« Le Canada n’est pas prêt à s’engager dans un conflit international aujourd’hui », déclare un expert

OMS

Caroline D’Amours est professeure adjointe au Département d’histoire du Collège militaire royal du Canada. à Kingston.

CONTEXTE

Aujourd’hui, c’est le 80e anniversaire du Débarquement en Normandie des forces alliées auquel le Canada a participé, le 6 juin 1944, pour libérer la France de l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.

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Dans un contexte international marqué par plusieurs conflits armés, l’expert explique que les enjeux opérationnels et de recrutement rendraient aujourd’hui impossible une opération militaire d’envergure pour l’Armée canadienne.

« Comment cet épisode historique de la Seconde Guerre mondiale a-t-il contribué à changer notre façon de faire la guerre ?

Le débarquement a eu un impact important sur l’histoire militaire. C’est le début de la reconquête de l’Europe par les forces alliées. Il s’agissait d’une opération complexe avec des composantes aériennes, maritimes et des milliers d’hommes déployés le même jour. Cela n’a jamais été fait depuis. Alors oui, c’était une étape fondamentale pour réussir à poser le pied sur la plage. Mais après, ce sont les combats terrestres qui sont importants.

Vue aérienne de divers navires de la marine autour des plages de Normandie, dans le nord de la France. L’invasion de la Normandie est considérée comme la plus grande invasion amphibie de l’histoire avec près de 156 000 soldats, dont 14 000 Canadiens. Photo : Galerie Vernon Lewis/Stocktrek Images/GETTY

Lesquels par exemple ?

Je dirais qu’il y a un exemple intéressant de la Bataille de Normandie : c’est celui de la Croix de Victoria du Major Curry à Saint-Lambert-sur-Dives qui a apporté une approche intéressante au niveau de l’infanterie qui va fermer progressivement ce qu’on appelle trou de falaise pour piéger les forces allemandes. Plusieurs autres peuvent constituer des cas d’école dans les combats livrés en juin-juillet et août 1944.

En quoi la façon dont la guerre est menée aujourd’hui est-elle différente de celle de 1944 ?

Il y a une évolution, notamment au niveau technologique. Nous essayons de plus en plus d’avoir des armées expertes. Le Canada lui-même a une très petite armée et ne peut pas tout faire, alors nous essayons lentement de nous spécialiser. Aujourd’hui, nous disposons de l’arme nucléaire et de tous ses composants, des drones, de l’information en temps réel, et c’est l’une des plus grandes différences par rapport aux années 40. Un commandant, en 2024, reçoit des milliers d’informations presque chaque minute, il est donc très difficile de prendre des décisions dans ce brouillard. Mais en même temps, les tâches de l’infanterie restent les mêmes, c’est-à-dire conquérir le terrain, comme on le voit avec la guerre en Ukraine.

Caroline D’Amours s’intéresse aux questions militaires, notamment celles liées à la Seconde Guerre mondiale. Photo : Avec l’aimable autorisation de Caroline D’Amours.

Le Canada est-il prêt à s’engager dans une guerre conventionnelle ?

Non, le Canada n’est pas prêt à s’engager dans un conflit international aujourd’hui parce que nous avons fourni des armes à l’Ukraine et que cela a épuisé nos propres réserves. Si le Canada devait envoyer un grand brigadier, ce serait compliqué, d’autant plus que les Forces armées canadiennes sont très impliquées dans les catastrophes naturelles. Il nous manque également beaucoup de personnel dans l’armée, il serait donc difficile d’intervenir à l’heure actuelle dans un conflit armé.

Est-il difficile de recruter des soldats en 2024 ?

Le problème est que nous ne sommes pas en guerre. Il n’y a pas nécessairement de mission claire pour les Forces armées canadiennes, donc c’est toujours plus compliqué de recruter. Pendant la guerre en Afghanistan, le recrutement a explosé parce qu’il y avait un objectif précis contrairement à aujourd’hui. Malheureusement, toutes les critiques, souvent justifiées, que l’on entend beaucoup dans les médias concernant les abus sexuels dans l’armée ne contribuent pas non plus à attirer des recrues. Enfin, je pense aussi que les armées ne sont pas toujours perçues comme une carrière prestigieuse, ce qui nuit là encore au recrutement.

Les pertes canadiennes s’élèvent à 1 074, dont 359 tués et 715 blessés ou capturés. Photo : Galerie Vernon Lewis/Stocktrek Images/GETTY

Que pensez-vous de l’avis de certains observateurs qui pensent qu’il faudrait créer une fonction publique pour inciter les jeunes à se tourner vers l’armée ?

C’est très délicat. J’entends beaucoup d’appels en ce moment dans la société pour des coupes dans la fonction publique et avoir un tel programme l’exigera nécessairement. Ces derniers jours, je lisais des gens impliqués dans le recrutement dans les Forces canadiennes qui mentionnaient que forcer les jeunes à faire leur service alors qu’ils sont à un âge critique est justement la meilleure façon de les en éloigner. »

 
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