pas en France mais en Belgique

pas en France mais en Belgique
pas en France mais en Belgique

Alors que près d’un électeur sur deux s’est abstenu lors des dernières élections au Parlement européen, et que des élections législatives anticipées se profilent, on retrouve la question sur les réseaux sociaux, comme dans divers médias : faut-il obliger les citoyens à voter ? aller aux urnes ?

Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique», est écrit en majuscules blanches sur fond bleu sur nos cartes d’électeurs. Cet adage, qui passe facilement inaperçu, explique à lui seul pourquoi la question du vote obligatoire en France ne s’est jamais sérieusement posée. Depuis le début de la Troisième République, une cinquantaine de propositions de loi ont été déposées sur ce sujet, mais aucune n’a jamais abouti. Cela pour plusieurs raisons, dont l’une remonte aux origines de l’enseignement public pour tous, explique le politologue Patrick. Lehingue Il est l’auteur d’ouvrages de sociologie électorale :

Sous toute la Troisième République, si l’on relise les manuels d’éducation civique de l’école primaire, tant laïques que catholiques, le bon citoyen se définit toujours par le fait qu’il va voter. On ajoute même qu’il votera « sans tenir compte de ses intérêts particuliers ». Et nous pensons que cette norme civique est suffisante pour que le système électoral fonctionne.

La tache noire ou la leçon de géographie, 1887
-Albert Bettannier

Des effets électoraux imprévisibles

Le politologue souligne que le vote obligatoire ne pourrait être voté que par des parlementaires appartenant à des groupes partisans. En juin 2023, les députés du groupe LFI ont par exemple déposé un amendement à un texte de la commission. Ils ont proposé qu’un abstentionniste soit obligé de participer à l’organisation du prochain scrutin dans sa commune. Mais, selon Patrick Lehingue, voter obligatoire, c’est comme prendre un risque. Impossible de savoir quels seraient ses effets électoraux :

«Il y a simplement des sondages où de temps en temps on demande aux abstentionnistes déclarés pour qui ils voteraient s’ils votaient. C’est déjà un double conditionnel. Et puis on sait que les sondages d’opinion ont une très mauvaise compréhension du taux d’abstention. Les gens sous-estiment encore leur pratique de l’abstention, ce qui signifie aussi que la norme civique continue d’avoir certains effets, notamment chez les personnes âgées.»

Certains partisans du vote obligatoire y voient enfin « un rempart pour la démocratie représentative ». Quand en revanche le vote est obligatoire en France pour les grands électeurs (environ 162 000 personnes), lors de l’élection des sénateurs. Le débat reste ouvert mais Patrick Lehingue n’est pas convaincu par l’argument : «Le taux d’abstention est l’indicateur d’une démocratie qui ne va pas bien, qui tend à s’auto-exclure toute une série de régions ou d’espaces sociaux. Rendre le vote obligatoire reviendrait à briser le thermomètre en obligeant les électeurs qui ont toute une série de raisons de ne pas voter à voter. Cela me semble être une contrainte à la fois inutile et dangereuse.

La Note Politique de Frédéric Métézeau Écoute plus tard

En lisant écouter 2 minutes

En Belgique, une obligation théorique, qui renforce le civisme

Peu de démocraties en Europe ont choisi le vote obligatoire. L’Italie, par exemple, y est revenue à la fin du XXe siècle, contrairement à un État fédéral voisin, la Belgique, où les citoyens sont obligés de se rendre aux urnes depuis 1893. Jusqu’à cette date, le taux d’abstention était très variable, mais pourrait atteindre 65%, comme lors des élections législatives de 1855. Régis Dandoy est professeur de sciences politiques et chercheur associé à l’Université libre de Belgique :

Aujourd’hui, le taux de participation a légèrement baissé : nous sommes autour de 88 %. Mais l’effet du vote obligatoire est vraiment impressionnant. Dans les pays qui ont adopté cette mesure, il existe une culture civique et politique qui tend vers la participation, et lorsqu’il y a des sanctions, les taux de participation peuvent facilement dépasser 90 %.

Pour un électeur belge, le vote de protestation implique donc généralement un vote blanc. Quiconque manque à son devoir de citoyen s’expose à une amende allant de 40 euros à 200 euros en cas de récidive. Mais dans la pratique, les sanctions n’ont pas été appliquées depuis vingt ans, comme le confirme Régis Dandoy :

Il était très compliqué d’identifier les électeurs qui n’avaient pas voté. Il fallait les suivre, les poursuivre, les contacter. Cela représentait un coût important pour la justice, les tribunaux étaient encombrés, pour un bénéfice assez minime ; d’autant qu’il y a eu un coût politique : la population a commencé à se plaindre du vote obligatoire

Qu’importe : l’obligation morale demeure. Le taux de participation, au cours des vingt dernières années, n’a diminué que de 1 à 3 %.

Un phénomène qui devrait aussi être lié à la culture politique belge, pour le professeur de sciences politiques : «On en parle peu dans la sphère privée, mais voter est quelque chose d’important pour la Belgique. La politique locale est très importante et, de plus, le taux de participation est le même que les élections soient nationales ou locales. C’est aussi lié au système électoral belge, qui est proportionnel : on se sent représenté très facilement, et les votes ont des résultats tangibles, qui modifient les gouvernements. Les élites politiques locales élues changent en fonction des résultats électoraux. Les Belges savent qu’une poignée de votes pourraient changer le résultat.

Même les jeunes Belges, qui avaient le droit de voter dès l’âge de 16 ans pour les européennes, se sont rendus en masse aux urnes.

La question du jour Écoute plus tard

En lisant écouter 8 minutes

Une démocratie plus représentative ?

Même s’il évoque le coût politique de cette mesure («on se rend compte dans les enquêtes que les partis extrêmes sont souvent les partis favorisés par le vote obligatoire“), Régis Dandoy estime que cela permet une meilleure représentation de toutes les couches sociales de la population :

Les enquêtes réalisées indiquent que les personnes qui ne voteraient plus si le vote n’était plus obligatoire sont majoritairement des personnes issues de catégories socio-économiques plus défavorisées. Avec le vote obligatoire, ils peuvent élire leurs représentants dans les différents parlements de Belgique. S’ils ne votaient pas, la politique serait probablement dominée par les élites politiques et intellectuelles et les classes moyennes.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV un an après leur lancement, quel bilan des vélos en libre-service ? – .
NEXT un village entier dénonce sa conduite jugée dangereuse, le conducteur condamné