Par
Inès Cussac
Publié le
18 novembre 2024 à 6h02
Voir mon actualité
Suivez l’actualité parisienne
” DONC ! Y a-t-il quelque chose de nouveau ? » Une tête blonde interpelle le petit groupe de voisins postés sous la fenêtre de son premier étage. Ce mercredi 13 novembre 2024 rue des Thermopyles à Paris (14e), les habitants inquiets cherchent des réponses à leurs questions. Une rencontre s’improvise sur le trottoir au coucher du soleil.
Un quartier bucolique et rural
Certains ont appris la nouvelle il y a quelques jours, suite au conseil d’arrondissement qui s’est tenu mardi 12 novembre 2024. A cette occasion et dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme (PLU), la mairie du 14e arrondissement a a confirmé son choix de privilégier un type de classement permettant de végétaliser une partie des parcelles et d’assécher les sols. En même temps, il autorise de porter la hauteur maximale autorisée à 7 mètrescontre 5 mètres actuellement. De quoi inquiéter les habitants de ce quartier aussi bucolique que rural.
Il y a deux ans, le promoteur immobilier Terrot a racheté deux ateliers d’artistes abandonnés au fond de la cour au numéro 37 – 37 bis de la rue. Il compte désormais les transformer en logement meublé de tourisme, type Airbnb. Cinq appartements de six à douze lits, soit 46 lits au total, seront disponibles à la location courte durée. Il pourrait ainsi y avoir autant de vacanciers que de résidents.
Soleil, visibilité…
Les allées et venues des bagages à roulettes, les soirées interminables et les défilés VTC sont les tracas les plus redoutés. « Ce tribunal est une caisse de résonance. Nous sommes comme au fond d’un canyon », illustre Anne-Marie, sous sa coupe de cheveux courts et blonds. Habitant son appartement du rez-de-chaussée depuis 48 ans, elle a vu l’évolution de ce cocon à ciel ouvert. « Il y avait un architecte dans l’atelier à gauche et un menuisier à droite », raconte-t-elle avant de rembobiner encore plus loin, au temps de la rhubarbe et des fleurs cultivées par les locataires des deux immeubles.
Valentin, de son côté, est l’un des derniers à avoir posé ses valises ici. Il a choisi cet écrin de verdure pour s’évader de la ville, en quête de « tranquillité ». « Ce qui m’inquiète le plus, c’est la pollution sonore », prépare-t-il dans sa polaire bleu marine. « J’habitais déjà avant dans le 14e, près d’Alésia. J’avais un voisin qui aimait la musique, surtout la nuit. Mais le bruit, c’était tous les soirs, c’était des cris, c’était des braillements”, s’agace-t-il encore. « Les valises, ça va être un enfer ! »
ajoute Capucine à côté de lui.
On aurait pu créer des jardins partagés, des ateliers d’artistes, des logements… S’il y avait eu des maisons avec des familles cela aurait été bien mais ce n’est pas le cas.
Sept mois seulement après son déménagement rue des Thermopyles, l’échafaudage a bloqué sa fenêtre pendant un an de travaux d’isolation. « Le propriétaire [des deux immeubles, ndlr] avait vendu ces deux parcelles pour payer les frais de rénovation», explique Jean-Paul Armangau, de l’association Urbanisme et Démocratie, qui soutient le collectif Cœur d’île Thermopyles.
Celle-ci a été constituée en décembre dernier pour demander une modification du PLU afin de protéger les deux ateliers, d’une superficie totale de 525 m²
au même titre que les autres parcelles de la rue. Sans cela, les habitants craignent une augmentation de la superficie et surtout une augmentation de la hauteur. L’ensoleillement et la visibilité pourraient être compromis.
Un accord tacite de la Ville
« Sur un deux problèmes résume Nicolas Laruelle mobilisé pour le collectif. Le premier concerne le PLU, qui régit le permis de construire, et le second concerne le projet lui-même. » Sauf qu’en ce qui concerne la réhabilitation et la destination des immeubles, personne ne peut, pour l’instant, s’opposer au promoteur immobilier.
Cette dernière a reçu l’accord tacite de la Ville de Paris le 10 août 2024, deux mois après avoir soumis son projet au service de l’urbanisme.
Ces parcelles sont dans un état catastrophique. Quelle que soit l’activité, ils doivent de toute façon être rénovés. Notre idée de les transformer en hébergements touristiques est bien moins pire que s’il s’agissait d’un centre culturel, d’un site industriel…
« Nous n’avons aucune marge de manœuvre même si nous avons cruellement besoin de logements. C’est une situation grotesque», défend Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris chargée de l’urbanisme. Selon elle, il ne reste plus qu’à attendre la présentation d’un permis de construire pour pouvoir s’opposer au chantier. Sauf que de son côté, le groupe Terrot, qui possède également des participations dans une trentaine d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), assure ne pas avoir besoin de permis de construire. “Nous n’allons pas effleurer la surface, nous restons dans le gabarit existant”, souligne le président du groupe, Samuel Gelrubin.
Le collectif Cœur d’île Thermopyles ne préfère pas se fier à la parole du promoteur immobilier. « S’il reste dans l’enveloppe, il n’y a donc pas lieu d’augmenter le PLU », argumente Nicolas Laruelle. Une pétition a donc été lancée le 7 novembre et récolte déjà plus de 1 200 signatures.Une manière, selon Nicolas Laruelle, de maintenir « la pression » sur la Ville de Paris qui a finalement annoncé le réexamen du projet une semaine plus tard.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon Actu.