Pour de nombreux chefs d’entreprise d’Ille-et-Vilaine, la crise énergétique de 2022-2023 a été synonyme de sueurs froides. Guerre en Ukraine, fin du gaz russe, centrales nucléaires en déclin, risques de black-out… Tous les ingrédients sont réunis pour faire grimper les prix. Et pas qu’un peu. En quelques mois seulement, les factures d’électricité et de gaz ont été multipliées par trois, quatre, cinq, voire dix. « Pour moi, un tiers du bénéfice net y allait », rappelle Benoît Cabanis, le patron de Cabsoc à Châteaubourg (35), un groupement de PME spécialisées dans les équipements hydrauliques. Ce chef d’entreprise l’avoue volontiers : avant septembre 2022, le sujet énergétique n’en était pas un pour lui. Et lorsqu’il s’agissait de s’y pencher, les choses se sont vite révélées compliquées. « Je ne suis pas un acheteur d’énergie, confie-t-il.
C’est dans ce contexte que la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Nantes-Saint-Nazaire a décidé de créer la coopérative Estuaire énergies. Lancé en février 2023, il entend accompagner les petites ou moyennes entreprises sur les enjeux énergétiques. Son activité principale : l’organisation achats groupés d’électricité, de gaz et de pellets au profit de ses adhérents.
« Nous étudions les besoins puis nous lançons un appel d’offres auprès des fournisseurs », explique le président de la CCI de Nantes, Yann Trichard. En offrant un marché plus vaste que celui d’une seule entreprise, Estuaire énergies peut négocier des prix plus compétitifs. “De l’ordre de 10 à 15%”, selon son directeur général, Franck Sprecher.
Billet d’entrée et abonnement
La coopérative compte aujourd’hui 50 adhérents, principalement dans les Pays de la Loire : Fleury Michon, Idea, Cetih, Lacroix… Certains adhérents sont déjà basés en Ille-et-Vilaine, où Estuaires énergies souhaite désormais se développer. Pour l’aider, la CCI 35 a décidé d’investir dans son capital et d’en faire la promotion localement. Pour y adhérer, il faut un ticket d’entrée de 3 000 € ainsi qu’un abonnement annuel basé sur la consommation d’énergie.
Depuis sa création, Estuaires énergies a déjà acheté 100 GWh sur les marchés et compte boucler la semaine prochaine un nouvel appel d’offres, pour 42 GWh, pour une trentaine d’entreprises et une centaine de sites.
Boucles locales d’autoconsommation
En complément de ces achats groupés, Estuaire Energies accompagne ses adhérents qui souhaitent investir dans des unités de production d’énergie verte (panneaux solaires par exemple) et mettre en place des boucles locales d’autoconsommation. Une première devrait voir le jour cet été à Guérande (44), avec quatre entreprises qui produiront de l’énergie et neuf qui en consommeront. « D’ici 2030, 20 % de notre consommation devra être produite par nos adhérents », indique Franck Sprecher.
À plus long terme, la coopérative envisage même d’investir dans ses propres centrales solaires ou éoliennes. Pour ce faire, il faudra augmenter la part collectée par Estuaire énergies sur le prix d’achat de l’énergie et augmenter le nombre d’adhérents. En 2024, l’objectif est d’au moins le doubler. Reste à convaincre les entreprises… Pour Franck Sprecher, le sujet énergétique reste plus que jamais d’actualité. Car même si les prix ont baissé, « la crise énergétique n’est pas terminée ».
