Comme vous le savez, le gouvernement du Québec cherche avec impatience à effacer son déficit de 11 milliards de dollars. Il a également imposé un gel des embauches et surveille toute nouvelle dépense budgétaire.
Pour sortir de cette situation, le ministre des Finances, Éric Girard, a aussi clairement indiqué son intention de pêcher dans un lac fertile, celui des mesures fiscales.
Le ministre pourrait toutefois récolter 1,2 milliard sans trop de peine en modernisant cinq mesures et dépenses fiscales, selon une analyse de la Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke (CFFP).
L’avantage de l’assainissement des dépenses fiscales est qu’il n’implique pas de licenciements dans l’appareil gouvernemental (service public, santé, éducation), comme c’est le cas pour les coupes budgétaires. Elle touche cependant le portefeuille de certains contribuables, particuliers et entreprises, souvent les plus riches.
Au total, le gouvernement québécois dispose d’un arsenal de 312 dépenses fiscales pour une somme de 74 milliards (en comparaison, les dépenses budgétaires sont de quelque 136 milliards).
Ceci dit, attention, plusieurs de ces mesures sont très pertinentes et leur existence n’est pas remise en question, que ce soit l’abattement personnel de base accordé à tous les contribuables sur leurs impôts (14,7 milliards), les déductions pour les REER et les régimes de retraite (14,2 milliards de dollars). milliards de dollars), des mesures récemment révisées (6,9 milliards de dollars) et une série d’autres.
Au final, il reste une centaine de dépenses fiscales totalisant 15,2 milliards qui mériteraient d’être optimisées ou complètement supprimées, estiment les chercheurs du CFFP, composés notamment de Luc Godbout, Suzy St-Cerny et Michaël Robert-Angers.
Et selon leur impressionnant travail, le gouvernement du Québec pourrait économiser près de 1,2 milliard de dollars en ciblant seulement cinq mesures.
Certains diront que c’est peu, 1,2 milliard, sur un déficit de 11 milliards. C’est oublier qu’une partie du déficit sera réduite avec la croissance économique et que le déficit structurel qu’il faut réellement réduire est de l’ordre de 5 milliards.
Crédit pour les travailleurs âgés
Premier objectif donc : le crédit d’impôt pour prolongation de carrière, qui coûte 400 millions. Ce crédit versé aux travailleurs de 60 ans et plus existe depuis plusieurs années, mais son efficacité est contestée1.
Surtout, l’âge moyen de la retraite au Québec a augmenté considérablement au cours de la dernière décennie, passant de 61,5 ans à 64,7 ans, atteignant presque la moyenne canadienne (65,1 ans).
Les chercheurs ne supprimeraient pas ce crédit, compte tenu de l’importance cruciale du travail des personnes âgées dans le contexte du vieillissement de la population. Ils augmenteraient plutôt l’admissibilité à 65 ans et plus, au lieu de 60 ans, l’amélioreraient et la recentreraient vers la classe moyenne (revenu maximum de 80 000 $ pour en bénéficier).
Bref, un travailleur âgé de 66 ans, disons, qui recevrait 50 000 $ de revenu imposable, dont 20 000 $ pour son travail, économiserait 1 750 $ d’impôts grâce à cette suggestion, au lieu de 1 540 $. Les moins de 65 ans perdraient cet avantage.
Économie nette : 236 millions.
Mes antennes me disent que cela sera discuté lors de la mise à jour budgétaire du 21 novembre.
Allocation familiale
Deuxième proposition : la modernisation des allocations familiales. Actuellement, toutes les familles reçoivent une allocation minimale, même les millionnaires. Et cette allocation est exonérée d’impôt.
Les chercheurs proposent différents scénarios, dont l’un consiste à supprimer le montant minimum et à réduire progressivement l’aide aux familles les plus aisées. L’aide disparaîtrait pour un couple avec deux enfants qui gagne plus de 224 000 $.
Leur changement ferait des gagnants. Ainsi, l’allocation pour une famille de deux enfants ayant un revenu de 90 000 $ passerait de 4 702 $ à 4 845 $ selon une de leurs suggestions, soit un gain de 143 $. Il y aurait également des gains pour une famille ayant un revenu de 150 000 $.
Par exemple, pour être perdante, une famille de deux enfants aurait besoin d’un revenu de 175 000 $, l’allocation passant de 2 326 $ à 1 896 $.
Économies possibles : 189 millions.
Déduction pour les travailleurs
Troisième cible : la déduction pour travailleur. Cette déduction est destinée à compenser les dépenses inhérentes au travail (habillement, transport, etc.). Les chercheurs transformeraient cette déduction en crédits d’impôt, comme au niveau fédéral.
Ce changement n’affecterait pas ou très peu les revenus faibles et moyens, et un peu sur les revenus élevés (plus de 98 540 $). Par exemple, un contribuable ayant un revenu de 120 000 $ n’aurait plus 318 $ d’économies en moyenne, mais 180 $, soit une perte de 137 $.
Économies possibles : 230 millions.
Déduction pour revenus de placements
Quatrième proposition : la transformation de la déduction pour revenus de placements. Cette déduction concerne les contribuables qui dépensent pour gagner des revenus de placements. Les chercheurs transformeraient cette déduction en crédit d’impôt (de 14 %).
Encore une fois, ce sont ceux qui ont les revenus les plus élevés qui seraient les plus touchés. Par exemple, pour un contribuable qui gagne plus de 119 910 $, le gain annuel moyen passerait de 1 370 $ à 746 $.
Économies envisagées pour le gouvernement : 135 millions.
Taxe PME
Cinquième objectif : le déduction accordée aux petites entreprises ou DPE, dont la facture atteint 984 millions en 2024. Il s’agit du taux d’imposition réduit accordé aux PME2critiquée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) car elle nuirait à la productivité.
Actuellement, le taux est de 3,2 % pour la tranche de revenu imposable inférieure à 500 000 $. Le taux grimpe brusquement à 11,5 % pour les revenus supérieurs à 500 000 $. Ce changement soudain incite certaines entreprises à user d’astuces pour répartir leurs revenus imposables entre différentes sociétés afin de payer moins d’impôts.
Le CFFP suggère d’abaisser le seuil à 200 000 $ et d’augmenter progressivement le taux de 3,2 % à 11,5 % entre 200 000 $ et 500 000 $ de revenu imposable.
Économie possible : 400 millions, sous réserve de certains autres aménagements techniques.
Bref, en ciblant certaines mesures fiscales coûteuses, le gouvernement parviendrait à économiser 1,2 milliard sans trop de peine. Pas si mal quand même3…
1. Consultez une étude sur le crédit d’impôt pour prolongation de carrière
2. La mesure s’applique aux PME disposant d’un capital allant jusqu’à 50 millions, mais les PME qui maximisent l’effet de la mesure sont celles qui disposent d’un capital de 10 millions.
3. Les chercheurs proposent également de retirer un certain avantage aux cotisants aisés au Régime enregistré d’épargne-études (économie de 30 millions), voire de moderniser les avantages liés aux fonds des travailleurs (gain de 30 millions).