Flânerie place Versailles avec son petit roi, Jean-Sébastien Girard

Flânerie place Versailles avec son petit roi, Jean-Sébastien Girard
Flânerie place Versailles avec son petit roi, Jean-Sébastien Girard

Dès que le projet de transformation de la Place Versailles en quartier résidentiel a été dévoilé cette semaine, Jean-Sébastien Girard a publié un message sur un réseau social pour expliquer à quel point le centre commercial de l’est de Montréal représentait quelque chose de central pour lui. Il a parlé franchement de son « QG », et probablement des dizaines de milliers de Montréalais qui sont là depuis 60 ans pourraient dire la même chose.

L’animateur de Radio-Canada y passait les week-ends étant enfant avec sa grand-mère, puis seul, adolescent, dans les années 1990. « La Place hébergeait un cinéma que je fréquentais assidûment », écrit-il. . Et un HMV où je faisais la queue pour acheter un exemplaire de Tomber en toi », le disque de Céline Dion.

Il n’y a donc pas de meilleur endroit que ce « vieux quadragénaire » (il fêtera ses 49 ans).e anniversaire le 24 juin) pour expliquer concrètement et sans malice les relations existentielles avec le centre commercial dans le Québec contemporain. Dans une société d’hyperconsommation, c’est bien le temple de toutes les dévotions, le concentré de l’époque égal en force symbolique à la restauration rapide et à l’automobile, deux autres objets mythiques du capitalisme avancé d’ailleurs surreprésentés place Versailles comme dans d’innombrables sites de c’est gentil.

« Devant Mikes, à la sortie de Maxi »

Le rendez-vous a été fixé sur place « devant Mikes, à la sortie de Maxi », selon les indications du connaisseur. Il est arrivé par la porte menant au parking pouvant accueillir 4 000 véhicules. Les premières constructions de logements envisagées par le projet immobilier de 2,2 milliards de dollars pourraient démarrer sur cette mer d’asphalte, probablement avant la fin de la décennie.

« Au début, nous devions prendre deux autobus pour venir ici depuis la maison familiale de Rosemont », raconte M. Girard. « L’itinéraire a changé à un moment donné, et un seul bus que nous avons pris devant notre maison nous a déposés ici. »

Lui et sa grand-mère allaient manger chez McDonald’s. Elle adorait les croquettes. « Nous sommes entrés sur la Place et avons laissé nos manteaux dans un casier. Elle avait une carte La Baie. Parfois, nous achetions des cadeaux à ma mère, comme ce répondeur automatique que je lui avais offert quand j’avais huit ans. Je pouvais aussi acheter des choses avec mon allocation, 5 $ par semaine, puis 40 $ pour un mois entier. »

La déambulation place Versailles a duré environ une heure, durant laquelle le petit roi des ondes a été accueilli par une dizaine d’admirateurs âgés et un monsieur en fauteuil roulant électrique. Le guide compétent a décrit en détail le changement du lieu, notamment la disparition d’anciens commerces (dont sa première librairie grand public). Plusieurs nouvelles boutiques proposent désormais des vêtements de mode moyen-orientale, des djellabas ou des foulards, en raison du changement démographique.

«Nous avons acheté des pulls à la mode avec des dessins d’hommes champignons», raconte Jean-Sébastien Girard, qui a travaillé quatre heures — et seulement quatre heures — dans un magasin Levi’s parce qu’il ne supportait pas de déranger les clients. « On pourrait acheter des affiches plastifiées, les plus chères avec des néons. Il y avait un magasin de blagues qui vendait de fausses crottes de chien. »

Son grand-père jouait au Père Noël pendant le temps des Fêtes chez Dupuis Frères, près de l’actuelle place Émilie-Gamelin. Sa grand-mère et sa mère faisaient rarement leurs courses au « centre-ville ». Depuis la pandémie, un peu comme tout le monde, Jean-Sébastien Girard achète presque tout en ligne. « Je consomme encore beaucoup. Je remplis souvent mon panier Amazon. »

Le Québec à la traîne

Une des explications du déclin des centres commerciaux est là, dans le grand virage virtuel. Les centres de grande surface, comme Dix30, ont offert pour la première fois une concurrence acharnée aux centres commerciaux. Le commerce en ligne menace à son tour tous ces points de vente.

La Place Versailles devrait donc disparaître, tout comme le Centre Rockland, à Ville Mont-Royal, et des dizaines d’autres temples de la surconsommation au Québec.

«C’est clair: c’est une des choses qui vont disparaître dans les années à venir en raison de transformations beaucoup plus radicales des habitudes de consommation», estime Gérard Beaudet, spécialiste de l’urbanisme métropolitain et professeur à l’Université de Montréal. « Aux États-Unis, cette transformation est en cours depuis longtemps. Les grands et même les très grands centres ont été complètement abandonnés. Beaucoup ont été démolis, d’autres transformés en cliniques médicales ou en tours de bureaux. Il est donc assez étonnant que nous ne soyons pas plus avancés dans ce mouvement au Québec. »

Il attribue ce retard à des règles d’urbanisme trop laxistes qui permettent la poursuite de l’étalement urbain, avec des banlieues en constante expansion, à l’image de l’Univers, après le Big Bang. Le projet Royalmount, à l’intersection des autoroutes 15 et 40, sur l’île de Montréal, montre un autre exemple étonnant de développement centré sur le commerce — en l’occurrence sur la consommation de luxe.

Le professeur Beaudet rappelle que l’attentat terroriste de mars à Moscou a eu lieu dans un endroit similaire. On les retrouve maintenant partout, en Turquie, aux Émirats arabes unis, en Asie… « C’est un projet extraordinaire dans un pays comme le Québec. C’est le genre d’équipement que l’on construit dans les pays arabes pour se positionner sur la scène du tourisme international et de la consommation haut de gamme. Le Royalmount est développé comme dans ces pays, à un carrefour routier. »

« Si jamais on ajoute du logement, cela risque d’attirer les spéculateurs. Cela ne fera pas un quartier de qualité : ce sera une enclave dédiée à l’hyperconsommation », note l’urbaniste.

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