des escouades de police où il faut des nerfs d’acier

Dans le cadre d’une série de rapports sur la santé mentale des policiers, Le journal s’est entretenu avec des dizaines d’experts et d’agents en plus d’examiner plusieurs dizaines de documents, dont une quarantaine de demandes d’accès à l’information. Un constat se dégage : il n’a jamais été aussi difficile d’être policier.

Passer plus de 30 heures sur une scène de crime, voir des images horrifiantes, rater des anniversaires, entendre le cri glaçant d’une mère qui apprend le meurtre de son enfant : tel est le prix à payer pour être « la voix des victimes » lorsque nous travaillons dans deux des unités les plus difficiles de la police : les homicides et l’exploitation sexuelle des enfants en ligne.

«C’est très, très exigeant», explique Nadine Landry, sergent-détective des homicides. C’est à vous qu’incombe la responsabilité de redonner de la noblesse à la victime. Mais appeler une famille pour leur dire qu’on a trouvé le coupable, ah, je vous le dis, c’est un vrai cadeau. C’est vraiment notre salaire.

Nadine Landry, sergent-détective des homicides

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

Pour mieux comprendre comment certaines unités spécialisées pourraient affecter la santé mentale de ceux qui y travaillent, Le journal a rencontré deux policiers d’expérience qui ont dû bâtir une épaisse carapace pour gravir les échelons au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

La sergent-détective Nadine Landry sur une scène de crime.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Le sergent-détective Landry était en compagnie de son ancienne collègue des homicides, Christina Vlachos, aujourd’hui lieutenant-détective au sein de l’équipe de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne.

Les enfants sont toujours difficiles

Ensemble, ils représentent deux unités où la santé mentale peut facilement dérailler.

«C’est vraiment important d’être bien entouré, d’avoir un bon réseau», explique le lieutenant-détective Vlachos. Mes enquêteurs doivent visionner des images absolument terribles, où l’on voit le pire de l’espèce humaine.


Christina Vlachos, lieutenant-détective de l’équipe contre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

Afin de les préserver, des mesures de protection sont mises en place et un retrait obligatoire de la section est prévu au bout de quatre ans. Des rencontres annuelles avec des psychologues sont également obligatoires.

Dans le même ordre d’idées, ce que craignent tous les enquêteurs en matière d’homicide, ce sont les cas impliquant des enfants.

Nadine Landry se souvient notamment de son retour de vacances où son patron lui a demandé de se rendre sur les lieux d’une double autopsie d’enfants.

« Si vous parcourez l’étage ici, vous verrez qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui veulent y aller », explique la mère de deux garçons. C’est très exigeant.

Mais le lendemain matin, alors qu’elle retournait au travail, sa collègue Christina Vlachos lui avait laissé un sac de bonbons et une petite carte sur son bureau pour la remercier d’en avoir « pris une pour l’équipe ».

«Ça a fait toute la différence», avoue-t-elle en échangeant un sourire entendu avec son ancien collègue. C’était une façon de me dire : ce n’est pas facile ce que tu as fait, on le reconnaît et on l’apprécie.

La « touche féminine »

Et même si elle l’a probablement fait sans s’en rendre compte, ce petit geste est le parfait exemple de ce que recommandent tous les experts consultés pour ce dossier. Pour un policier, le simple fait de sentir que ses collègues le soutiennent suffit parfois à éviter de vivre un choc post-traumatique.

Christina Vlachos estime également que ce genre de petit clin d’œil, qu’elle appelle la « touche féminine », a fait beaucoup de bien à la cellule des crimes majeurs, qui compte de plus en plus de femmes.

Lorsqu’elles ont mis les pieds dans les homicides en 2015, les deux jeunes mamans ont eu du mal à trouver un équilibre entre la vie de famille et ce métier très exigeant. Ils ont raté des anniversaires, des spectacles et des Noëls. Parfois, ils ne rentraient pas à la maison pendant deux jours. D’autres fois, ils ont dû quitter d’urgence une salle de cinéma avec leurs enfants parce qu’un meurtre venait de se produire.

Mais au final, ils ont le sentiment d’avoir gagné bien plus que le contraire.

« Voir la résilience des familles, d’une mère qui a perdu son enfant, ça m’a beaucoup appris », conclut Christina Vlachos. Après, on apprend vraiment à relativiser. »

 
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