le dîner servi à partir de 16h30, « sinon ça ne marchera pas », c’est ce patient que tu n’as pas eu le temps de te lever, celui à qui tu promets de revenir discuter, mais ce n’est pas ça c’est vrai et vous le savez… « Ce n’est pas rien de prendre quelques minutes pour parler. Il faut aussi faire attention. Quand tu as quelqu’un qui pleure parce qu’il est fatigué de son état, quelqu’un qui te dit « j’aurais aimé être à la maison pour mourir », quand tu as un siècle de vie devant toi et que tu te retrouves à dire « il faut se dépêcher monsieur «…Vous savez que vous n’avez pas bien fait votre travail. Et cela pèse sur le plan humain. »

Belle théorie

L’aidant se souvient de l’école, de la belle théorie du « cas par cas », de l’approche individualisée blablabla. « Ils nous ont dit ‘ne prenez pas trop de temps, prenez le temps qu’il vous faut’. » L’idéal se brise contre la pratique. La qualité des soins s’effiloche. Le sens du travail s’estompe. Les soignants font face à ces « injonctions contradictoires ». « J’ai commencé ce métier en 2008, j’ai eu des chefs de service, puis j’ai eu des cadres de santé et aujourd’hui j’ai des managers. La terminologie n’est pas neutre. La culture d’entreprise est entrée à l’hôpital, elle a standardisé les soins. Mais nous ne manipulons pas de pièces en plastique, nous traitons avec des êtres humains. »

« On gère comme on peut. On s’entraide entre collègues, on s’occupe de nos enfants”

Fabrice Foucault constate le « turn-over », ces départs réguliers de soignants et d’infirmières. “Il y a du burn-out, même si on ne lui met pas toujours un nom.” À la souffrance de ne pas prodiguer de bons soins s’ajoute la fatigue du rythme. Périodes de service de neuf jours avec un jour de repos, jusqu’à quatre week-ends de service par mois (1). « Moi par exemple je suis séparée, j’ai un fils de six ans. Avec des horaires décalés, il est compliqué de mettre en place des gardes. Nous gérons comme nous pouvons. On s’entraide entre collègues, on s’occupe de nos enfants. »

Extrémités de chaîne

« Vocation », « passion », « sacerdoce » : le lexique de l’engagement par la foi est ici inclus. «Je pense que j’ai le soin en moi. Que cette œuvre s’impose à moi, qu’elle m’a choisi plus que l’inverse. » Fabrice pense qu’il « tiendra plus que la moyenne nationale ». « Mais il y a forcément cette chose qui vous vient à l’esprit : ‘Il faut encore penser à sortir de là’. »

“On est heureux quand on trouve des petites solutions, des bouts de ficelle qui améliorent un peu la vie des patients”

Un jour… Il trouve encore son bonheur dans le travail. « On est heureux quand on trouve des petites solutions, des bouts de ficelle qui améliorent un peu la vie des patients. La télé que vous avez réussi à installer dans la chambre. Lorsque je fais mes courses, j’emporte parfois un savon pour un patient en difficulté financière et dont le représentant légal n’est jamais joignable. » Des petites améliorations, encore des améliorations, mais pas très importantes.

Services publics

L’aidant se veut « juste ». «Même si nous nous disputons sur les choix, notre gestion est également soumise aux directives de la santé publique.» Levant les yeux. Il estime que « l’hôpital public ne manque pas de moyens matériels ». L’équipement est généralement de bonne qualité. « Mais les ressources financières doivent être consacrées aux gens, nous avons besoin que les gens trouvent le temps de bien s’occuper. »

Il peut le dire sans crainte de porter atteinte à son droit de réserve, Fabrice Foucault aura ces préoccupations en tête dans l’isoloir. « L’idée selon laquelle la santé publique est un bien commun qu’il faut défendre. Disons simplement que je serai attentif à cela avant les programmes. Comme je le serai pour tous les services publics fondamentaux : l’éducation, la justice… » Pour lui, les piliers de la fragile cohésion du pays.

(1) Une réflexion est engagée par le Centre Hospitalier de la Côte Basque sur les organisations de l’USLD.

 
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