Le tisserand du temps

Le tisserand du temps
Le tisserand du temps

Au tout début de sa carrière, Ousmane William Mbaye nourrissait l’envie de faire ses grands débuts au cinéma avec son projet de film Talatay Nder, dédié aux résistants du Waalo et voici la banque dans laquelle une partie de l’argent de l’atelier de production fermé entravant ainsi le projet. C’était la grande déception. Ces dernières années, un autre projet le tracasse, celui d’un documentaire sur le boxeur sénégalais Battling Siki, champion du monde des mi-lourds (1922-1923).

Mais voir le documentaire Siki du Néerlandais Niek Koppen, qu’il considère comme un film admirable, l’a fait hésiter. Pas grave ! Avec ses fragments de déception William Mbaye va en faire quelque chose. Ndar Saga Walo porte les marques de ces déceptions recyclées puisque dans le film les femmes de Nder sont convoquées avec Natté Yalla comme figure de proue de la résistance et Batting Siki dans la fresque murale.

Le film d’Ousmane William Mbaye situe l’histoire de la ville de Saint-Louis au Sénégal dans ce que l’historien Mamadou Diouf appelle le Temps du monde, à savoir penser l’histoire autrement. L’histoire de cette ville vieille de 300 ans ne peut être exclue de la grande histoire de l’humanité. C’est ce que dit entre autres le film dont l’épine dorsale est la rivière aux eaux limoneuses, tantôt tumultueuses, tantôt indolentes, voire lascives. Pour calmer la colère de Mame Coumba Bang, génie de l’eau, il faut du sucre et du lait caillé. Mais le film insiste sur le métissage assumé et revendiqué des Saint-Louisiens. Le métissage comme terrain d’entente entre le colonisateur et les indigènes. Des métis qui mettent davantage l’accent sur leur appartenance africaine qu’européenne. Mais cette appartenance à deux cultures, bien qu’avantageuse, comporte des contradictions et des incohérences que la caméra explore, qui fait exploser l’épaisse couche d’omerta qui a enseveli le passé esclavagiste de la ville dont les pratiquants n’étaient pas que français. mais aussi des Saint-Louisiens débonnaires, bon enfant. Ndar Ville religieuse avec sa mosquée dotée d’une grosse cloche comme la cathédrale. La ville est comme un bateau stationnaire avec le Bou El Mogdad accroché à son côté, un navire de croisière jumeau du Fizcarraldo de Werner Herzog.

Ousmane William Mbaye inscrit à sa manière le temps dans l’Histoire. Ndar Saga Waalo replace le passé de la ville dans le présent, détournant les vieilles préoccupations autour de celles du présent et du futur sous la voix des jazzwomen Aminta Fall et celle de Baaba Maal. Documentaire d’archives aux images contemplatives, le film utilise la photographie, les dessins animés, les archives cinématographiques, l’iconographie, la coloration et les rushes de son film Mère-bi. Le montage joue avec la transparence qui donne naissance à des images fantômes en se dédoublant.

Les intervenants sont fascinés par cette ville qu’ils remodèlent de manière contradictoire. Ils sont historiens, conservateurs de musée, hôteliers, enseignants, citoyens. Le directeur efface leur profession en inscrivant seulement leur nom au conseil d’administration. Cela les réduit au rang de gens ordinaires qui conversent entre eux.

Ousmane William Mbaye a toujours tourné à Dakar. Il décide ici de déplacer sa caméra tout en restant dans sa logique de gardien de la mémoire, partisan de la réécriture en zigzag de l’histoire africaine à l’échelle humaine. Disons !

 
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