Un psychiatre refuse de considérer les accusés comme des « agresseurs sexuels »

Un psychiatre refuse de considérer les accusés comme des « agresseurs sexuels »
Un psychiatre refuse de considérer les accusés comme des « agresseurs sexuels »

Au tribunal correctionnel du Vaucluse,

A la barre du tribunal correctionnel du Vaucluse, le psychiatre répète invariablement son analyse : aucun des sept hommes qu’il a évalués ne peut être considéré comme un « agresseur sexuel ». Le Dr Philippe Darbourg n’a pas non plus observé parmi eux de « troubles psychopathologiques » ou de « tendances sexuelles déviantes ».

Bien entendu, ce médecin de 75 ans, avec cinquante ans de carrière, n’ignore pas que tous ont été filmés alors qu’ils avaient des relations sexuelles avec Gisèle Pelicot alors qu’elle était sous sédatifs à son insu. L’un d’eux lui a raconté qu’il s’était rendu six fois à Mazan et qu’il avait envisagé de reproduire les faits concernant sa mère. Lors de l’audience de ce mercredi, le médecin a appris que deux autres hommes étaient poursuivis pour détention d’images d’abus sur enfants. Des éléments qui ne sont toutefois pas de nature à modifier son analyse. «Il y a un contraste entre votre position et l’image du pénis dans la bouche de Mme Pelicot inconsciente», réprimande Me Stéphane Babonneau, qui défend la victime.

« Éléments de pronostic positif »

Comment expliquer de telles conclusions quant au profil ou au positionnement de certains accusés ? Prenons Nicolas F. Ce journaliste de 42 ans est allé aux Pélicots en 2018. Aux commandes, cet Avignonnais à la peau foncée, lunettes carrées posées sur le nez, chauve, a expliqué qu’il cherchait à vivre de nouvelles « expériences » après une rupture. L’expert n’a relevé aucune « bizarrerie » ni « dangerosité ». « Il n’y a pas de déséquilibre psychologique avéré, d’éventuels troubles… Ce sont des éléments de pronostic positif », souligne-t-il, les mains posées sur le bureau, le dos légèrement cambré.

Qu’en est-il des images pédocriminelles, zoophiles ou sadomasochistes retrouvées sur l’ordinateur de l’accusé (qu’il nie avoir téléchargé) ? « Cela pourrait-il changer vos observations ? », demande le président du tribunal, Roger Arata. “Cela confirme la notion de sexualité incertaine avec un comportement exploratoire quelque peu malsain”, répond l’expert mais maintient qu’il ne voit pas de signes cliniques suggérant que l’homme serait un “agresseur sexuel”. « Dans une expertise de cette nature, notre rôle est de préciser un risque de récidive. Il s’agit donc en quelque sorte de différencier un agresseur sexuel par circonstance et par habitude», insiste le Dr Darbourg.

« Six fois, n’est-ce pas récurrent ? » »

Mais où s’arrêtent les circonstances pour prendre cette habitude ? Charly A. est le plus jeune accusé de la semaine. La première fois que ce petit cariste – cheveux bruns coupés en rond, moustache et collier de barbe fine – s’est rendu chez les Pélicots, c’était en 2016. Il avait alors 21 ans. Il y est revenu cinq fois jusqu’en juin 2020. « Six fois, n’est-ce pas récurrent ? », demande Me Babonneau. « Six fois avec la même personne, dans des conditions bien particulières », évacue l’expert, comme si cela atténuait l’aspect de sérialité. « Ce n’est pas quelqu’un qui me semble rechercher systématiquement les situations d’agression sexuelle », poursuit-il.

Pressé par l’avocat de Gisèle Pelicot, le Dr Darbourg reconnaît qu’il aurait peut-être mieux valu utiliser le terme « prédateur » plutôt que « agresseur » mais ne revient pas sur son analyse qui donne le sentiment d’être très datée. « N’est-ce pas la définition d’un agresseur qui mérite d’être revue en 2024 ? », soutient Me Babonneau. L’expert persiste, affirmant avec fermeté que même une condamnation ne l’obligerait pas à s’embarrasser d’un avis sur la notion d’« agresseur ».

Après l’avoir écouté pendant près de deux heures, impossible de se débarrasser de cette question : comment l’affaire aurait-elle évolué sans ces vidéos accablantes ? Dans les cas classiques de violences sexuelles, on assiste souvent à des « paroles contre paroles ». Pourtant, avec une telle analyse, les propos de la victime auraient-ils eu le même poids ?

 
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