« Nous ne trahissons pas l’Évangile en voulant mettre fin au désordre migratoire »

« Nous ne trahissons pas l’Évangile en voulant mettre fin au désordre migratoire »
« Nous ne trahissons pas l’Évangile en voulant mettre fin au désordre migratoire »

« Au nom de notre foi, nous voterons contre l’extrême droite. » Cette chronique publiée dans le quotidien La Croix – signé par 6 000 chrétiens – appelle les fidèles « voter massivement contre le Rassemblement national ». Elle demande également « Les institutions religieuses doivent se positionner explicitement » et de “mobilisez-vous fermement contre l’implantation d’idées d’extrême droite dans notre pays.” L’Évangile est appelé à soutenir cet appel, notamment sur le thème de l’accueil de l’étranger.

Brandir sa foi et l’Évangile pour justifier un choix politique n’est pas une mince affaire. Appeler les dirigeants ecclésiastiques à exiger qu’ils lancent à leur tour un appel similaire n’est pas non plus neutre : l’opinion de quelques-uns devrait ainsi devenir un impératif moral catégorique pour tous, validé par la hiérarchie religieuse.

C’est une chose pour les chrétiens de juger personnellement et d’exprimer publiquement que voter RN leur est impossible en conscience. C’en est une autre d’affirmer que l’Évangile exclut absolument un vote particulier pour tous les chrétiens et que cela doit être explicitement affirmé par les chefs religieux. Ces derniers ont pourtant raison de condamner les grandes idéologies comme le communisme et le nazisme, mais pas d’intervenir directement dans les choix électoraux.

L’appel de 6 000 chrétiens : « Au nom de notre foi, nous voterons contre l’extrême droite »

Je désapprouve cette manière de mettre l’Évangile au service de ses propres opinions : cela conduit à exercer une pression morale sur les autres fidèles et une pression politique sur la hiérarchie ecclésiastique. Le vote est un choix personnel qui, pour être libre et éclairé, doit être, autant que possible, protégé de telles contraintes. En revanche, disqualifier un vote conduit en principe à écarter sans examen les idées susceptibles de le motiver.

Cependant, de mon point de vue, la nécessité d’une politique migratoire plus ferme et plus restrictive fait partie des options qui ne méritent pas la désapprobation religieuse. via l’agitation de l’épouvantail RN. Au contraire, cela nécessite un examen politique sérieux au lieu de blâmer les chrétiens qui ont des préoccupations légitimes pour l’avenir de leur pays et de leurs enfants.

La primauté de la conscience

Je considère qu’il est plus fructueux de débattre d’abord sur la base de la raison politique et d’accepter des options divergentes plutôt que d’établir comme absolu ce qui est considéré comme « catholiquement correct » ou non. Par ailleurs, je me méfie du littéralisme appliqué aux textes sacrés, notamment : «J’étais un étranger et vous m’avez accueilli. » Le chapitre XXV de Matthieu est un sommet de l’Évangile mais ne constitue pas une politique migratoire.

Voir des chrétiens invoquer leur livre sacré pour qualifier ou disqualifier de manière irréfutable une option politique ne me convient pas. Cependant, je ne veux pas dire que l’Évangile n’a rien à nous dire en matière de choix politiques. Il faut en effet passer ses propres opinions au tamis de la foi ou de la loi naturelle. Mais j’affirme, dans ce domaine, la primauté de la conscience et le refus de toute pression sur elle.

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Je suis catholique et cela n’offense pas ma conscience d’envisager une politique migratoire qui conduirait à une récupération de nos frontières, à l’expulsion des clandestins et des délinquants étrangers, à la redéfinition de notre politique des visas ou encore des conditions d’accès à la nationalité française. , dans le cadre de l’État de droit et dans le respect de la dignité humaine. Il n’y a, à mon sens, aucune trahison de l’Évangile à penser que, si notre pays ne met pas fin au désordre migratoire actuel, notre sécurité intérieure et notre cohésion nationale, déjà largement affectées, plongeront dans le gouffre.

En revanche, cela offenserait ma conscience si la France allait au-delà de la nécessité politique en abandonnant absolument toute possibilité d’asile, en refusant de secourir des migrants sur un bateau en Méditerranée et/ou en organisant un mouvement de « remigration », c’est-à-dire de par exemple, des expulsions visant des personnes qui n’ont fait aucun mal et des mouvements de population inhumains. Heureusement, de tels projets ne sont pas soutenus par le RN. Je reconnais donc facilement que la froide rationalité politique n’est pas le seul facteur impliqué dans un choix.

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D’une certaine manière, il y a un double mouvement dans une délibération personnelle, au moment du choix de votre scrutin : d’une part, évaluer la pertinence de mesures précises, leur faisabilité concrète, mais aussi la capacité personnelle et collective de ceux qui proposent de les mettre en œuvre. , ou le contexte et le rapport des forces politiques du moment ; d’autre part, passez ces mesures précises au crible du droit naturel et de nos principes de civilisation qui doivent tant à l’Évangile du Christ.

Le défi du paradigme ethnique

Au cœur de ce débat, il me semble nécessaire d’évoquer le défi brûlant du paradigme ethnique. L’ethnisme est à la fois étranger à la tradition française – la France n’est pas une nation ethnique – et contraire à la vision chrétienne universelle de l’égale dignité de tous les hommes. Il est vrai que l’appartenance ethnique peut rendre son nid glissant en matière de migration. Mais j’observe qu’elle se loge aujourd’hui dans la dialectique des luttes de la gauche radicale, opposant en quelque sorte personnes « blanches » et « racisées ».

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Enfin, il faut souligner que les signaux d’alarme d’une grave fracture de la nation française vont bien au-delà de l’immigration : clivage sociogéographique, clivage entre le peuple et les élites, clivages religieux, etc. Les chrétiens ont probablement quelque chose de spécifique à apporter – en tant qu’artisans de paix.

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Mais il ne me semble pas qu’il suffise d’appeler à la lutte contre tel « diable », comme si un seul « démon » menaçait la concorde et la fraternité, ni même d’appeler à « rejeter les extrêmes », tout comme le bloc central pour garder la main. Il faut avant tout aborder les enjeux sur le fond : déclassement social, sentiment de dépossession, insécurité culturelle, violence endémique dans nos rues, précarité croissante, injustices sociales, échec scolaire, absence de projet commun, etc. Alors, en fin de compte, qui doit pour lequel nous votons, dans cette crise politique, face à la peur du radicalisme et de la violence et compte tenu de la maigre confiance que nous accordons aux partis ? C’est à chacun de décider… en conscience.

Retrouvez, dès leur publication officielle, les résultats du 1er tour des élections législatives 2024, commune par commune.

 
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