Un fauteuil pour l’orchestre – Le site des critiques de théâtre parisien » La Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart, mise en scène Robert Carsen à l’Opéra Bastille

04 novembre 2024 |
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© Ghergana Damianova

ƒƒ article de Sylvie Boursier

Papagena, Papageno, Pamina, Tamino, Sarastro, Monostatos, le livre du Flûte enchantée on dirait une bande dessinée de Tim Burton avec une reine de la nuit toxique, des voiles laineux, un gnome reptilien et un Quasimodo luciférien, vive Halloween !

C’est l’histoire de Tamino, un jeune prince venu d’ailleurs, qui, sur les injonctions de la Reine de la Nuit, s’aventure dans le royaume de Sarastro et affronte de terribles épreuves pour l’amour de Pamina. C’est aussi l’histoire de Papageno, un oiseleur espiègle, qui n’aspire qu’à manger, boire et… retrouver son Papagena ! Conte initiatique, nuit des morts-vivants et commedia dell arte buffa la Flûte enchantée est un mystère que nous ne finirons jamais de comprendre. Les idées les plus novatrices du siècle des Lumières côtoient le vaudeville hilarant.

La mise en scène de Robert Carsen privilégie la partie métaphysique de l’œuvre plus que son enchantement onirique éveillé au détriment de la poésie intuitive. D’une terre battue de cercueils émergent les protagonistes avec des forêts sombres en toile de fond, grâce à un remarquable travail sur la lumière. Les acteurs se perdent dans une sorte de no mans land, éclairé par une lumière trouble, métaphore peut-être de notre condition de simples mortels, errant sur les ossements des morts que nous allons bientôt rejoindre. Les trois dames voilées de noir à l’effigie de leur reine sont indifférenciées. Ils craquent pour Tamino et humanisent l’ouverture de ce théâtre d’ombres avec leur côté drôle presque touchant. La soprano Aleksandra Olczyk incarne une reine aiguisée parfaitement équilibrée et Pavol Breslik incarne un charmant Tamino sortant d’une soirée jet set avec son costume blanc immaculé. Malgré la justesse des voix et la subtilité de la direction des acteurs, la première partie paraît longue avec pour seul changement les couleurs d’une forêt aux quatre saisons.

Puis l’esthétique raffinée offre des images saisissantes comme le « baiser de la mort » de Papageno à une mariée morte-vivante (composition et maquillage extraordinaires d’Ilanah Lobel-Torres) comme les danses macabres du Moyen Âge. Tamino et Papageno descendent sous terre avec les ombres d’immenses échelles, seulement éclairées par les tombes béantes. Vivre, c’est apprendre à mourir, tel est le secret de l’initiation selon Robert Carsen et le prix à payer pour accéder à une vérité relative car humaine.

La basse de Jean Teitgen en Sarastro fait des merveilles avec une amplitude contenue (Mozart n’est pas Verdi !) qui nous enchante, nous sommes suspendus à ses lèvres. Mathias Vidal frappe dans Monostratos, mélange du Bossu de Notre-Dame et de M le Maudit, une très belle composition en effet. Mais le maître des lieux est bien l’indescriptible Papageno, Mikhaïl Timoshenko, que l’on sent chez lui à Bastille. Le puissant baryton incarne l’oiseleur vibrant sans caricature avec beaucoup d’humour et de tendresse, le public est avec lui.

Nos oreilles sont aux anges, on pourrait même fermer les yeux puisque la lanterne magique de Robert Carsen projette un visuel intérieur plus que solaire. Après tout, les personnages centraux de ce mystérieux opéra ne sont-ils pas de la musique et du chant ? L’alliance entre les deux est parfaite, astucieuse et simple, si mélodique qu’il est impossible de quitter la salle sans garder longtemps en tête les airs les plus joyeux. La chef Oksana Lyniv est également largement applaudie. On entend la terreur de la Reine de la Nuit, les émotions de Pamina, les clowneries de Papageno, la grandeur du prince Sarastro et l’éveil à la sagesse du prince Tamino. Trois mois plus tard, Mozart tire sa révérence et joue « une subtilité musicale sans précédent, parfaitement résumée par le couple nouvellement initié ». nous marchons par la magie de la musique, joyeux dans l’obscurité ».

© Ghergana Damianova

La Flûte enchantée, musique de Wolfgang Amadeus Mozart

Habité par: Emanuel Schilkaneder

Réalisateur : Robert Carsen

Direction musicale : Oksana Lyniv

Chef de Chœur : Alessandro di Stefano

Scénographie : Michael Levine
Costumes : Petra Reinhardt
Lumières : Robert Carsen et Peter Van Praet

Avec : Jean Teitgen, Pavol Breslik, Nicolas Cavallier, Niall Anderson, Nicholas Jones, Aleksandra Olczyk, Nikola Hillebrand, Margarita Polonskaya, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Claudia Huckle, Mikhail Timoshenko, Ilanah Lobel-Torres, Mathias Vidal et le suppléant Fabian Bellon , Anton Kuhnle, Erwin Li, Simon Engel, Christian Müller, Philipp Rahn

Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris
5,7,9,12,15,17,19,21 et 23 novembre 2024 à 19h30

Durée : 3h05 avec entracte

Opéra Bastille

Place de la Bastille

75012 Paris

Réservation : www.operadeparis.fr

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