Qu’y a-t-il derrière le sourire d’Audrey

Calculez vite, vite, j’ai mis 54 minutes pour me lever.

Il faut aussi à Audrey Bigaouette une heure le matin avant de se lever, mais ce n’est pas parce qu’elle est paresseuse ou parce qu’elle est, comme moi, incapable de s’extirper brusquement de ses bras. de Morphée. C’est le temps qu’il faut à votre corps ne serait-ce que pour pouvoir bouger, se déployer, pouvoir poser les pieds sur terre.

Son corps résiste, grogne. «Quand je me lève, je dois calculer une heure pour prendre mes médicaments et pouvoir sortir du lit.»

En effet, Audrey, 43 ans, souffre tout le temps, depuis au moins six ans. Tous. LE. Temps. À contrecœur, elle a dû arrêter d’enseigner en octobre 2018. « J’avais tellement mal que je vomissais. J’ai manqué de cours, ont remarqué les élèves. J’étais très proche de mes élèves. Je pensais y retourner… »

Elle n’est jamais revenue, elle a dû faire le deuil de ce travail qui la passionnait, mais aussi apprendre à gérer la douleur omniprésente.

Elle savait que cela allait arriver un jour ou l’autre, puisqu’elle avait subi une opération à la colonne vertébrale le 31 mai 2004. « J’avais l’impression que mes vertèbres du bas du dos glissaient, ils ont fait une greffe, une fusion. Sans chirurgie, je perdrais l’usage de mes jambes. Avec la chirurgie, c’était 50-50.

Il fallait d’abord que Jean-Luc Mongrain s’en mêle. “Je suis allé à son émission et le chercheur m’a appelé après, quelqu’un les avait contactés et ça a marché.”

Audrey a tiré le bon numéro, elle a pu continuer à marcher, courir et travailler, elle a pu avoir deux belles filles. « Je n’ai jamais eu aucune douleur, mais j’ai eu une meilleure qualité de vie. On m’avait dit que ça durerait environ 10 ans, j’en ai eu un bon 14 avant d’avoir à nouveau mal. Là, son dos lui fait mal, il est tout bosselé, rongé par l’arthrose et la synovite.

Et gérer ce niveau de douleur n’est pas quelque chose que l’on peut faire en criant des ciseaux. « Je suis suivie par la clinique de la douleur [de l’Hôpital général de Montréal], c’est le dernier filet. Le but n’est pas d’éliminer la douleur, mais de la réduire. Si nous parvenons à le réduire de 30 %, c’est une grande victoire. Ils vous expliquent la vraie affaire, ils vous donnent des stratégies pour gérer le stress, les émotions. Il y a une thérapie de groupe, c’était la meilleure chose pour moi, ce sont tous les gens qui vivent avec le mal.

Chacun vit aussi à travers le regard des autres. “Nous vivons tous aussi avec le fait de ne pas travailler, de devoir composer avec le jugement des autres.” Elle a même créé un compte Instagram « pour ne pas avoir peur de qui je suis et me donner le droit de sourire, même si je ne travaille plus ». C’est sur cela qu’elle travaille. « C’est un long processus d’accepter que je ne travaillerai plus, de se faire dire : ‘Tu cours et tu ne travailles pas ?’ »»

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Chacun des neuf coureurs avait son propre défi. (Michel Fortin)

Parce que oui, elle court, tous les jours. « La pire position pour moi, c’est debout, statique. C’est l’enfer, les spectacles sont finis pour moi. Elle ne peut pas non plus rester assise pendant de longues périodes ni parcourir de longues distances. Et la course ? « Courir sollicite tous mes muscles, c’est comme ça que je me sens le mieux. Je cours chaque jour.”

Entre huit et 12 kilomètres chaque jour.

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Un kilomètre à la fois, de Québec à Montréal. (Michel Fortin)

Avant que ses vertèbres ne commencent à glisser, elle jouait au football de compétition et dévalait les pentes sur son snowboard. Le début de la vingtaine ne s’est pas déroulé comme prévu. « Avant l’opération, je souffrais d’une terrible dépression. Je ne pouvais plus faire de sport, je ne pouvais même plus faire la vaisselle. C’était une douleur tellement extrême.

Lorsque je lui ai parlé samedi matin, 20 ans jour pour jour après son opération, elle en était aux premiers kilomètres d’un projet un peu fou : courir avec une dizaine de coureurs en alternance les 280 kilomètres séparant Québec de Montréal pour récolter des fonds pour la unité de gestion de la douleur. « Chaque jour, j’essaie d’avancer malgré la douleur qui est présente à chaque instant. J’essaie de me dépasser, de briser les tabous sur la souffrance invisible, de rester un modèle pour mes enfants. Mais derrière tout ce que j’accomplis, il y a une équipe de spécialistes qui m’accompagnent, un psychologue, des kinés… »

Ils étaient tous à ses côtés pour la course, notamment son précieux kiné, Sébastien, qui devait veiller à ce que son corps aille jusqu’au bout. « Nous avons chacun notre propre défi, pour moi c’est courir 45 kilomètres. Mon physio fera en sorte que ça marche ! Ça a marché. La petite bande de coureurs est même arrivée à destination dimanche deux heures avant l’heure prévue.

Ils ont récolté près de 25 000 $.

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Mission accomplie, deux heures plus tôt que prévu ! (Michel Fortin)

Sans cette belle équipe, Audrey ne pourrait pas faire tout ce qu’elle fait. Il y a aussi le spa, le yoga chaud qui l’aide beaucoup, un cocktail de médicaments, mais aussi Wilo, son chien d’assistance. “Avec le chien, ça m’isole moins.” Tout cela lui fait du bien. “Bien sûr, il y a toujours de la douleur en arrière-plan, mais on apprend à travailler avec.”

Mais quand on la croise dans la rue, baskets aux pieds, rien n’y paraît.

Il n’en demeure pas moins qu’elle a toujours des projets en tête, qu’elle souhaite s’impliquer auprès des enfants et des femmes et qu’elle fait parfois du bénévolat. Audrey l’avoue, elle pousse parfois un peu trop la machine. « C’est comme marcher sur de la glace mince avec un sac à dos. Et parfois je le casse… »

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