SÉNÉGAL-SOCIETE-REPORTAGE / Facteur, un métier fragilisé par le numérique – Agence de presse sénégalaise – .

Dakar, 5 juin (APS) – L’essor du courrier électronique constitue une réelle menace pour le travail des facteurs, indiquent des professionnels qui s’inquiètent de l’avenir de leur métier.

La cinquantaine, Mamadou Ndiaye revendique plus de vingt-cinq ans de service au sein de la Société nationale La Poste.

Ndiaye préfère le terme de distributeur à celui de facteur pour qualifier son métier. Il est attristé par le net ralentissement de l’activité de sa société. Mais pour lui, cette situation est moins due à une pénurie de facteurs qu’à une réduction « extraordinaire » du volume du courrier.

Vêtu d’un t-shirt et d’un pantalon bleu marine, l’employé de l’agence Médina est assis devant une multitude d’enveloppes éparpillées sur une table en verre.

Il les trie minutieusement et met une adresse sur chacun. Un exercice qui le ramène à des souvenirs lointains, à une époque décrite comme l’âge d’or du facteur.

« Il y a dix ans, le travail était complètement différent. Le volume des livraisons était tel que chaque facteur transportait au moins deux sacs remplis de courrier. Actuellement, ils en ont un presque à moitié vide. Je suis capable de comparer les différentes époques, parce que je les ai vécues», explique celui qui a vingt-cinq ans d’expérience dans la distribution du courrier.

Cependant, Ndiaye indique que malgré les changements profonds dans son activité professionnelle, induits par le développement d’Internet, certains types de courrier comme les candidatures à des concours continuent de transiter par la poste.

Très dévoué à son métier, cet homme qui connaît parfaitement les moindres détails du travail du facteur exclut toute disparition éventuelle.

A la poste de Médine, sa journée presque routinière commence le matin. Et Ndiaye le fait en véritable amoureux de son métier.

« Le matin, les lettres nous arrivent dans de gros sacs. Nous les trions par catégorie. Il existe des lettres recommandées, des lettres simples et des boîtes postales. Ensuite, nous effectuons ce que nous appelons le repiquage, c’est-à-dire l’action d’identifier la destination de chaque courrier suite à la délimitation des zones », explique-t-il.

Facteur dans une agence de banlieue, BD a également accepté de partager son expérience sous couvert d’anonymat.

A cheval sur son agence d’origine et les quartiers qu’il parcourt à pied, il s’offusque de la précarité dans laquelle lui et ses pairs exercent aujourd’hui leur travail.

« Hormis le numérique, c’est la pauvreté qui va mettre fin à ce métier », prédit-il.

Le fait est que la distribution du courrier est compliquée par le manque d’adressage dans certains quartiers de Dakar et d’autres villes du pays. Une situation encore compliquée par la médiocrité des moyens de transport.

À cela s’ajoute le fait que la Poste fait face à une concurrence féroce de la part d’autres structures proposant les mêmes services.

Un métier très menacé

Pour le receveur général de l’agence postale de Médine, Ibrahima Ndiaye, la situation est si alarmante que le métier de facteur est aujourd’hui menacé de disparition, si aucune mesure n’est prise.

« Le régulateur est l’ARTP [Agence de régulation des télécommunications et des postes]. Il y a une part de marché qui devrait être réservée à la poste, mais actuellement, avec ce bouleversement, nous ne contrôlons plus rien. Si rien n’est fait, le métier de facteur risque de disparaître», clame-t-il.

Il estime qu’«il faut beaucoup travailler pour pouvoir conserver une certaine clientèle».

Celle-ci est essentiellement composée d’huissiers, d’entreprises, d’associations, de mosquées et d’une clientèle dite facultative, à savoir des particuliers ayant des choses à envoyer localement et à l’international.

« Le principal problème de La Poste, analyse Ibrahima Ndiaye, c’est que nous avons mis du temps à nous adapter, car nous laissons filer le temps et essayons ensuite de rattraper notre retard.

Il juge que « le vide » à combler « est très grand, malgré les efforts déployés pour se conformer aux exigences du secteur et à celles de l’Union postale universelle », l’institution des Nations Unies en charge des services postaux dans le monde.

“Le métier de facteur a perdu beaucoup de son essence”, estime le receveur général, qui encourage les agents à se reconvertir, à s’enrichir de nouvelles connaissances ou à exercer en parallèle d’autres activités, pour qu’ils ne soient pas surpris, si jamais cela Cette profession devait être supprimée au sein de la poste.

« Impossible de se passer complètement des facteurs »

Pour Aissatou Bâ, une jeune femme qui utilise régulièrement les services postaux, Internet ne peut conduire à la disparition définitive du métier de facteur.

« Au-delà du fait que nous pouvons recevoir des lettres par courrier électronique, nous aurons toujours besoin d’une copie originale, ce qui garantira que le facteur fera toujours son travail », prédit-elle.

Elle considère qu’Internet « facilite plutôt la tâche en cas d’urgence, mais les originaux seront toujours apportés par les facteurs. A moins que ces dernières ne soient plus exigées par l’administration et autres ».

Une chose reste sûre : de nombreuses administrations et services disposent de leurs propres coursiers.

Hawa Bâ, une cliente postale rencontrée par l’APS à l’agence de Thiaroye, était venue déposer un colis à destination d’Agnam, dans la région de Matam (nord).

Elle dit avoir choisi de venir effectuer elle-même la caution pour éviter de payer des frais, affirmant qu’il est « inimaginable » que le métier de facteur, maillon essentiel de la distribution du courrier, disparaisse un jour, malgré l’essor du numérique de plus en plus fulgurant. .

“Ils [les facteurs] «Ils ont juste besoin d’être accompagnés et de s’adapter à l’outil numérique pour redynamiser leur métier», suggère-t-elle.

KM/ASG/ABB/BK

 
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