Le temps gris et triste aux Sables-d’Olonne se marie mal avec l’ambiance électrique du village de départ. Une audience record, les couleurs vives et les formes acérées des bateaux à quai, une excitation grandissante avant une course qui s’annonce palpitante (départ dimanche, 13h02) : telle est la vraie météo du Vendée Globe 2024. Nous Cela s’est bien ressenti lors de chacune des trois conférences de presse tenues jeudi par quatre des favoris, dans des ambiances différentes.
Réel et virtuel
Tout d’abord, celle de l’équipe qui réunit Thomas Ruyant sur un bateau récent, que nous appelons Vulnérable, et le Britannique Sam Goodchild sur l’ancien bateau de Ruyant, LinkedOut, que nous appelons… Vulnérable. Un voyage façon F1 mais les F1 sont identiques, on se rabattra donc sur Vulnérable 1 pour Ruyant et 2 pour Goodchild. Le décor, une salle de presse, pas de bla-bla, on passe directement aux questions. Les jeunes skippers – 43 ans pour Ruyant, Goodchild en aura 35 le 19 novembre – sont souriants et à l’aise, sans forcer.
Avec Boris Herrmann, ce n’est pas pareil. C’est une vidéoconférence, en anglais. L’Allemand de Malizia – Seaexplorer est aux Sables depuis quelques jours, il a passé beaucoup de temps à Hambourg. « Non, je n’ai pas peur de perdre le contact avec le bateau, je suis monté au mât hier (mercredi, sa seule sortie), je me sentais bien avec. […] A deux semaines de la course, je suis dans un tunnel mental », explique le skipper de 43 ans. Ouest France a souligné que son absence à deux épreuves obligatoires (photo des skippers et repas de gala, en début de quinzaine) lui vaudra une amende de 30 000 euros.
Jérémie Beyou a rencontré au premier étage du stand Charal, son sponsor, son directeur marketing. L’entreprise se met en avant et mise gros pour ce deuxième Vendée, le 5ème pour Beyou, 48 ans, un peu plus marqué que les deux autres quadragénaires. Et plus ouvert que Boris Herrmann. «Je profite de chaque instant passé au village. J’ai fait le spectateur moyen, les différentes animations des équipes. Être à mon 5ème départ m’aide à prendre du recul sur le grand saut. Je commence à me concentrer sur moi, je travaille la météo depuis mercredi soir, je continue de faire du sport, ça fait du bien. »
Quels favoris ? Pas la même lecture
Quels sont les favoris de la course ? « J’en vois 15 », complète Ruyant. Le niveau est monté d’un cran, la course devrait être encore plus folle qu’en 2020, passionnante à suivre. » On comprend le skipper nordiste : son précédent bateau, construit pour 2020, tient tête au plus récent. « Au portant dans la brise sur mer formée, mon bateau ne va pas plus vite en vitesse de pointe mais en moyenne car il s’arrête moins », précise Ruyant. «Il a été conçu pour mieux passer la mer», souligne Goodchild. « Mon Vulnérable n’est pas mal dans les autres allures, mais celui de Sam a un petit plus dans le vent médium et les allures proches du vent. »
Jérémie Beyou s’est également montré large : « la concurrence ne fait que s’accroître, et s’il y avait deux ou trois favoris lors des éditions précédentes, il y en a beaucoup plus aujourd’hui. » Lui y compris, avec un Charal « à l’aise dans toutes les conditions. Nous avons enfin pu le tester au portant, et ses nouveaux foils le rendent meilleur dans le médium, ce qui est bien pour un début. »
« Charlie Dalin est-il le grand favori ? » Sur cette question épineuse, Boris Herrmann a fait une analyse plus précise. « Pas à mon avis, mais plutôt Yoann Richomme (Paprec-Arkéa) et Thomas Ruyant (NDLR, qui ont des bateaux jumeaux). Charlie sera très bon dans l’Atlantique. Yoann et Thomas, comme moi, ont un bateau plus typique des mers au portant (ndlr, downwind) formées par les mers du Sud. Tout dépendra des conditions météo au-delà du Cap de Bonne-Espérance. » Un point d’accord avec Ruyant : « Mieux vaut ne pas tarder à entrer dans les mers du Sud, même si la précédente édition montrait un scénario différent. »
Voiles, petits et grands secrets
Chaque skipper peut embarquer un nombre limité de voiles – huit, en incluant le tourmentin obligatoire – et choisit des voiles avant spécifiques. Pas de suspense chez les Vulnérables, « nous avons choisi nos voiles depuis janvier » (Sam Goodchild), « nous n’avons pas de conteneur dans lequel puiser » (Ruyant). « Nous avons le choix pour les quatre voiles de portant. Mon choix de voiles est top secret, affirme au contraire Beyou, et il le restera tout au long de la course. »
Le disque battu ? Pas sûr…
Pour Thomas Ruyant, le record de 74 jours pourrait tomber en fonction de la météo, « à 65-70 jours. On connaît bien mieux les bateaux qu’en 2020, voire il y a deux ans. »
Pour Boris Herrmann, c’est non. « Passer sous les 74 jours ne me semble pas envisageable, le vent est trop faible au départ. En 2016, pour mémoire, Armel Le Cléac’h n’a mis que six jours pour franchir l’équateur… » « Si on a des conditions météorologiques égales à celles de 2016-2017, le record sera pulvérisé », balance Beyou.
Au moins, ils sont d’accord sur la première lecture météorologique. Du vent léger à moyen au départ, « on en saura plus sur sa force et sa direction ce vendredi », précise Beyou, et pour le reste « au portant, rapidement, en se renforçant à mesure qu’on gagne à l’ouest ou au sud-ouest. » Un super terrain de jeu, « plus calme que le départ des derniers transats, ça fait du bien ! », résume Sam Goodchild.
Leurs références
Thomas Ruyant. 6ème du dernier Vendée Globe, vainqueur des transats Jacques Vabre 2023 et 2021, de la Route du Rhum 2022. Détenteur du record de distance parcourue en 24 heures 539,94 milles (environ 1 000 km) établi le 4 décembre 2023 à bord de Vulnérable 1 .
Sam Goodchild. 2ème de The Ocean Race 2023 à bord d’Holcim – PRB (record de distance 24 heures en équipage), 3ème de la Jacques Vabre 2023, champion du monde Imoca 2023 (classe bateau Vendée Globe).
Jérémie Beyou. 3ème de Vendée 2017, 13ème en 2021, abandons en 2009 et 2013. 3ème à New York – Vendée 2024 et 2ème de Retour à la Base 2023.
Boris Herrmann. 5ème de la Vendée 2020-2021, 2ème du New York – Vendée et de la Transat CIC en 2024, 4ème du Retour à la Base en 2023.