un mélange de restes humains néolithiques et romains

un mélange de restes humains néolithiques et romains
un mélange de restes humains néolithiques et romains

Les récentes découvertes archéologiques révèlent des pratiques funéraires complexes, témoignant de croyances et de rituels anciens profondément enracinés. Une étude réalisée par Barbara Veselka et son équipe de l’Université libre de Bruxelles et publiée dans Antiquité apporte un éclairage surprenant sur une tombe singulière, découverte à Pommerœul en Belgique. Dans cette tombe, les chercheurs ont identifié un assemblage inédit de restes humains de différentes époques, mêlant des ossements néolithiques à un crâne gallo-romain.

Une découverte insolite

La tombe de Pommerœul, surnommée « Tombe 26 », a été découverte lors de fouilles archéologiques dans les années 1970. Il est situé dans un cimetière gallo-romain proche de la frontière française. Cette sépulture unique a immédiatement intrigué les chercheurs. La majorité des sépultures de ce cimetière contenaient des crémations. Mais la tombe 26 contenait des ossements disposés en position fœtale, détail surprenant dans un contexte romain. En fait, l’inhumation couchée était plus courante. Cette posture inhabituelle, ainsi que la présence d’une épingle en os de style romain près du crâne, ont initialement conduit les archéologues à classer cette sépulture comme tombeau romain.

Localisation de la tombe. © B. Veselka et al., 2024

Cependant, des analyses plus approfondies, entreprises plusieurs décennies après la découverte initiale, ont infirmé cette première interprétation. La datation au carbone 14 et les tests ADN ont révélé que seuls le crâne et l’épingle étaient d’origine gallo-romaine. Les autres ossements appartenaient à des individus néolithiques distincts. Ce mélange inhabituel de restes humains, provenant d’individus de différentes époques, a conduit les chercheurs à envisager la possibilité d’une reconstruction volontaire. Une volonté de relier les croyances romaines à celles des anciens habitants néolithiques de la région.

Une pratique rituelle propre à cette tombe : le rassemblement de restes humains

Les analyses réalisées sur les restes de la Tombe 26 ont donc révélé que les ossements assemblés proviennent de 5 individus ayant vécu à plusieurs siècles d’écart au cours du Néolithique. L’étude de Barbara Veselka et son équipe a montré que les os longs et le crâne présentaient la plus grande divergence temporelle, certains os remontant à la fin du Néolithique, tandis que le crâne correspond à un individu ayant vécu plus de 2 000 ans plus tard. Ces éléments ont amené les chercheurs à conclure que cet assemblage ne représente pas un simple regroupement post mortem. Il s’agit d’une reconstruction qui peut avoir des significations rituelles, voire spirituelles. En Europe, de telles pratiques de rassemblement de vestiges de différentes époques restent extrêmement rares et souvent entourées de mystère.

Crâne de la tombe 26. © B. Veselka et al., 2024

La localisation du tombeau, à proximité d’une rivière, pourrait également éclairer cette pratique insolite. Dans le contexte des sociétés anciennes, les rivières et autres plans d’eau occupaient une place importante. Ils étaient considérés à la fois pour leur utilité pratique et leur symbolisme. Les chercheurs pensent que cette position géographique a pu influencer le choix du lieu de sépulture. Le fleuve ajoute une dimension sacrée aux populations successives, néolithiques puis romaines. Ce traitement post mortem des ossements pourrait ainsi traduire une volonté de la communauté romaine d’établir un lien avec les générations précédentes. Ils se sont réappropriés des vestiges plus anciens, acte qui aurait pu servir à affirmer une continuité entre leur présence et celle des anciens occupants du territoire.

Les mystères des restes du blaireau dans la tombe et la question des rituels

Les archéologues ont remarqué la présence d’os de blaireau dans la tombe de Pommerœul, notamment une phalange brûlée. Ceci pose des questions sur leur signification et leur origine dans ce contexte funéraire. Ces animaux, connus pour leur activité fouisseuse, peuvent naturellement déplacer leurs restes dans le sol. Ceci pourrait ainsi suggérer une éventuelle introduction accidentelle des ossements dans la tombe. Cependant, les marques de brûlures observées sur l’une des phalanges du blaireau suggèrent une dimension rituelle volontaire. Ces ossements n’ont peut-être pas été déposés par hasard. Des chercheurs, dont Veselka, considèrent que cette inclusion pourrait refléter des pratiques funéraires complexes. Les restes d’animaux jouaient un rôle symbolique ou spirituel.

Ce mélange d’ossements humains et animaux pourrait également indiquer un rituel spécifique à la région, où les animaux auraient été associés à des pratiques de commémoration ou de protection des morts. Dans d’autres contextes archéologiques, des ossements d’animaux ont parfois été retrouvés dans les tombes en raison de leurs connotations symboliques. Ils servaient potentiellement de « protecteurs » ou d’intermédiaires spirituels pour les défunts. La phalange brûlée pourrait indiquer un processus de crémation ou de purification, visant à donner à la tombe une signification supplémentaire. Les chercheurs considèrent donc que ces restes témoignent peut-être de croyances animistes. Ils peuvent également révéler un lien particulier entre les humains et les animaux dans les pratiques funéraires locales.

Un lien entre passé néolithique et influence romaine

Le tombeau de Pommerœul est une fascinante illustration de la diversité des pratiques funéraires à travers les époques. Que les ossements néolithiques proviennent de Pommerœul ou de sites plus lointains, leur rassemblement dans cette tombe semble intentionnel et réfléchi.

« Il s’agit d’une découverte unique qui illustre la complexité des pratiques funéraires anciennes. » écrivent les chercheurs. ” Les os ont été sélectionnés, un emplacement approprié a été choisi et les éléments ont été soigneusement disposés pour imiter l’ordre anatomique correct. L’enterrement qui en résulte reflète un grand soin et une grande planification, ainsi qu’une bonne connaissance de l’anatomie humaine. L’apport gallo-romain d’un crâne à l’individu composite est évident, mais la motivation reste floue.. Ils ajoutent que « cette communauté a peut-être été influencée par la superstition ou a ressenti le besoin de se connecter avec un individu qui avait autrefois occupé la région avant elle.

Cette découverte met en lumière une nouvelle facette de la relation complexe entre les vivants et les morts dans les sociétés anciennes. Il montre une continuité des préoccupations funéraires à travers les millénaires.

Source : Veselka B, Reich D, Capuzzo G, et al., « Assemblage des ancêtres : la manipulation des restes squelettiques néolithiques et gallo-romains à Pommerœul, Belgique ». Antiquité. Publié en ligne 2024 : 1-16. est ce que je:10.15184/aqy.2024.158

 
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