Question dont on n’a pas fini de débattre en attendant de savoir, début 2025, si les juges suivront les procureurs qui, dans le cas des assistants FN rémunérés par le Parlement européen, ont exigé 5 ans d’inéligibilité immédiate contre Marine Le Pen. .
Au fond, vue du RN, la question est simple : les juges se considèrent-ils au-dessus du peuple ? Une poignée de magistrats pourrait-elle faire obstacle à la volonté générale, priver des millions d’électeurs de leur candidat, comme l’a dit Marine Le Pen, « en mettant à mal la démocratie », selon Jordan Bardella, « le gouvernement des juges », pour Éric Zemmour ?
A ces critiques, le procureur a répondu par avance dans son réquisitoire : « Oui, la décision judiciaire est légitime pour produire ses effets sur la vie démocratique, légitime, parce que ce rôle lui a été imposé par le législateur. En d’autres termes, les juges doivent appliquer la loi comme le souhaitent les politiques, précisément pour punir de tels abus.
De quoi parle-t-on ? Des deux scandales qui ont entaché le quinquennat de Hollande. 2013, affaire Cahuzac, ministre du Budget condamné pour fraude fiscale, une première loi crée la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
2014, toujours avec l’affaire Thévenoud, bref secrétaire d’État qui invoque la phobie administrative pour justifier ses impayés d’impôts et de loyers, François Hollande demande alors au haut magistrat Jean-Louis Nadal un rapport et des suggestions sur l’exemplarité politique. Proposition numéro 18 : les priver de mandat, les rendre inéligibles. L’idée ne tombe pas du ciel, elle est populaire. Un sondage nous apprend que 85 % des Français sont favorables à l’inéligibilité définitive des élus reconnus coupables de détournement de fonds.
La loi de 2016 n’ira pas aussi loin, elle fait de l’inéligibilité une peine complémentaire obligatoire en cas d’atteinte à l’intégrité, c’est celle qui pourrait s’appliquer à Marine Le Pen et aux autres prévenus. Mais cette loi a été presque renforcée. C’était l’une des promesses du candidat Macron en 2017 : interdire à tous ceux qui ont un casier judiciaire, bulletin numéro 2, de se présenter à une élection simple et radicale.
La mesure avait déjà été votée par l’Assemblée dans le cadre d’une proposition socialiste en février 2017. Je relis les débats, c’est passionnant, pas la moindre voix dissonante, à gauche, à droite, au centre, sur tous les bancs, c’est une évidence : pas de casier vierge, pas de mandat électif, alors que près de 400 professions sont soumises à cette exigence, des chauffeurs de taxi aux agents immobiliers.
Loi adoptée à l’unanimité, ce qui n’est pas anodin, mais réforme finalement abandonnée en raison d’un risque d’inconstitutionnalité. Nous sommes restés avec une inéligibilité obligatoire.
A noter, parmi les plus fervents défenseurs du bilan vierge, Nicolas Dupont-Aignan qui, en soutien à Marine Le Pen, a affirmé hier soir que « les juges voulaient museler les Français ».
En réalité, comme le montre l’histoire, cette loi n’a pas été faite contre le RN, parti qui milite également contre le laxisme des juges et pour le retour des peines minimales. Elle s’applique à tous et la force d’une démocratie se mesure à sa capacité à faire respecter ses principes.