«J’ai juste eu le temps de couper les filets»

C’est un accident qui aurait pu avoir une issue dramatique. Florian Besagny, pêcheur aux Sables-d’Olonne, ne peut plus qu’y penser lorsqu’il prend le large à bord de son navire, le Blondi, un pêcheur au filet de près de 12 mètres.

Le 15 septembre 2023, son bateau de pêche est heurté par Fort Boyard, un bateau dragueur de mer de 41 mètres de long. Un colosse.

L’accident s’est produit au petit matin vers 6h30, au large des Sables-d’Olonne. « Nous étions trois hommes à bord, en train de pêcher. Le bateau avait ses phares de pêche allumés », se souvient Florian Besagny, qui se souvienteut peur au moment où Fort Boyard surgit :

« Quand je l’ai vu arriver, je n’ai plus eu le temps de manœuvrer. J’ai juste réussi à couper les filets pour qu’on ne se laisse pas entraîner. »

Le mastodonte a heurté le Blondi sur sa poupe tribord. Le chalutier a été gravement endommagé. Son antenne étant endommagée, Florian Besagny a réussi à contacter le Cross Etel (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) via un autre bateau de pêche évoluant dans la zone.

La SNSM arrive sur place et intervient à bord avec une motopompe avant de ramener le chalutier au port des Sables-d’Olonne. Aucun blessé grave à signaler. Florian Besagny a cependant perdu une grande partie de la mobilité d’un petit doigt. Mais pour le pêcheur, les plus gros dégâts sont ailleurs et cet accident allait surtout marquer leLe début d’un long combat.

Un énorme préjudice

LLes dégâts subis par les Blondi sont considérables. Pendant le temps de l’expertise, de la deuxième expertise et des réparations, le bateau est resté à quai pendant quatre longs mois. Quatre mois de chômage pour les marins. Quatre mois de perte d’exploitation pour Florian Besagny. « Les quatre mois où l’activité est normalement la plus importante. Heureusement, nous avions une trésorerie suffisante pour faire face, car il fallait continuer à payer nos dépenses », calculent Florian et son épouse Stéphanie.

« D’autres pêcheurs, dont la trésorerie est plus fragile, ne s’en seraient probablement pas remis. »

Mais le couple s’est d’abord voulu confiant, toutes les parties semblant alors conciliantes.

Le rapport de mer établi par le capitaine du Fort Boyard évoque un angle mort qce qui nous aurait empêché de voir le Blondi à temps. Pour le pêcheur, cela aurait dû inciter l’équipage de la drague à redoubler de vigilance dans une zone maritime très fréquentée proche des côtes. Florian Besagny a également déposé plainte auprès de la gendarmerie maritime pour manquement aux règles de navigation. Tout semble donc plaider en faveur de l’équipage du Blondi.

« Jusqu’à ce que l’expert adverse refuse de signer le rapport. Là, on a compris qu’il y avait un problème. »

Quelles responsabilités ?

Le pêcheur allait être confronté à un autre poids lourd que le Fort-Boyard : son propriétaire, qui n’est autre que le conseil départemental de Charente-Maritime. Pour ces derniers, la responsabilité doit être partagée.

Dans un courrier rédigé par son assureur, l’armateur estime que le Blondi aurait dû effectuer une manœuvre de dernier recours et émettre des signaux d’avertissement. « Ce qui était impossible. On pêchait», rappelle les Sablais qui refusent le partage des responsabilités 50/50 demandé par le Conseil départemental.

L’enjeu est financier : le préjudice est encore estimé à 200 000 €, une somme modeste pour les finances d’un département, mais plus que considérable pour une petite entreprise de pêche. Le conflit pourrait donc bien être résolu devant les tribunaux.

Interrogé, le Conseil départemental de Charente-Maritime estime que cette « malheureuse collision » est « un événement regrettable. Des expertises ont été commandées par les compagnies d’assurance des deux parties pour clarifier les responsabilités. Le dossier est entre les mains des compagnies d’assurance pour le calcul de l’indemnisation. »

Mais pour le pêcheur, c’est aussi une question de principe, parce qu’il croit qu’il est dans son droit. Et ce principe dépasse le seul cadre de sa situation. Si la balle est dans le camp des assureurs dans cette affaire, ces derniers poseraient également un problèmepas question de sécurité et de partage de l’espace maritime.

« Respectez les pêcheurs »

Florian Besagny évoque ainsi un autre accident, survenu récemment, qui l’a incité à sortir de son silence. En avril dernier, le Cayola, un autre chalutier des Sables-d’Olonne, avait été heurté de plein fouet par un cargo au large de La Rochelle. Ce dernier ne s’est même pas arrêté. Aucun blessé à signaler mais là aussi, une immense frayeur pour les pêcheurs et des dégâts considérables. Autre illustration, selon Florian Besagny, du manque de considération envers les pêcheurs de la part des équipages des navires de plusieurs dizaines de tonnes.

« Il est temps de respecter les pêcheurs. Notre métier est déjà assez dangereux. Les grands navires, comme les dragues et les cargos, doivent se rappeler qu’ils ne sont pas seuls en mer. »

Depuis l’accident, Florian Besagny avoue ressentir un grand stress lorsqu’il repart au large. « Je ne suis plus en paix. Je fais chaque quart de travail. » Trop conscient maintenant de la fragilité d’un bateau comme le sien.

Le Blondi ne pesait pas grand-chose comparé à un colosse de 40 mètres comme le Fort Boyard.

« C’est comme si un camion heurtait une voiture sans permis sur la bande d’urgence ! » »

Face à de tels mastodontes, les chalutiers, mais aussi les bateaux de plaisance, seraient totalement impuissants. Le pêcheur appelle donc à plus de prudence et espère que son récit y contribuera.

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