À 16 h 48, le vendredi 8 novembre 2024, les femmes commenceront à « travailler gratuitement ». Le message est fort. Et permet de comprendre très explicitement le chemin qui reste à parcourir pour parvenir à l’égalité.
C’est la huitième année consécutive que le bulletin Le Glorieux (produit par Gloria Media) met en lumière cette réalité à travers un hashtag ou un hashtag (cette fois, #8NOVEMBER4:48 pm). Un symbole puissant qui vise à sensibiliser collectivement, et un appel à l’action adressé aux politiques et aux entreprises. Cette année, l’opération s’accompagne également d’un rapport mettant en lumière les initiatives mises en œuvre dans d’autres pays.
Que signifie l’indicateur choisi ?
Que se cache-t-il derrière cette date et cette heure très précises ? Pour l’obtenir, il faut d’abord décider quel indicateur utiliser, parmi ceux produits chaque année par l’Insee.
Le Glorieux sont basés sur l’écart salarial brut en équivalent temps plein (EQTP), donnée qui permet des comparaisons européennes. En raison de la date limite de calcul des indicateurs, le chiffre retenu cette année correspond aux écarts salariaux de 2022. Les femmes en France gagnaient alors 13,9% de moins que les hommes dans les EQTP, secteurs public et privé confondus (pour les entreprises de plus de 10 salariés). Cette notion d’équivalent temps plein, à première vue un peu obscure, permet de comparer le salaire à durée de travail identique, en calculant la rémunération qu’auraient perçu les salariés s’ils avaient travaillé à temps plein toute l’année.
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Quel est le calcul ?
Ensuite, vient l’heure de l’exercice de mathématiques. Pour obtenir la date et l’heure du 8 novembre à 16h48, Le Glorieux est parti de l’écart salarial de 13,9%, et l’a rapporté au nombre de jours travaillés en France (252 en 2024). 13,9% de 252 correspond à 35.028 jours ouvrables. Il faut donc soustraire 35.028 jours ouvrés à 2024. On arrive ainsi au vendredi 8 novembre à 16h48 et 15 secondes.
Pourquoi d’autres chiffres circulent-ils ?
Pour observer les inégalités salariales, plusieurs indicateurs fiables coexistent. Chacun a son intérêt, l’un n’est pas meilleur que l’autre. Mais aucun ne couvre exactement la même réalité.
L’écart entre la rémunération perçue réelle est en réalité bien supérieur à 13,9 %. Parce que les femmes sont presque trois fois plus susceptibles de travailler à temps partiel (que ce soit volontairement ou par choix) et sont moins souvent employées au cours de l’année. Ainsi, elles reçoivent 23% de moins sur leur compte bancaire que les hommes.
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Autre chiffre à retenir : à position comparable, un écart inexpliqué de 4% subsiste. Comme l’avait prévenu l’Insee, en octobre 2024, lors de la publication des données 2023, « cet écart résiduel ne peut être interprété comme une mesure de l’ampleur de la discrimination salariale entre les femmes et les hommes, en raison de différences de caractéristiques non observables dans les sources administratives sur les salaires ». Les différences d’expérience et d’ancienneté dans l’entreprise, voire de diplôme, n’apparaissent par exemple pas.
Quelles en sont les causes ?
Même s’ils ne sont pas mesurés par les chiffres de l’INSEE, les préjugés sexistes ne peuvent être écartés d’emblée. Mais qu’il s’agisse ou non de discrimination, on voit bien dans tous les cas que, comme le souligne l’Institut, « L’écart salarial entre les femmes et les hommes reflète principalement l’effet de la ségrégation professionnelle et les inégalités qui l’accompagnent ».
Les femmes et les hommes ne travaillent pas dans les mêmes secteurs. Celles qui sont très féminisées sont souvent moins valorisées financièrement et plus précaires. Les deux n’ont pas non plus les mêmes responsabilités.
« Les femmes auront de plus en plus recours au travail à temps partiel pour prendre soin de leurs proches – un travail gratuit et invisiblerecall Les Glorieuses. Et les emplois à temps partiel sont moins valorisés au taux horaire. ». Par ailleurs, comme l’ont montré les travaux de la prix Nobel d’économie Claudia Goldin sur la notion de « travail gourmand », les employeurs ont tendance à récompenser, lors des promotions et des augmentations, les salariés qu’ils voient le plus au travail. Qu’ils soient efficaces ou non dans le temps imparti…