Le dernier accusé du procès pour viol de Mazan sera entendu par le tribunal correctionnel du Vaucluse. Après deux mois et demi de débats, impossible d’établir un profil type du violeur. Au contraire, les expertises, les témoins et les déclarations des accusés nient la vision de l’agresseur pervers.
“Vous savez, je compte sur les doigts d’une main les pervers que j’ai rencontrés devant un tribunal correctionnel.” Ce psychologue aux 7 000 évaluations en 40 ans de carrière d’expert de la justice l’assure : une dimension pathologique n’apparaît que très rarement chez les agresseurs.
Après deux mois et demi du procès pour viol de Mazan, et alors que les sept derniers accusés jugés seront entendus ce vendredi, aucun profil type n’a pu être décelé parmi les 50 coaccusés de Dominique Pelicot.
Le 10 septembre, une semaine après le début du procès, l’expert psychiatre Laurent Layet évoquait « la banalité du mal », un concept développé par la philosophe Hannah Arendt. Bon nombre de ces accusés sont des pères de famille, la plupart de ces hommes âgés de 26 à 73 ans sont insérés socialement et professionnellement, une grande majorité a également reçu le soutien de proches venus témoigner en leur faveur devant le tribunal correctionnel du Vaucluse.
« Le profil type de l’agresseur sexuel n’existe pas »
« Aucun trouble de l’organisation de la personnalité », « aucune déficience particulière », « aucune tendance perverse ou déviante », « aucune pathologie psychologique » ont été repris par le psychologue ou les experts psychiatres depuis le 16 septembre lors de la lecture de leur rapport sur l’étude. 51 accusés. “L’accusé n’a pas une personnalité typique des agresseurs sexuels même s’il n’y a pas vraiment de personnalité type”, a constaté jeudi 14 novembre l’expert psychologue Laurent Chaïb.
“Il n’y a pas de profil type d’agresseur sexuel, il n’existe pas”, a déclaré son successeur à la tête d’Alain Dumez, psychologue qui a évalué cinq des prévenus.
Pour l’expert, la notion de profil implique une « répétition » qui n’est pas constatée chez les attaquants. « Sur le plan relationnel, ce sont des personnes qui ont du mal à comprendre la subjectivité d’autrui, mais ce n’est pas spécifique à ce type de situation, poursuit Alain Dumez. Les 51 accusés de ce procès historique ont souvent été décrits comme des « hommes ordinaires ».
Un terme rejeté par la partie civile, aujourd’hui « fatiguée », « fatiguée d’entendre tous ces hommes à la barre » nier les faits, selon son entourage. Et ce malgré le fait que la majorité des actes de violences sexuelles sont commises par des membres de l’entourage de la victime.
« Il faut sortir de cette typologie de l’agresseur sexuel désocialisé, que personne n’aime, qui n’a pas de relations humaines. Bien sûr, tout le monde a des relations humaines, mais d’un autre côté, ce que révèle ce procès, « on peut avoir tout ça et quand même avoir commis les actes. Le meilleur exemple, c’est Dominique Pelicot», a déclaré Stéphane Babonneau, avocat de Gisèle Pelicot, qui rappelle que, dans ce procès, il y aurait «. mot contre mot » entre la victime et des hommes décrits comme un « bon père », « un compagnon aimant » ou « un bon collègue de travail ».
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Traits de personnalité similaires
La notion d’homme ordinaire a cependant été rejetée par les experts. “Cela reviendrait à dire que tous les hommes sont capables de tels actes donc non, on ne peut pas catégoriser ces hommes comme des hommes ordinaires”, notait le 7 novembre le psychiatre Laurent Layet. “L’acte lui-même fait entrer l’individu dans une autre catégorie”, poursuit le 7 novembre. l’expert.
Alors comment expliquer que ces hommes, dotés pour la plupart d’une « personnalité dans la limite normale » et d’une « bonne compréhension cognitive de la loi », comme on le disait de ces accusés, aient accepté la proposition de Dominique Pélicot après avoir été mis en relation avec Coco. gg. Pour l’expert Alain Dumez, il faut parler davantage de « traits de personnalité », à commencer par l’égocentrisme et l’absence d’empathie, principalement envers Gisèle Pelicot, deux caractéristiques retrouvées chez la plupart des accusés. Il y a aussi de l’impulsivité mais aussi une certaine vision des relations homme-femme.
Pour Alain Dumez, il existe chez ces hommes un côté « pas vu, pas pris » en réponse à un besoin sexuel, au point de briser des interdits connus. « Dans un scénario de ce type, ce qui est proposé serait une manière experte, folle et fantastique d’accéder à la jouissance », note le psychologue. « Pour une personne qui n’est pas perverse, avec une personnalité dans la limite normale, il y a une certaine attirance face à quelqu’un qui dit ‘je sais comment faire’. Ils peuvent être émerveillés, fascinés sans pour autant être « facilement influençables ».
« Ce qu’on leur propose fait d’eux des personnes à un moment donné qui se livrent à des actes pervers. »
Un quart des victimes accusées étaient enfants
Il n’en reste pas moins que 23 des 51 accusés ont un casier judiciaire. Six d’entre eux ont déjà été condamnés pour violences conjugales. « Une sexualité déviante » a été constatée chez ces hommes, alors que plusieurs d’entre eux sont également jugés pour possession d’images pédopornographiques, ou du moins une « sexualité excessive », comme l’a qualifié l’un des accusés.
Parmi des profils similaires, on peut noter que la moitié a eu une enfance défavorisée, avec des sentiments d’abandon, des parents séparés, des environnements violents, etc. Un quart d’entre eux ont également été maltraités au cours de cette enfance. . A commencer par Dominique Pelicot qui évoque une agression à l’âge de 9 ans lors d’un séjour à l’hôpital, puis l’obligation de participer à un viol collectif quelques années plus tard. « On ne naît pas pervers, on le devient », a-t-il déclaré au tribunal.
Adrien L. accuse une cousine d’agression sexuelle. Simone M., qui a grandi en Nouvelle-Calédonie, raconte avoir été violée par un ami de la famille où il travaillait. Romain V. a été livré à un prêtre par ses parents. Jean-Pierre M. a également été victime d’abus sexuels de la part de son père lorsqu’il était enfant. Fabien S. a fait condamner son père dans sa famille d’accueil. Ludovick B. a porté plainte contre le père d’une amie d’enfance, déjà condamné à la perpétuité pour un assassinat en 1996.
«Tous les individus qui ont été victimes ne deviennent pas des agresseurs, mais c’est un facteur à prendre en compte», expliquait le 6 novembre la psychologue Annabelle Montagne, qui a évalué la moitié des 51 accusés. Les expériences d’agression sexuelle dans l’enfance influenceront le développement sexuel ultérieur. .
La responsabilité collective de Dominique Pelicot avancée
« Nous avons tous des pulsions, elles sont essentielles, mais qu’est-ce qui pousse certains à agir ? C’est là qu’interviennent les facteurs de risque, facteurs liés au contexte environnemental ou social, à la consommation de substances toxiques mais aussi facteurs liés à l’éducation et notamment les traumatismes vécus durant l’enfance”, ajoute Nathalie Sierra-Scroccaro, psychologue et auteure du livre. Violences sexuelles : approches cliniques et thérapeutiques.
Pour Me Carine Durrieu-Diebolt, qui soutient de nombreuses victimes de violences sexuelles, les déclarations de ces prévenus qui se disent victimes doivent être prises avec prudence. « Cela peut aussi être une stratégie de défense pour minimiser la gravité des faits, réduire la peine et tenter d’apporter une explication », estime l’avocat pénaliste.
Là où se retrouvent tous les accusés, c’est la responsabilité de Dominique Pelicot, présenté par tous comme le chef d’orchestre. A l’exception d’un ou deux de ces hommes, tous affirment ne pas avoir été informés que Gisèle Pelicot serait droguée lors de leur venue. Tous estiment avoir été manipulés et n’étaient pas conscients de l’état d’inconscience de la victime. “Si on n’a pas toutes les informations, cela peut avoir un impact sur votre compréhension de la situation”, estime le psychologue Laurent Chaïb, évoquant des “biais cognitifs” et faisant référence à “des raisonnements qui peuvent paraître crédibles”.
Cette version est cependant contredite par Dominique Pelicot, revenu à quai vendredi après avoir été hospitalisé, a assuré pour chacun de ces 50 hommes avoir parfaitement conscience qu’il s’agissait d’un viol. Elle est également mise à mal par les vidéos, dont seront diffusées celles des sept accusés jugés cette semaine.