le respect des policiers est facultatif

Dans le cadre d’une série de rapports sur la santé mentale des policiers, Le journal s’est entretenu avec des dizaines d’experts et d’agents en plus d’examiner plusieurs dizaines de documents, dont une quarantaine de demandes d’accès à l’information. Un constat se dégage : il n’a jamais été aussi difficile d’être policier.

On exige beaucoup de la police : elle doit être courtoise, mais ferme, attentionnée, mais autoritaire, souriante, mais pas trop. De retour d’une nuit passée avec eux au cœur du Plateau-Mont-Royal, je suis forcé d’admettre que le respect est loin d’être dans les deux sens.

Ces dernières semaines, j’ai été invité dans une voiture de patrouille avec l’agent Alexandre Fillion, qui patrouille dans le secteur du commissariat de quartier 38. Bien que je me sois spécialisé dans les affaires policières depuis près d’une décennie à Journal de MontréalJ’ai été très surpris de voir à quel point les gens ne respectent pas la police.

L’agent Fillion, qui assume des fonctions supérieures ce soir-là, est chargé de communiquer les informations nécessaires aux enquêteurs de nuit de son secteur.

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

J’ai grandi dans une famille où les forces de l’ordre étaient très appréciées. Quand j’étais petite, en vacances, mon père me disait d’aller demander de l’aide à un « gentleman en uniforme » si je m’égarais. Mais aujourd’hui, il semble que ce ne soit pas le cas de tout le monde… pour diverses raisons.

23h, un piéton percuté

Nous nous sommes rendus en urgence à l’angle du boulevard Saint-Joseph Est et de la rue Berri pour un piéton qui venait d’être grièvement percuté par un automobiliste. Au moins, nous essayons d’y arriver.

Malgré les gyrophares et les sirènes, les automobilistes autour de nous ne se sont pas arrêtés. L’agent Fillion doit activer manuellement le « klaxon électronique » pour enfin réussir à se frayer un chemin. Arrivés sur les lieux, les patrouilleurs descendent rapidement de leur voiture de patrouille et se précipitent pour détourner la circulation en attendant qu’une scène de crime soit établie.

Les policiers sont intervenus sur les lieux d’un accident survenu à l’angle du boulevard Saint-Joseph Est et de la rue Berri, où un piéton a été grièvement heurté.

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

Même s’ils se trouvent au milieu des artères, les deux bras croisés, certains conducteurs tentent tout de même de prendre la route en passant à quelques centimètres d’eux.

Et je vous épargne tous les piétons qui ont littéralement soulevé le ruban de sécurité pour entrer sur la scène du crime « parce qu’ils habitent juste à côté ».

23h30, un aîné disparaît

Deux policières viennent voir l’agent Fillion, qui exerce les fonctions de sergent-chef ce soir-là. Ils sont sur un autre appel : la disparition d’une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il n’a ni téléphone portable, ni portefeuille, ni amis, ni habitudes particulières. L’un des pires scénarios possibles, estime l’agent Fillion.

“On va le retrouver, notre petit bonhomme !”, répond l’un d’eux avec motivation.


Les deux policiers commencent leur quart de travail avec la disparition d’un aîné atteint de la maladie d’Alzheimer. Elle « briefe » l’agent Fillion, qui assume les fonctions de sergent-chef ce soir-là, afin qu’il puisse assurer la liaison avec les enquêteurs de nuit.

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

1h15, une femme en crise bloque la rue

On quitte la scène pour aller porter secours à une jeune femme en détresse assise en pleine rue Drolet. Quand nous sommes arrivés, elle a crié et a refusé de bouger. Elle prétend ne pas reconnaître ses amis. À un moment donné, près d’une dizaine de policiers l’entouraient.


L'agent Alexandre Fillion est policier depuis 11 ans.

Une jeune femme au sol et en crise provoque un important déploiement policier. Ils font preuve de beaucoup de patience pour qu’elle quitte les lieux sereinement et de son plein gré.

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

Faisant preuve d’une immense patience et d’une grande gentillesse et sans jamais mettre le doigt sur elle, ils tentent de la convaincre de se lever et de demander son aide. Elle refuse et les insulte. Grâce à son compagnon, appelé en renfort par les agents, elle finit par se relever et quitte les lieux en pleurant.


L'agent Alexandre Fillion est policier depuis 11 ans.

La jeune femme en crise accepte finalement de quitter les lieux avec son compagnon, appelé à l’aide par les agents.

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

2 heures, l’aîné est localisé

Bonne nouvelle, les deux policiers viennent de retrouver l’homme disparu atteint de la maladie d’Alzheimer. Mais personne n’a le temps de se réjouir, un nouvel appel arrive sur les ondes.

Une dispute entre un père et sa fille avec en toile de fond une histoire d’inceste va occuper la police pour le reste de la nuit.


L'agent Alexandre Fillion est policier depuis 11 ans.

L’agent Fillion (à droite) et son collègue arrêtent un homme pour ce qui semble être un cas d’agression sexuelle.

Photo Agence QMI, Joël LEMAY

Et quiconque entre pour recueillir le témoignage de la jeune femme est assuré de ne pas terminer son travail à temps.

« Une fois que ça commence, on ne peut pas envoyer quelqu’un d’autre et briser le lien de confiance, ça n’arrive pas », explique l’agent Fillion.

En route vers le prochain appel, alors qu’il s’arrête à un feu rouge, un passant se moque de la « vieille caravane » que conduit Alexandre Fillion et lui fait le doigt.

Alors, quels que soient la patience et le dévouement de nos policiers, cela ne suffira jamais.

 
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