Robin des Bois 2.0 contre les « nés de nouveau » de la classe moyenne

Robin des Bois 2.0 contre les « nés de nouveau » de la classe moyenne
Robin des Bois 2.0 contre les « nés de nouveau » de la classe moyenne

Le gain en capital est la différence entre le prix de vente et le prix d’achat d’un bien, par exemple un chalet, un bien locatif ou des actions. Dans le dernier budget, Ottawa a annoncé que le taux d’inclusion, ou la partie du gain considérée comme imposable, passerait de 50 % à 66,67 % au-delà de 250 000 $.

Prenons l’exemple d’un chalet acheté 100 000 $ et revendu 500 000 $, pour un gain de 400 000 $. Actuellement, la moitié (200 000 $) sera ajoutée au revenu du propriétaire et imposée en conséquence. Avec la réforme, 225 000 $ s’ajouteront à son revenu, soit 50 % des premiers 250 000 $ (125 000 $) et 66,67 % des 150 000 $ restants (100 000 $). Cela représente une taxe supplémentaire d’environ 13 000 $.

Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur. (Adrian Wyld/Archives, La Presse Canadienne)

Le gouvernement a isolé cet aspect du budget dans un projet de loi, afin de forcer les conservateurs à s’impliquer. Autrement, ils auraient pu prétendre avoir voté contre le budget dans son ensemble, mais pas forcément contre cette mesure. Les conservateurs ont été les seuls à voter contre. Attention, le Bloc Québécois n’est pas sûr d’aimer la réforme. Il se réserve le droit de changer d’avis après avoir entendu les experts. Il souhaiterait protéger les petits épargnants en instaurant plutôt une exonération plus élevée, mais utilisable une seule fois à vie.

Justin Trudeau insiste sur le fait que le Parti conservateur fait comme en 2015, lorsqu’il s’était opposé à une augmentation d’impôt de 1 %. “Aujourd’hui, il se retrouve dans la même situation, défendant des allocations pour les plus riches de ce pays, alors que nous demandons un peu plus pour aider au logement des jeunes, pour aider les seniors en matière de soins dentaires et pour bien d’autres choses.”

Pierre Poilievre rétorque que c’est aussi au nom des plus démunis qu’il s’oppose à la réforme. « Une taxe sur les médecins, quand on manque de médecins, ça veut dire encore moins de médecins. Une taxe sur les agriculteurs signifie une nourriture plus chère.»

Pourquoi dit-il ça ? Car les entreprises agricoles sont soumises à cette taxe (bien qu’elles bénéficient d’une exonération à sept chiffres).

Et les médecins ? Dans les années 2000, les gouvernements leur ont accordé le privilège de se constituer en société afin de compenser une rémunération jugée insuffisante. Plus de la moitié des médecins canadiens l’ont fait. C’était une grave erreur.

Les médecins peuvent laisser une partie de leurs revenus dans leur société, qui est ensuite imposée à un taux d’entreprise inférieur, et accumuler des revenus d’intérêts sur ces impôts impayés. Leur entreprise devient une sorte de super REER auquel les autres travailleurs n’ont pas droit. C’est lorsque le médecin liquidera sa société, lors de sa retraite par exemple, qu’il sera rattrapé par la réforme.

M. Poilievre exploite la situation pour renforcer sa nouvelle image de politicien populaire soucieux des personnes à faible revenu en ces temps économiques difficiles. Mais même lorsque l’économie était en plein essor, il disait les mêmes choses. En 1999, à l’âge de 20 ans, il plaide en faveur de la suppression totale de l’impôt sur les plus-values ​​lors d’un concours de rédaction. “Je libérerais l’aigle de sa cage”, a-t-il écrit, selon ce que rapporte Andrew Lawton dans la biographie du leader qu’il vient de publier. Il a même organisé une tournée pro-abolition en tant que stagiaire de Jason Kenney.

En 2017, lorsque les libéraux ont augmenté les impôts des sociétés professionnelles, M. Poilievre s’y est opposé. Avec les mêmes arguments. « Ce sera plus difficile de trouver un médecin. […] Les médecins croient qu’ils seront obligés de fermer leur cabinet et, chaque fois que cela se produira, le député libéral local devra expliquer aux citoyens pourquoi ils ont un médecin de moins.

Poilievre répond

Pierre Poilievre n’entend pas rester sur la défensive dans ce dossier. Il promet de mettre en place, dans les 60 premiers jours d’un éventuel mandat, un groupe de travail pour réformer la fiscalité. Il souhaite des impôts plus bas, « plus justes » (en s’attaquant aux paradis fiscaux) et plus simples « avec 20 % de paperasse en moins ».

Qui gagnera la bataille pour l’opinion publique ? Robin des Bois 2.0 ou classe moyenne née de nouveau ?

Les libéraux tentent de rejouer le film de 2015, mais les choses ont changé depuis. En 2015, ils avaient promis trois déficits totalisant 25 milliards. Neuf déficits et 587 milliards de dollars plus tard, les électeurs commencent à remettre en question cette prodigalité.

Le taux d’inclusion des gains en capital a été sujet à des variations au fil du temps. Établi en 1972 à 50 %, il a été porté à 66,67 % et 75 % par Brian Mulroney, puis réduit à 50 % par les libéraux de Jean Chrétien une fois le budget équilibré. Cela montre que la fixation du taux dépend moins de la couleur des gouvernements que de la couleur de l’encre avec laquelle ils rédigent leur budget. Mulroney était dans le rouge à l’époque, tout comme Justin Trudeau l’est aujourd’hui. Les besoins justifient les moyens.

Ingérence étrangère

Sur un tout autre front, Pierre Poilievre refuse toujours de demander son habilitation de sécurité qui lui a permis de consulter les documents secrets à l’origine du rapport explosif affirmant que des parlementaires collaborent sciemment avec des États étrangers. Jagmeet Singh l’a fait, Elizabeth May aussi et après avoir longtemps refusé, Yves-François Blanchet le fera aussi.

Cela devient d’autant plus intéressant que le chef du Parti vert, après avoir lu les documents, a estimé que leur portée avait été exagérée. M. Singh dit le contraire et laisse entendre que Pierre Poilivre préfère le déni parce que la course à la direction qui l’a élu a fait l’objet d’ingérence.

Le lien? À l’approche de la date limite des élections, les attentes à l’égard du leader augmentent. Ses rivaux cherchent à le pousser au-delà de ses slogans. Avec les gains en capital, Justin Trudeau établit un contraste clair qui rend possibles certaines attaques. On verra d’ici la fin de l’été si cela suffit à redresser son navire.

 
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