Personne en France ne semble se faire d’illusions : c’est en renforçant l’autonomie stratégique de l’Union européenne (UE) et en construisant une défense commune que le continent pourra faire face au retour de Donald Trump à la présidence des Etats. -Uni.
Emmanuel Macron n’a pas perdu de temps pour occuper le terrain. Avant même l’annonce officielle de la victoire de Donald Trump, le président français a adressé ses habituelles félicitations au nouveau président américain peu avant 9 heures du matin sur le réseau social X.
« Prêts à travailler ensemble comme nous pouvons le faire depuis quatre ans. Avec vos convictions et avec les miennes »a-t-il déclaré, soulignant dans un deuxième message qu’il avait échangé avec le chancelier allemand Olaf Scholz pour « œuvrer pour une Europe plus unie, plus forte et plus souveraine »dans « coopérer avec les États-Unis d’Amérique et défendre nos intérêts et nos valeurs ».
L’Élysée explique depuis plusieurs jours qu’elle se prépare à toutes les éventualités et semble déterminée à s’appuyer sur Berlin pour défendre les positions de l’UE, tandis que le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius doit rencontrer son homologue français Sébastien Lecornu mercredi 6 novembre en fin d’après-midi à Paris.
« L’appel lancé ce matin à Olaf Scholz donne le ton à la dynamique qui pourrait se dessiner dans les prochains jours, car chacun est conscient que malgré leurs différences, Paris et Berlin doivent être le moteur de l’Europe »analyse pour Euractiv Gésine Weber, spécialiste des relations entre les Etats-Unis et l’Europe au King’s College de Londres.
Alors que la voix d’Emmanuel Macron peine à se faire entendre sur la scène internationale depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juillet, l’élection de Donald Trump pourrait donner l’occasion au président français de revenir sur le devant de la scène, estime le chercheur.
“Emmanuel Macron a un avantage, c’est qu’il est l’un des seuls dirigeants européens à avoir déjà des relations personnelles avec Donald Trump et cela pourrait jouer en sa faveur”continues Gésine Weber.
Les politiques français misent sur l’Europe
Face au séisme politique que représente le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la grande majorité de la classe politique française estime qu’il est nécessaire que l’UE se mette très rapidement en ordre de bataille.
“Donald Trump a souvent affirmé que l’unité européenne n’avait pour but que d’organiser une concurrence plus redoutable des pays européens vis-à-vis des Etats-Unis et il entend donc nous affaiblir comme il entend affaiblir la Chine”s’alarme l’eurodéputé Renew Bernard Guetta chez Euractiv. « Sur le plan militaire, il est donc indispensable de construire une défense européenne commune, et plus aucun pays européen ne s’oppose à cette idée »continue-t-il.
Une position partagée par une partie de la gauche française.
“L’élection de Donald Trump […] est un cauchemar pour la démocratie, pour les droits de l’homme et pour l’Europe »explique sur X Raphaël Glucksmann, le leader des socialistes français au Parlement européen, résolument partisan du soutien militaire à l’Ukraine. « Nous sommes condamnés […] faire en quelques semaines, quelques mois, ce que nous ne voulions pas faire depuis des décennies : construire notre propre défense, assurer notre propre sécurité, construire notre propre puissance. »
Du côté du Rassemblement national (RN), la chef du parti d’extrême droite Marine Le Pen n’a pas manqué de s’exprimer sur ses vœux de réussite » au nouveau président américain, et tandis que le président du mouvement, l’eurodéputé Jordan Bardella, a également appelé à repenser la relation européenne « au pouvoir et à l’autonomie stratégique ».
« Il faut se rendre compte que nous devrons être seuls sur de nombreux sujets, en France comme en Europe, notamment en matière de défense »confirme pour Euractiv l’eurodéputé et porte-parole du RN Aleksandar Nikolic, qui se réjouit du protectionnisme prôné par Donald Trump et de la dynamique qui soutient les partis qui défendent « identités nationales »aux États-Unis et en Europe.
« De nouveaux dirigeants ont déjà émergé sur le continent européen, avec la Première ministre italienne Giorgia Meloni, avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, ou encore avec Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui sont les deux figures politiques préférées des Français »continue Aleksandar Nikolic. « Et nos idées progressent partout en Europe. »
[Édité par Anne-Sophie Gayet]