Qui aurait cru que la gestion de l’offre deviendrait un sujet politique ? À l’heure où le gouvernement Trump s’apprête à bousculer les règles qui régissent la relation commerciale avec notre voisin du Sud, le Parlement fédéral doit démontrer avec fermeté les principes qui lui sont chers. Pour de nombreux agriculteurs québécois, l’avenir économique de leur entreprise en dépend.
Comme bien d’autres projets des députés de l’opposition, le projet de loi C-282 était inconnu du grand public jusqu’à ce qu’il devienne, plus tôt cet automne, l’une des deux revendications du Bloc québécois pour assurer son appui au gouvernement Trudeau. Ce texte législatif vise à interdire les négociations commerciales qui affaiblissent les systèmes de gestion de l’offre en vigueur dans des secteurs comme les produits laitiers, les œufs et la volaille. À ce jour, le projet de loi n’a pas encore été adopté par le Sénat.
Même si le Bloc veut maintenant faire tomber le gouvernement Trudeau, son projet de loi sur la gestion de l’offre est toujours à l’étude. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international du Sénat vient de l’amender afin d’en réduire la portée déjà très modeste. Ce tollé au Sénat devrait bientôt conduire à un retour à la case départ du projet de loi. La Chambre des communes devra à nouveau trancher, dans un contexte préélectoral au Canada et postélectoral aux États-Unis.
Un signal au gouvernement Trump
Au lendemain des élections américaines, le vote des parlementaires fédéraux sur le projet de loi C-282 sera symbolique. Les intentions du gouvernement Trump sont bien connues à ce sujet : il souhaite que le Canada renonce à cette forme de protectionnisme que constitue la gestion de l’offre.
À la veille de nouvelles négociations commerciales avec les États-Unis, le projet de loi C-282 représente un signal explicite de la fermeté des intentions du Canada.
De deux choses l’une : soit les parlementaires affirment leur attachement à la gestion de l’offre en adoptant le projet de loi du Bloc, soit ils le rejettent et indiquent au gouvernement américain que le Canada est déjà prêt à abandonner, et ce, avant même le début des négociations.
Protection relative
Le projet de loi C-282 vise avant tout à renforcer la position des négociateurs canadiens. Malgré le libellé, son adoption n’empêche pas une remise en question ultérieure de la gestion de l’offre.
Certes, cela interdit au gouvernement de modifier les règles actuelles. Toutefois, un futur gouvernement pourrait toujours demander au Parlement fédéral de lever cet obstacle juridique. Cette loi ne fige donc pas la politique canadienne, mais elle oblige un gouvernement qui voudrait rouvrir ce débat à le faire de manière plus transparente et démocratique en exigeant, au préalable, le consentement des parlementaires.
Augmenter notre rapport de force
Indirectement, le projet de loi C-282 offre au gouvernement une justification supplémentaire dans les négociations commerciales pour résister aux pressions du partenaire américain. Pressés par les États-Unis d’abandonner la gestion de l’offre, les négociateurs canadiens pourront alors rappeler à leurs homologues qu’il existe une contrainte juridique qui les en empêche.
Cette contrainte peut s’avérer particulièrement pertinente, notamment pour un gouvernement qui voudrait préserver la gestion de l’offre, mais qui manque d’arguments pour appuyer cette position dans la dernière ligne droite d’une négociation intense.
Évidemment, le projet de loi C-282 n’est pas une solution sans faille. Ses effets ne doivent être ni sous-estimés ni surestimés. Mais le prochain vote à la Chambre des communes, provoqué par les amendements du Sénat, constituera un signal important pour le partenaire commercial américain.
Faire des concessions – avant même le début des négociations – semble probablement être la pire stratégie pour préserver l’équilibre des pouvoirs du Canada. En envoyant le message « cela ne nous plaît pas tellement… », les députés et sénateurs qui souhaitent amender ou rejeter le projet de loi C-282 obligent les négociateurs canadiens à révéler aux Américains les quelques cartes qu’ils ont en main. jeu.
Dans cette longue partie de poker qui s’annonce, le Canada n’a pas les moyens d’afficher le moindre doute sur sa détermination. Certes, le vote sur le projet de loi C-282 l’oblige à dévoiler une de ces cartes, mais espérons qu’il en révélera une suffisamment forte pour dissuader le partenaire américain de hausser sa mise et de mettre le Canada au pied de la table. mur.
Qu’est-ce que la gestion de l’offre ?
Le système de gestion de l’offre consiste à gérer la production d’un produit agricole de manière à ce qu’il corresponde aux besoins du marché. Ce système permet de stabiliser les prix, tout en assurant un approvisionnement régulier aux consommateurs. Dans le pays, la gestion de l’offre concerne notamment la production de lait, de produits laitiers et d’œufs. Pour que la gestion de l’offre fonctionne, il faut contrôler les importations, ce qui déplaît aux producteurs américains qui souhaiteraient avoir un plus grand accès au marché canadien dans un contexte de libre-échange.
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