Au Sénégal, la campagne pour les élections législatives du 17 novembre 2024 a officiellement débuté dimanche 27 octobre 2024. Dans ce contexte, la coalition « Les nationalistes, Jël liñu moom » (en wolof, « Prenez ce qui nous appartient »), dirigé par Tahirou Sarr, a fait une sortie médiatique remarquée. Le 3 novembre 2024, lors du journal de campagne électorale diffusé sur la RTS1, Tahirou Sarr, s’exprimant en wolof, affirmait que « les étrangers représentent près de la moitié de la population sénégalaise ».
Que disent les données officielles ?
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Selon les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), la population résidente au Sénégal s’élève à 18 126 390 personnes en 2023. Les données du cinquième Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH-5), publiées en juillet 2024, indiquent que les étrangers représentent 1,1% de la population, soit 207 791 individus.
Ce rapport précise que la majorité des étrangers vivant au Sénégal sont originaires des pays d’Afrique de l’Ouest, comme les Guinéens (40,3%), les Maliens (14,9%), et les Bissau-Guinéens (4,4%). Les ressortissants d’autres régions du monde, comme l’Europe (4 %), l’Asie (2,3 %) et l’Amérique (1 %), représentent une proportion beaucoup plus modeste, rapporte Africa Check.
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Une déclaration jugée « enivrante »
Pour Abou Ba, ingénieur en statistiques démographiques au ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération, les affirmations de Tahirou Sarr relèvent de la désinformation. « C’est un mensonge dont nous devons nous méfier, car il peut nuire aux relations internationales », a-t-il déclaré.
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Mohamadou Sall, professeur et directeur de l’Institut de formation et de recherche en population de l’Université Cheikh Anta Diop, partage cet avis. Il qualifie cette affirmation de « grosse erreur », rappelant que les chiffres de l’ANSD sont fiables, avec un taux de couverture nationale de 96 %.
Les limites du recensement
Bien que les données du RGPH-5 soient scientifiquement fondées, certaines limites sont reconnues. Ndatar Sène, ingénieur en statistiques démographiques, explique que le recensement n’a pris en compte que les étrangers vivant dans des ménages identifiables. Les personnes sans abri ou vivant dans des conditions précaires sont difficiles à inclure, même si une tentative a été faite pour identifier cette « population flottante ».
Ces omissions ne suffisent cependant pas à expliquer une éventuelle sous-estimation massive. Les omissions ne représentent que 4 % des réponses selon l’ANSD, et une enquête post-recensement a corrigé une grande partie de ces écarts.
Une déclaration infondée
Malgré ses tentatives, selon Africa Check, Tahirou Sarr n’a pas répondu aux demandes desdits médias pour clarifier la Source de sa déclaration. Cependant, les données disponibles contredisent catégoriquement ses propos. Avec seulement 1,1% d’étrangers recensés, il est inexact de prétendre qu’ils représentent près de la moitié de la population sénégalaise.
Cette affirmation, jugée infondée par les experts, souligne l’importance de s’appuyer sur des données fiables pour éviter des discours susceptibles d’alimenter les tensions sociales et politiques.