son enfance cachée à Barbezieux, en Charente

Un nom. Cinq lettres d’amour. Anouk Aimée a fait fondre les plus grands cinéastes. Elle a prêté sa grâce et sa beauté mystérieuse à un aristocrate fantaisiste dans « La Dolce Vita » de Fellini (1959). Elle fut « Lola » de Jacques Demy (1960), avant de former avec Jean-Louis Trintignant le couple mythique de « Un homme et une femme » (1966), de Claude Lelouch.

Chababada… Pas besoin de fredonner la chanson. Inutile de citer la filmographie de la grande dame, dont Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes, déclare qu’elle est « l’une des plus belles incarnations de la féminité au cinéma ».

Son surnom : Fanchon


Années 1940 à Barbezieux (Charente). Photo de classe. Au troisième rang, on reconnaît Anouk Aimée au bandeau dans les cheveux. Pour l’état civil, l’actrice s’appelle Françoise Dreyfus.

PH. COLLECTION PRIVÉE ANOUK AIMÉE

On rappellera juste que Mme Aimée (Françoise Dreyfus pour l’état civil) fut ainsi baptisée par Jacques Prévert, en 1948, sur le tournage d’un film inachevé de Marcel Carné. L’anecdote est connue des cinéphiles ; il apparaît dans toutes les biographies. Ce que l’on sait moins en revanche, c’est que la jeune Françoise Dreyfus – née de parents comédiens le 27 avril 1932 à Paris – a passé une partie de son enfance à Barbezieux, en Charente. Elle y fut même cachée pendant la guerre, sous le surnom de Fanchon Durand.

Un de ses proches, Dominique Besnehard, qui était son agent, ne savait rien de cette histoire. Témoignage : « J’étais dans la voiture, sur la route de Jarnac, et j’avais Anouk au téléphone. Elle me demande “où es-tu?” Je lui dis Barbezieux. Elle m’a dit « quelle coïncidence » ! Et elle me dit tout… »

Devenue une star de cinéma, Anouk Aimée ne revient qu’une seule fois à Barbezieux, dans les années 1950. Elle y sera mardi soir, à l’invitation du Festival du film francophone d’Angoulême, pour inaugurer le cinéma Le Club, récemment rénové.

“Ça m’excite. J’aurai sans doute beaucoup d’émotion”, confie celle qui a accepté de lever le voile sur cette période méconnue. Anouk ouvre une enveloppe en papier kraft et montre de vieilles photos sépia. Oui, c’est elle, jolie bouille, gamine heureuse en Charente, à l’école ou chez sa grand-mère Émilie !

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La mère d’Anouk était résistante


Anouk Ainée à La Picauderie (Charente), en 1936, avec sa grand-mère Émilie Boussiron qui travaillait comme horticultrice.

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« Ces photos ont été prises à La Picauderie, propriété de mes parrain et marraine, Pierre et Suzanne Gaillard. Écoute, je joue avec des chiens, des oies, des canards. C’est de là qu’est né mon amour immodéré pour les animaux ! [Rires]. Barbezieux, c’était de vraies vacances à la campagne. Je me souviens d’une ville animée, avec le château au sommet, la place centrale et une célèbre pâtisserie. Barbezieux faisait aussi des matchs de rugby le dimanche avec mon parrain. »

Mais Barbezieux c’était aussi la guerre, le danger, la peur d’être identifié et arrêté.


25 août 2009 à Barbezieux (Charente) : Anouk Aimée revient à La Picauderie, propriété de ses parrain et marraine, Pierre et Suzanne Gaillard, où l’actrice était cachée pendant la Seconde Guerre mondiale.

Isabelle Louvier / Archives « Sud Ouest »

Mais Barbezieux, c’est aussi la guerre, le danger, la peur d’être identifié et arrêté. « Je me souviens de la déclaration de guerre. C’est comme un éclair. Nous sommes devant La Picauderie. Les hommes partent et les femmes pleurent. Plus tard, Pierre et Suzanne durent quitter leur propriété et s’installer rue Sadi-Carnot, dans une maison dont le rez-de-chaussée fut réquisitionné par les Allemands. Chaque matin, quand je descendais pour aller à l’école, je leur disais bonjour. »

Geneviève, la mère d’Anouk, était résistante. Souvent, la petite famille devait s’éloigner de Barbezieux. « Nous avons dû déménager. La montagne, le Sud, Marseille. Un jour, nous avons franchi la ligne de démarcation à Chalon-sur-Saône. Nous descendons du train. Maman me dit ‘quoi qu’il arrive, tu ne bouges pas, tu ne dis rien’. Elle revient entre deux Allemands. Je reste là, immobile, devant le soldat. Ma tête est à la hauteur de sa ceinture où il est écrit « Gott mit uns », Dieu avec nous. L’Allemand n’a rien dit, rien fait. J’ai repris le train pour Marseille, seul, où ma mère a pu me rejoindre plus tard. »

Le temps est un gentleman

Autre épisode poignant : « J’ai dû me faire opérer de l’appendicite à Paris, par un médecin résistant qui me faisait passer pour sa nièce. Maman en avait marre de tous ces voyages. Elle a décidé de me procurer de vrais papiers. Elle est allée à la Kommandantur, où elle a eu un moment de folie ou d’inconscience, je ne sais pas. En fait, elle m’a déclaré sous mon vrai nom, Dreyfus. Un Allemand, qui devait être un homme bon, a écrit un autre nom. »

Ainsi va le destin, la politesse du hasard, la musique du temps qui passe. Un moment qui a toujours été en vrai gentleman avec Anouk. La formule est de Fellini. Mais c’est une autre histoire.

 
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