Moussa Séne, l’homme qui veut populariser l’aquaculture urbaine

Moussa Séne, l’homme qui veut populariser l’aquaculture urbaine
Moussa Séne, l’homme qui veut populariser l’aquaculture urbaine
Légende, Moussa Séne a décidé de décliner les offres d’emploi en France pour implanter sa ferme aquacole intégrée au Sénégal.
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Moussa Séne est un jeune sénégalais qui voit les choses en grand. Après ses études en France, il décide de retourner au Sénégal pour se lancer dans l’aquaculture. Pari réussi puisqu’aujourd’hui, elle propose des formations aux personnes souhaitant se lancer dans la pisciculture hors sol. Son objectif est d’encourager la pisciculture à travers sa ferme intégrée.

« Demandez à quelqu’un quelle est la maison où l’on élève du poisson, il vous le dira ! » », informe Moussa Séne à l’autre bout du fil. Après avoir dévalé la route goudronnée du quartier Nguinth de Thiès, une ville de l’ouest du Sénégal, on aperçoit des jeunes assis à côté de leurs motos.

Ils montrent un bâtiment où la peinture d’un côté du mur commence à s’estomper.

« C’est là que nous élevons le poisson », nous explique l’un d’eux.

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Nous longeons le mur du bâtiment avant de tourner à droite. Cela ne fait aucun doute, nous sommes arrivés à la Ferme Aquacole Intégrée de Thiès. Il est également indiqué en gros caractères sur la façade extérieure du mur de clôture.

Nous franchissons le portail et sommes accueillis par la symphonie de potins et de caquetements des volailles qui berce l’ambiance de la ferme.

Moussa Séne, le propriétaire des lieux, a la main plongée dans un bassin bleu, au fond duquel frétillent des poissons.

Après les habituelles salamalecs, il nous invite à nous asseoir avant de commencer à raconter le parcours qui l’a conduit à fonder cette ferme.

Jeune étudiant en agronomie à l’université Gaston Berger de Saint Louis, Moussa Séne constate une certaine pénurie de techniciens dans le domaine de l’aquaculture au Sénégal.

Un secteur qui n’attire pas encore les Sénégalais, selon lui, contrairement au secteur de la pêche.

Mais il sent et sait que la pisciculture pourrait bien être un levier pour le développement de son pays.

Le poisson est l’un des aliments de base de la population sénégalaise. Le très populaire thiof (mérou blanc) accompagne de moins en moins le thiébou dieune (riz au poisson), plat national et symbole de la gastronomie sénégalaise en raison de la surpêche qui sévit dans les eaux sénégalaises.

Selon un rapport de l’ANSD publié en 2023, le « secteur de la pêche continue d’enregistrer de contre-performances avec une contraction de sa valeur ajoutée (-6,6%) en 2021, après une baisse de 8,2% en 2020 »

Le rapport explique en partie cette mauvaise performance par « la rareté des ressources halieutiques qui résulte de leur surexploitation au fil des années et des campagnes sismiques réalisées pour la prospection des hydrocarbures. »

En revanche, la production aquacole est en hausse de 8,9%, toujours selon le rapport de l’ANSD, même si elle n’a pas atteint l’objectif initial.

Une aubaine détectée par Moussa, qui a décidé de s’envoler pour la France en 2018 à Bourcefranc puis à Brée-les-Bains dans le but de se spécialiser dans l’aquaculture marine.

A la fin de ses études, plusieurs propositions lui sont faites pour qu’il puisse débuter une vie professionnelle au pays de Marianne. Pourtant, les sommes faramineuses qui lui sont proposées ne lui font pas tourner la tête.

M. Séne décline ces offres, qu’il qualifie de tentantes, pour faire ses valises et mettre le cap sur son Sénégal natal. Une décision qui a surpris ses amis qui l’ont vu arriver dans le pays.

“Tu es fou. Que faites-vous ici ? Nous voulons aller en France et vous revenez ? », lui disent ses proches qui ne comprennent pas la décision de Moussa Séne.

Pour autant, Moussa Séne ne revient pas les bras croisés. Il a ramené dans ses sacs un projet d’aquaculture en cage offshore.

Une cage offshore est une structure piscicole installée en mer afin d’élever le poisson dans un environnement contrôlé. La structure est ancrée de manière à résister aux intempéries.

Il couvre près de 500 pages de son idée et réalise les études d’impact environnemental nécessaires afin de bien monter son projet.

Ce projet colossal nécessite cependant un financement d’un milliard de francs CFA, montant qu’il ne parvient pas à réunir. « Nous avions la concession maritime de deux kilomètres carrés qui nous avait été accordée. Mais c’est justement le financement qui a bloqué le projet», regrette M. Séne.

« Nous avions beaucoup de promesses, mais malheureusement, nous n’avions pas les financements et nous cherchons toujours à pouvoir obtenir ces financements », déplore-t-il. Néanmoins, Moussa Séne ne se laisse pas décourager et réajuste son projet de création d’une ferme aquacole intégrée.

Sa première récolte de poisson lui rapporte un bénéfice de 150 000 francs sur 6 mois.

« J’avais un très petit bassin », se souvient-il. Trois ans plus tard, elle produit environ un million d’alevins par an.

« Aujourd’hui, je peux dire que je fais des recettes [à hauteur] de millions. Je ne veux pas dire les recettes que je fais, mais je fais des recettes assez conséquentes », dit-il avec un large sourire qui fend son visage.

Même s’il s’abstient modestement de nous révéler le montant exact de ses bénéfices, il est néanmoins très fier de voir ce qu’il accomplit. D’autant que certains de ses amis n’étaient pas favorables à son idée de retourner au Sénégal.

Révolutionner l’aquaculture, mais pas seulement…

Légende, Les ouvriers mettent en place le système intégré que Moussa Séne veut populariser dans les ménages sénégalais.

Moussa Séne espère avec ses compétences et son expérience faire des émules.

Il a mis en place un projet intitulé « une maison, un étang ». L’objectif est que chaque foyer puisse produire le poulet, les légumes et le poisson qu’il consomme dans un espace réduit.

Pour réussir, il a mis en place un système interconnecté composé d’un étang (pour élever des poissons), d’une table (qui sert de plantation) qui constitue en même temps un poulailler.

« Une fois nourris, les poissons vont produire des crottes, une sorte d’engrais pour les plantes. C’est un système autonome qui permet d’arroser votre plantation avec l’eau du bassin à poissons très riche en substances fertilisantes. Cette plantation, qui sert d’ombre, constitue un abri pour les poules que nous élevons en bas », explique Moussa Séne en désignant les volailles.

Parallèlement à sa ferme aquacole intégrée, Moussa a fondé un institut de recherche et de pêche. Une manière pour lui de vulgariser ses connaissances et de contribuer à la formation des techniciens en aquaculture.

Son institut attire également plusieurs étudiants des pays voisins. C’est le cas d’Alkassoum Mahamar, ce ressortissant malien espère reproduire le même modèle dans son pays.

Légende, Alkassoum Mahamar est venu du Mali pour suivre une formation dans l’institut fondé par Moussa Séne.

« À la fin de ma formation, j’aimerais rentrer chez moi et vulgariser ce que j’ai appris ici », explique le jeune homme. Outre l’aquaculture, M. Mahamar est ravi de pouvoir rentrer au Mali avec d’autres compétences.

Au-delà des formations en pêche et en aquaculture, l’institut de M. Séne offre ce qu’il appelle des « primes ».

« Ils sont spécialisés dans la métallurgie, car ils savent faire du soudage des métaux. Ils peuvent aussi faire de la menuiserie en bois et ils auront aussi un permis de conduire de cet institut avant de partir », explique Moussa Séne.

Contribuer à la sécurité alimentaire au Sénégal

Aujourd’hui, c’est un sentiment de fierté qui anime Moussa Séne lorsqu’il regarde la cinquantaine d’étangs installés dans son exploitation.

« Nous livrons un million de poissons par an au Sénégal dans la sous-région », se vante-t-il. Grâce à son exploitation, il emploie une vingtaine de personnes et permet aux revendeurs de s’approvisionner chez lui.

Si Moussa Séne se frotte les mains grâce aux profits qu’il engrange, le secteur aquacole, selon lui, est confronté à plusieurs défis, notamment l’alimentation des poissons.

« L’alimentation des poissons, c’est vraiment très cher, ça coûte cher et ça réduit la rentabilité de cette activité », soupire M. Séne.

Il ne regrette néanmoins pas son choix : « comme j’ai commencé avec un étang et que je suis ici aujourd’hui pour deux ou trois ans, j’ai l’espoir d’avoir les dix hectares que j’envisage de faire et qui peuvent certainement contribuer à la sécurité alimentaire au niveau national. niveau. »

 
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