Des nuages menaçants s’amoncellent au-dessus de Bréhémont (Indre-et-Loire). Nichée au bord de la Loire au nord de Chinon, la petite ville de 700 habitants est déserte en milieu d’après-midi, à l’approche de la tempête.
Posté à l’entrée de son magasin de location de vélos, Dominique Raclin observe les cyclistes invétérés traversant la cité ligérienne où presque tous les commerces ont fermé leurs portes. Passionné d’histoire locale, le Bréhémontais d’adoption expose plusieurs photos des époques prospères du village. Le cirque Georget, arrivé en 1982, y occupe une place importante.
En 2008, le départ suspect du cirque
Pendant vingt-six ans, Bréhémont vit au rythme des succès de la famille du cirque. En 2003, le fils aîné, Hervé Georget, convainc ses parents d’acheter un chapiteau et lance le concept du Village du Cirque de Noël, attirant ainsi chaque année des dizaines de milliers de spectateurs. La troupe prit ses quartiers d’hiver, près du cimetière municipal, en contrebas de la digue.
« Le fondateur, Joël Georget, a également été conseiller municipal à partir de 1995. Jusqu’à son décès en 2007 »se souvient un résident à la mémoire infaillible. Le cirque quitte brusquement Bréhémont l’année suivante, «après les élections municipales de 2008». Un départ aussi soudain qu’inexpliqué, provoquant encore un certain embarras, seize ans plus tard. «Je ne sais pas ce qui s’est passé. balaie Dominique Raclin. Ce n’est pas une bonne chose, de toute façon. »
Interrogés à ce sujet, les personnalités locales esquivent immédiatement : «C’est trop sensible. Je préfère ne pas aborder le sujet. » Croisé par hasard, le natif du Bréhémontais a sa propre idée en la matière. «Ça n’a pas marché avec Daniel Durand, » lâcha-t-il sans hésitation. Ce n’était pas la même couleur politique. ». Une allusion à l’étiquette socialiste du maire de l’époque, réélu en 2008, après le mandat de Jean-Claude Truissard entre 2001 et 2008.
Accusé d’être à l’origine du départ des Georget, Daniel Durand s’explique dans une longue lettre, publiée dans La Nouvelle République en décembre 2008 : « Rien ne justifie que la mairie soit tenue pour responsable de cette désaffectionil a écrit. Aller ailleurs relève de la seule responsabilité des dirigeants du cirque. »
Les histoires murmurées sur la « cabane »
Pour d’autres, les raisons de ce départ sont ailleurs. Dans un petit hangar, en retrait du terrain appartenant encore à la famille Georget, loin du centre ville. Une addiction évoquée dans les plaintes contre Hervé Georget, accusé de viols et d’agressions sexuelles sur mineures entre 2006 et 2016.
“Sa mise en examen n’était pas vraiment une surprise ici”» indiquent spontanément les résidents, sur un ton à la fois évasif et compréhensif. Le 21 juin 2024, le « Mr. Loyal” du cirque a été placé en détention provisoire. Quelques semaines plus tard, la famille Georget annonce la fermeture de l’école de cirque et quitte la commune de Luynes.
La rumeur persistante murmure depuis plusieurs années : « Ça a commencé à Bréhémont, ces histoires. Et c’était connu. » Un ancien confident de l’équipe municipale assure que les élus n’étaient pas au courant à l’époque. « Les familles n’ont porté plainte que plus tard, une fois le cirque parti. »
Pourquoi personne n’a parlé plus tôt ? La question suscite au mieux un haussement d’épaules quand le regard ne devient pas fuyant. “Nous ne prenons aucune gloire à le dire aujourd’hui”» confie un vieil homme aux cheveux blancs, avant de baisser la tête.