Les auditions des commissaires européens débutent lundi 4 novembre au Parlement européen. Parmi eux, un nombre important de personnalités d’Europe centrale. Une nouvelle marque d’intérêt pour ces pays, qui s’explique par le contexte géopolitique.
Depuis le 24 février 2022, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union européenne est davantage à l’écoute des petits pays d’Europe centrale. Depuis des années, ces États dénoncent la politique d’agression de la Russie, sans trouver de réponse dans le monde occidental.
Aujourd’hui, la situation a changé. En témoignent les postes de commissaires européens attribués par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à ces petits pays. Les trois pays baltes ont ainsi remporté la palme, avec les Affaires étrangères, la Défense et l’Economie.
L’Estonienne Kaja Kallas, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Kaja Kallas vise l’OTAN, elle obtient les affaires étrangères au sein de l’exécutif européen. Économiste et avocate – elle a étudié le droit européen – cette femme de 47 ans est membre du Parti réformateur estonien (ERE), parti libéral, qui appartient au groupe Renew de Bruxelles.
Première ministre de son pays de 2021 à juillet 2024, Kaja Kallas est également la fille de Siim Kallas, Premier ministre, président de la Banque centrale d’Estonie et commissaire européen entre 2000 et 2014. Surnommée en Estonie « la Dame de fer », Kaja Kallas n’a pas de mots assez durs contre la Russie et son président Vladimir Poutine. La Russie a d’ailleurs lancé un avis de recherche contre elle en février dernier. Mais pour le nouveau chef de la diplomatie européenne, comme pour la majorité des Estoniens, il ne faut pas céder d’un pouce à Moscou.
Une vision partagée par toutes les nations d’Europe centrale, à l’exception de la Hongrie d’Orban et de la Slovaquie de Fico, deux régimes populistes et pro-Poutine. La politique étrangère de l’UE a connu un revirement de 180 degrés. Je l’ai oubliée realpolitikBruxelles confie les rênes de sa diplomatie à un opposant déclaré au pouvoir russe. Quel changement !
Le Lituanien Andrius Kubilius, commissaire chargé de la défense et de l’espace
Andrius Kubilius, 67 ans, était physicien et chercheur à l’Université de Vilnius à l’époque de l’URSS. Lors de l’effondrement de l’Union soviétique à la fin des années 1980 et au début des années 1990, Kubilius était un membre important du mouvement dissident lituanien. Il rejoint ensuite l’Union de la patrie-Démocrates-chrétiens lituaniens (TS-LKS), parti très proche de la CDU allemande, le parti d’Ursula von der Leyen.
Andrius Kubilius a été Premier ministre de son pays à deux reprises, en 2000 et entre 2008 et 2012. Et comme Kaja Kallas, son objectif est clair : réarmer l’Europe pour contrer la menace russe. Lui qui a été membre actif de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen connaît l’importance de la défense européenne. Andrius Kubilius souhaite ainsi lutter contre les pénuries chroniques de munitions et d’équipements dans les armées européennes. Il travaillera en étroite collaboration avec Kaja Kallas. Avec un impératif : que les responsabilités entre les deux portefeuilles soient clairement délimitées. Les budgets prévus sont énormes. Ursula von der Leyen a ainsi évoqué le chiffre de 500 milliards d’euros sur dix ans pour renforcer la défense de l’Europe.
Le Letton Valdis Dombrovskis, commissaire chargé de l’économie et de la productivité
A 53 ans, Valdis Dombrovskis mène une carrière éclectique : physicien mais aussi diplômé en économie de l’université de Riga, il a travaillé à la Banque centrale de Lettonie. Ce libéral, issu du parti de centre-droit Unité, a été Premier ministre de 2009 à 2014 avant d’occuper plusieurs postes de commissaire européen.
Cet économiste est proche de ceux que l’on appelle les « États frugaux », les pays d’Europe centrale et du Nord attachés à l’orthodoxie budgétaire. En 2009, alors chef du gouvernement, il fait adopter un plan d’austérité budgétaire draconien, marqué notamment par une réduction de 20 % des salaires de la fonction publique et une réduction de 10 % des pensions de retraite. Cela ne lui fera cependant pas de mal, il effectuera trois mandats successifs.
A Bruxelles, il a donc logiquement la réputation d’un orthodoxe budgétaire. Vice-président exécutif de la Commission européenne et commissaire chargé du commerce dans l’équipe sortante, il a été chargé par Ursula von der Leyen de gérer les portefeuilles économie et productivité lors du prochain mandat. Ces derniers mois, il s’est particulièrement préoccupé de la question des surtaxes sur les importations de véhicules électriques chinois.
Dans ses nouvelles fonctions, il sera notamment en charge du financement des investissements des pays membres, dans un contexte d’extinction programmée du programme commun d’emprunt de l’UE « NextGenerationEU », doté de plus de 800 milliards d’euros.
La Slovène Marta Kos, commissaire chargée de l’élargissement européen
Marta Kos, âgée de 59 ans, a débuté sa carrière dans les piscines puisqu’elle était championne de natation, sous pavillon yougoslave. Elle travaille ensuite comme journaliste, d’abord dans son pays, la Slovénie, puis en Allemagne comme correspondante de la télévision slovène. Elle occupe ensuite des postes diplomatiques : ambassadrice de Slovénie en Allemagne, en Lettonie et en Suisse.
Marta Kos a également eu une brève carrière au sein d’un parti politique. D’avril à septembre 2022, elle a été l’une des vice-présidentes du Freedom Movement, parti libéral et écologiste de centre-gauche, membre du groupe Renew au Parlement européen.
Pour sa première expérience au sein d’un cadre, Marta Kos sera responsable du dossier stratégique d’élargissement. «C’est la priorité absolue de mon nouveau mandat» » a déclaré le président de la Commission européenne le 23 octobre lors d’une tournée dans les Balkans occidentaux. Cinq pays des Balkans ont le statut de candidats officiels : la Macédoine du Nord, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro. La Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ont de leur côté récemment vu leurs statuts de candidats validés par Bruxelles.
L’objectif de Marta Kos sera d’œuvrer à l’intégration progressive de ces pays, notamment en les aidant à accomplir les réformes nécessaires à l’adhésion. La volonté politique est là même si le chemin reste long. Interrogé par l’AFP, Lukas Macek, responsable du Centre Grande Europe à l’Institut Jacques Delors, a estimé qu’il n’y aurait pas de « pas d’adhésion à part entière possible avant la fin du mandat de la Commission » en 2030.