Nouvelle étude IRIS et pénurie de logements

Nouvelle étude IRIS et pénurie de logements
Nouvelle étude IRIS et pénurie de logements

La pénurie de logements à Montréal n’a pas grand-chose à voir avec le fardeau réglementaire décrié par l’industrie de la construction. Elle s’explique plutôt par l’augmentation des coûts, et surtout par les « choix d’investissement » des promoteurs dans une industrie florissante.


Publié à 00h58

Mis à jour à 7h00

La quantité de nouveaux logements a même augmenté plus vite que le nombre de ménages au cours des 20 dernières années, constate l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) dans sa note « Les grands gagnants de la crise du logement ».

À Montréal, l’industrie a construit 434 293 nouveaux logements entre 2001 et 2021. Durant cette période, la métropole a accueilli 418 340 nouveaux ménages, note l’étude. La tendance est la même dans les cinq autres agglomérations du Québec analysées, sauf Sherbrooke et Saguenay.

La statistique n’est bien entendu valable que pour les logements neufs et ne dit pas si les nouvelles constructions sont capables de remplacer les logements disparus du marché en raison de leur vétusté.

Pour IRIS, les chiffres démontrent encore que le secteur de la construction se porte très bien, malgré les contraintes réglementaires imposées par les villes.

Le nouveau projet de loi de la ministre du Logement France-Élaine Duranceau, qui permettra aux municipalités d’ignorer leurs règles d’urbanisme pour autoriser des projets, ne résoudra pas le problème, concluent les chercheurs.

«Dans une perspective à long terme, le cadre réglementaire ne semble pas avoir empêché des investissements à des niveaux historiques», estime Louis Gaudreau, auteur de l’étude IRIS avec Catherine Héon Cliche.

Une question de choix

Les chercheurs reconnaissent néanmoins qu’il faut « construire plus de logements, et plus rapidement, pour répondre à la crise du logement ». Selon eux, les faibles taux de vacance s’expliquent cependant par des « choix d’investissement » privilégiant « l’immobilier rentable », au détriment des logements locatifs abordables.

De 2000 à 2023 à Montréal, Gatineau et Saguenay, plus des deux tiers des logements construits étaient des maisons unifamiliales et des condos destinés aux propriétaires occupants, souligne l’IRIS.

À l’inverse, moins de 3 % des nouveaux logements de la métropole ont été financés par AccèsLogis, le principal programme dédié à la construction de logements sociaux.

IRIS ajoute que l’industrie n’a pas de problèmes de rentabilité qui l’empêcheraient de construire suffisamment.

Depuis 2012, les grands loueurs ont vu leurs bénéfices annuels bondir de 45,7%, pour atteindre 4,78 milliards en 2021. Quant aux revenus locatifs des particuliers, ils ont doublé entre 2000 et 2022, pour atteindre 17,8 milliards.

« Guider les investissements »

« Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas investir davantage pour faire face à l’augmentation de la population », affirme Louis Gaudreau. Mais il est important d’orienter les investissements vers les secteurs du marché où les besoins sont les plus grands. »

C’est là que le marché et les gouvernements ont échoué jusqu’à présent, dit-il.

« Il n’y a qu’à voir la résistance qu’a suscitée la politique 20-20-20 de Montréal », illustre le chercheur. Il s’agissait d’exiger des promoteurs qu’ils construisent environ 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux.

Cependant, les promoteurs ont préféré verser une compensation à la Ville plutôt que d’inclure des logements moins chers dans leurs projets.

C’est compliqué pour les entrepreneurs, ça rentre mal dans leur business model… Il ne semble pas y avoir beaucoup d’appétit du côté du privé. Je pense donc que nous sommes confrontés à une situation où la seule solution réside dans l’investissement public.

Louis Gaudreau, auteur de l’étude, sur la construction de logements moins chers par le secteur privé

Professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche abonde sur ce point.

“Si nous sommes dans un marché tendu, il est certain que nous devons protéger les plus vulnérables, et nous aurions intérêt à avoir des politiques publiques en ce sens”, dit-il.

Le professeur estime également que la réglementation n’est pas le principal facteur responsable du faible taux d’inoccupation des logements locatifs et du déclin de la construction résidentielle au cours de la dernière année. “Mais cela explique en partie cela”, a-t-il déclaré.

Si les entrepreneurs mettent plus de temps à construire une maison, un jeune couple restera plus longtemps dans leur appartement, illustre Jean-Philippe Meloche. « Est-ce parce que nous n’avons pas construit suffisamment de logements locatifs que le marché est tendu, ou est-ce parce que nous n’avons pas construit suffisamment de maisons ? Les deux, en fait. »

Le professeur mentionne une étude de 2023 de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, qui démontre une corrélation entre une réglementation lourde et l’inabordabilité du logement dans les grandes villes.

À l’Association des professionnels de la construction d’habitations du Québec (APCHQ), le PDG Maxime Rodrigue estime pour sa part que l’étude de l’IRIS apporte une « perspective essentielle pour répondre à la crise ».

Tout en sous-estimant sérieusement l’impact de la bureaucratie municipale.

« IRIS souhaite davantage de logements sociaux et abordables, mais se positionne contre la déréglementation », a-t-il écrit dans un communiqué envoyé à La presse. Cependant, les logements sociaux et abordables sont souvent des complexes à logements multiples, qui nécessitent des dérogations aux règles d’urbanisme. »

Il est difficile, selon lui, d’exiger des logements plus abordables tout en s’opposant à la déréglementation.

A l’IRIS, Louis Gaudreau précise que son étude « ne dit pas que les réglementations sont forcément efficaces et ne sont pas un frein ». «En revanche, jusqu’à présent, cela ne semble pas être le principal facteur de la crise du logement. »

Apprendre encore plus

  • 100%
    Augmentation du loyer moyen à Montréal entre 2000 et 2022

    Source : Statistique Canada

    26,4 milliards
    Investissement moyen, en dollars, dans la construction résidentielle au Canada, de 2010 à 2020

    Source : Les grands gagnants de la crise du logement, IRIS

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Le RC Lens content du sauvetage du LOSC par Merlyn
NEXT mobilisé contre l’extrême droite